voix passive ou construction attributive?
Bonsoir,
Je suis en train de préparer un cours sur la voix passive pour des élèves de 3ème et j’ai décidé de me replonger un peu dans la théorie…
Beaucoup s’accordent sur un point : quand le participe passé est employé avec « être » et que la phrase contient un complément d’agent, alors il s’agit d’une construction passive.
« Le blé est coupé. » peut être interprété comme une construction attributive ou passive (« on coupe le blé. »)
Mais « le blé est coupé par le fermier » ne peut être qu’une construction passive, sauf erreur de ma part.
Je vais revenir sur un cas qui a peut-être déjà été traité.
Fleurs d’encre 3ème propose la phrase : « Cette équipe est appréciée de tous. »
Cette phrase est analysée ainsi : sujet + verbe à la voix passive + complément d’agent. Mise à la voix active, on obtient : Tous apprécient cette équipe.
Ma première question est : comment expliquer à des élèves que « cette équipe » subit l’action d’être appréciée ?
La réponse me paraît moins évidente que pour une phrase du type « la souris est mangée par le chat. »
Ma seconde question est : peut-on analyser cette phrase comme une construction attributive ?
En effet, dans la phrase : « cette équipe est inconnue de tous ».
« Inconnue » est un adjectif (il ne peut pas s’agir du participe passé du verbe « inconnaître » qui n’existe pas).
« de tous » est un complément de l’adjectif.
Il s’agit d’une construction attributive qui permet de décrire l’équipe, d’insister sur son état.
Peut-on appliquer le même raisonnement avec « appréciée de tous » ?
Merci pour vos futures réponses.
Je vous reproduis une réponse donnée sur ce site par un contributeur.
En dehors de tout contexte, le groupe être + participe passé peut en effet donner lieu à deux lectures.
Considérons la phrase simple : « La maison sera rangée. »
1 ─ On peut envisager d’analyser l’ensemble sera rangée comme forme passive du verbe ranger. Par exemple : la maison sera rangée demain par la femme de ménage (action).
2 ─ Ou considérer sera rangée comme un groupe verbe copule* +participe passé attribut. Par exemple : la maison sera rangée pour ton retour (état).
De fait, le verbe à la voix passive se confond formellement avec la structure attributive, seul le contexte permet de lever l’ambiguïté.
*Parmi les verbes d’état qui introduisent un attribut du sujet figure le verbe identité : être. Il est appelé dans ce cas verbe copule ; il se contente en effet de permettre le lien entre sujet et attribut , sans être lui-même porteur de sens.
J’essaie de répondre à vos questions :
Ma première question est : comment expliquer à des élèves que « cette équipe » subit l’action d’être appréciée ?
– précisément parce que c’est une action, l’équipe est l’objet de cette action (COD à la voix active), le verbe subir est peut-être moins adaptée.
« appréciée »ne me semble pas « attribut ».
La différence entre « appréciée de tous » (voix passive) et « inconnue de tous » (attribut) est que inconnue n’est pas un verbe et que l’on ne peut faire la mise à l’actif avec une conjugaison du verbe au présent.
L’analyse de Joëlle est très pertinente. J’insisterai plus particulièrement sur la réponse qu’elle apport à votre question : comment expliquer à des élèves que « cette équipe » subit l’action d’être appréciée ? En En remplaçant « de » par la préposition « par » qui est moins polysémique :
Cette équipe est appréciée de tous = cette équipe est appréciée par tous
Mais
Cette équipe est inconnue de tous —> cette équipe est inconnue par tous ne fonctionne pas.
—-> Je crains cependant que certains élèves ne perçoivent pas cette différence.
Aussi :
En vérifiant que l’aspect est le même à la forme passive qu’à la forme active
Le blé est coupé par le fermier —> le fermier coupe le blé —> il le coupe = déroulement : pas de problème
Mais : Le blé est coupé. Aspect : résultat ou déroulement ?
1. Déroulement : le complément d’agent est effacé – transformation active possible= on coupe le blé
2. Résultat : sujet + copule + attribut : La transformation impossible
Seul le contexte permet de distinguer
Il me semble plus judicieux, devant les élèves de 3ème :
– dans un premier temps de ne les confronter qu’à des phrases parfaitement réversibles, que l’agent soit ou non exprimé en tant que sujet ou en tant que complément.
– de faire remarquer en contexte les constructions qui ne sont pas des phrases passives inachevée. Je n’insisterais pas trop sur ce point (sauf si… il y a toujours des cas, en pédagogie où tel ou tel point mérite qu’on s’y arrête).
Par exemple : la mer est salée n’est évidemment pas la transformation passive d’une phrase active qui serait : on sale la mer. Est-il nécessaire de le mettre précisément le doigt dessus? (Les élèves ne sont pas destinés dans leur grande majorité, à devenir des linguistes).
Je vous remercie pour ces réponses qui m’ont bien éclairé concernant ma première question. Je vais effectivement éviter de me mettre en difficulté devant les élèves. Mais je voudrais revenir sur la seconde question et sur l’analyse de Joëlle.
Cette équipe est inconnue de tous = attribut car « inconnue » est un adjectif.
Mais.
Cette équipe est connue de tous = voix passive (tous connaissent cette équipe.)
La différence entre ces deux phrases repose sur un préfixe.
Ces deux phrases peuvent répondre aux questions : « Comment est cette équipe ? », « Quelles sont ses caractéristiques ? »
« connue de tous » ne peut-il pas être lui aussi interprété comme un attribut ?
Si c’est le cas, alors « appréciée de tous » peut lui aussi être interprété comme attribut.
Toutes ces questions que je n’aborderai pas avec des élèves viennent de deux extraits de la riegel.
Riegel (chapitre VII – le groupe verbale – 2.4.5.3 le participe passé) p.342 – 344.
« Le participe passé peut avoir aussi la fonction d’attribut du sujet :
La pelouse était couverte de faibles vapeurs condensées.
Quand le participe passé est attribut du sujet, sa valeur adjectivale efface sa valeur verbale ».
La riegel analyse donc le participe passé « couverte » comme un adjectif attribut du sujet et ne dit rien à propos de « de faibles vapeurs condensées ».
Logiquement, il devrait s’agir d’un complément de l’adjectif (= pleine de faibles vapeurs condensées).
Sept lignes plus loin, ils écrivent :
« Mais il est impossible d’assigner au participe passé une valeur adjectivale quand il exprime un procès au passif avec un complément d’agent ».
Il y a dans cet extrait de la riegel quelque chose que je ne comprends pas. En effet, « de faibles vapeurs condensées » peut s’analyser comme un complément d’agent.
De faibles vapeurs condensées couvraient la pelouse.
Donc « couverte » ne devrait pas être attribut.
Cela est confirmé plus loin (chapitre XI – les types de phrases – 7.3 le complément d’agent). On peut lire :
« La phrase le sol était recouvert d’une épaisse couche de neige s’analyse comme la version passive de une épaisse couche de neige recouvrait le sol ».
Comprenez-vous mon embarras ?
Soit la Riegel se contredit. Soit c’est moi qui ne comprends pas quelque chose.
connue = connaître, il peut y avoir une action et connu peut être un participe et un adj.
inconnue = inconnaître ????, pas d’action mais seulement un adjectif
En effet Imarcq, il y a apparente contradiction.
Cela arrive parfois. Il y a des cas où on est à la limite de l’analyse et c’est ce qui se passe ici.
Ici, très nettement on ne peut trancher : attribut où forme passive ?
C’est simplement parce que les deux formes se confondent plus nettement ici qu’ailleurs.
Le manteau est râpé : résultat seul envisagé. État : « râpé » a la même fonction qu’un adjectif —> le manteau est vieux.
Le manteau est râpé par un usage trop fréquent : cette fois-ci on a une forme passive qui met l’accent sur l’action .
Du coup, « le manteau est râpé » peut être vu comme une forme passive non achevée.
Les deux nuances sémantiques cohabitent.