Virgule (ou pas) après OR
Bonjour,
Je suis correctrice et j’hésite souvent à mettre ou omettre la virgule après « or » en début de phrase.
Quand une partie de la phrase est en apposition, les virgules sont nécessaires [ex : Or, comme le temps pressait, il a pris un taxi. Or, à la même question, Julia a rétorqué : […].]
Quand ce n’est pas le cas, j’ai l’impression que l’usage est flottant.
Quelques exemples trouvés au fil de mes lectures :
- – Or il ne s’agissait pas d’un accident. (J’aurais bien mis une virgule ici)
- – Or, leur pronostic vital est engagé. (Je n’en aurais pas mis ici)
- – Or, l’immigration n’est pas un problème. (Je n’en aurais pas mis)
- – Or tu m’as dit qu’on ne pouvait comparer les autres pays d’Europe à la France […]
Selon qu’on insiste sur la mise en relief du coordinateur logique ou sur la prononciation fluide de la phrase, on met (ou pas) la virgule ?
Qu’en pensez-vous ? J’aimerais bien être plus au clair sur ce point, car j’hésite souvent.
Merci par avance.
On peut placer une virgule après or si l’on désire appuyer sur la conjonction ou si cette dernière est à la tête d’une phrase assez longue. La virgule se trouve alors à reproduire la pause qui serait, dans pareil cas, observée à l’oral :
- Or, la directrice ne pouvait pas avoir lu le rapport, puisqu’elle en ignorait l’existence.
Placé au début d’une phrase courte, or peut s’employer sans virgule :
- Or il se trouve que j’ai raison.
Bonjour Karine,
Mis à part le cas de l’incise et de l’incidente, l’usage est effectivement flottant. Mais il y a plus gênant : les spécialistes de la ponctuation (Drillon, Jacquenod, Doppagne, etc.) divergent entre eux.
La BBDL donne des indications intéressantes au sujet de l’emploi de la virgule après la conjonction or.
Ne réfléchissez pas selon vos phrases isolées, mais selon le type d’articulation entre les propositions.
Voici mon découpage, sur la base de vos exemples.
1. Deuxième prémisse avant la conclusion.
« Il dit cela. Or, il se trompe toujours. Donc, c’est faux. »
« Or » apporte une deuxième information, mais pas encore la conclusion, qui ne viendra qu’en fin de phrase.
« or » = « et de plus » ; « et nous savons par ailleurs que » ; « et comme »…
Virgule, pour montrer l’articulation du raisonnement : pourtant, je crois que… de plus, nous savons que…
— Nous savions n’être couverts qu’en cas d’accident, et comme ce n’était pas un accident, nous n’avons pas été remboursés.
— Nous savions n’être couverts qu’en cas d’accident. Or, il ne s’agissait pas d’un accident. Nous n’avons donc pas été remboursés.
— L’accident était au départ mineur, et nous savons désormais que leur pronostic vital est engagé, c’est bien qu’il y a eu un problème dans la chaîne des secours.
— L’accident était au départ mineur. Or, leur pronostic vital est engagé. Il y a donc eu un problème dans la chaîne des secours.
— On manque de travailleurs pour payer nos retraites, et dans une société déjà multiculturelle l’immigration n’est pas un problème, ce qui nous permet d’ouvrir nos frontières.
— On manque de travailleurs pour payer nos retraites. Or, l’immigration n’est pas un problème. Ouvrons donc nos frontières.
2. Démenti-conclusion.
« Il dit cela. Or c’est faux. En effet… »
« Or » contredit ce qui précède par une information nouvelle, conclusive (il n’est pas rare que la phrase se poursuive sur une explication, mais pas une conclusion).
« or » = « mais nous apprenons finalement que » ; « mais en réalité » ; « mais la vérité est que »…
Pas de virgule, pour montrer la conclusion : et voilà ; mais c’est ainsi ; car c’est faux…
— Je pensais qu’il avait glissé, mais en réalité il ne s’agissait pas d’un accident.
— Je pensais qu’il avait glissé. Or il ne s’agissait pas d’un accident.
— L’accident était annoncé mineur, mais nous apprenons maintenant que leur pronostic vital est engagé.
— L’accident était annoncé mineur. Or leur pronostic vital est engagé. Voilà la vérité.
— On prétend que les immigrés posent un problème d’emploi, mais en réalité l’immigration n’est pas un problème, puisqu’elle apporte autant de consommateurs que de producteurs.
— On prétend que les immigrés posent un problème d’emploi. Or l’immigration n’est pas un problème. L’immigration n’est absolument pas un problème. En effet elle apporte autant de consommateurs que de producteurs.
Dans ce dernier exemple, un raisonnement logique alignerait deux prémisses et une conclusion-déduction : Le problème d’emploi vient des déséquilibres économiques. Or, les immigrés sont autant consommateurs que producteurs. Donc l’immigration n’est pas un problème. On voit que « l’immigration n’est pas un problème » est bien la conclusion, qui en logique pure ne suit pas le mot « or », mais qui dans la construction démenti-conclusion-asséné-avant-tout-argument suit immédiatement le mot « or » sans virgule.
Suppression ou ajout de virgule.
Dans la construction « or-virgule plus deuxième prémisse avant la conclusion », on peut souvent supprimer la virgule sans altérer le sens, mais inversement, dans la construction « or-sans-virgule plus démenti-conclusion », on ne doit normalement pas en ajouter une.
1. Il dit cela. Or(,) il se trompe toujours. Donc(,) c’est faux.
2. Il dit cela. Or c’est faux.
Merci pour cette analyse fort intéressante.