Virgule à la bonne place ?
Bonjour, j’ai une petite question concernant l’emplacement d’une virgule dans certaines phrases.
« Elle le regarda, surprise »
«Jean s’arrêta, anxieux. »
« – Elle est morte, déclara-t-elle, soucieuse. »
« Il les dévisagea, interdit. »
« Il reprit la route, déçu. »
Il faut bien une virgule avant les adjectifs ?
Merci pour votre aide.
Ledonk
Oui, vous avez parfaitement raison. Sinon, la phrase n’aurait pas de sens construit : « il reprit la route déçu » ne veut rien dire.
Techniquement, il s’agit d’une apposition : on peut dans certains cas déplacer l’adjectif pour le mettre en valeur.
Déçu, il reprit la route.
Pour les phrases 1, 2, 4 et 5, la virgule avant l’adjectif ou le participe semble indispensable.
En revanche, pour celle en style direct (la 3), je ne la mettrais pas. Soucieuse se rapporte à « elle », directement placé avant, sans unité de sens propre. — Elle est morte, déclara-t-elle soucieuse.
En revanche, s’il y avait un ensemble complet derrière le sujet, on pourrait ponctuer : — Elle est morte, déclara-t-elle, déjà soucieuse des conséquences.
Vous n’écririez pas « soucieuse elle déclara » ou « soucieuse déclara-t-elle » mais « déclara-t-elle soucieuse » ?
Vous avez sûrement de bonnes raisons, mais une légère pause n’est cependant pas fautive.
Selon moi, il est plus clair de mettre le verbe introduisant une parole en incise, entre deux virgules.
Avec un complément circonstanciel, ce serait peut-être différent , « déclara-t-elle en soupirant » est, par exemple, correct.
@Joëlle
Rien de fautif bien sûr… En cas de placement en tête, il faudrait à l’évidence remettre une virgule.
Je voulais simplement signaler que cette phrase, différente des quatre autres, appelait une ponctuation réfléchie autrement. Les dialogues ont souvent des subtilités propres et la subjectivité y conserve une bonne place…
Bonjour Joëlle et Chambaron, merci pour vos explications et éclaircissements. 🙂
Je rencontre de plus en plus souvent, dans les romans, ce genre de phrases « nettoyées » de virgule, ce qui me choque un peu :
« Il reprit la route fouillant dans sa poche. » => (« Il reprit la route, fouillant dans sa poche. »)
« Il ralentit apercevant un homme. » => « Il ralentit, apercevant un homme. »
« … fit Paul énervé. » => « … fit Paul, énervé. »
« … s’exclama-t-il rassurant. » => « … s’exclama-t-il, rassurant. »
« Jacques anxieux n’était jamais venu ici. » => « Jacques, anxieux, n’était jamais venu ici. »
Etc.
Par contre je crois que la virgule de mise en évidence est facultative, non ?
« – C’est quoi, cette lettre ? » => « – C’est quoi cette lettre ? »
« – Tu savais que c’était Jacques, le locataire de cet appartement ? » => « – Tu savais que c’était Jacques le locataire de cet appartement ? »
Merci pour vos explications
Le Donk
Même si la ponctuation peut laisser place à des marges d’appréciation, notamment de la part des auteurs, grands et petits, elle reste une façon de respirer, de faire entendre des nuances et des silences. Bien sûr, elle est pour moi la base de la syntaxe. Donc, sans en abuser, il importe de ne pas l’omettre, à plus forte raison quand les règles édictées sont claires. Je suis d’accord avec le caractère fautif des exemples que vous donnez.
La ponctuation est une des grandes victimes de la typographie moderne. Et encore ne relevez-vous là que l’emploi de la virgule. C’est souvent la totalité de la phrase qui est en cause, frôlant parfois le contresens ou laissant le lecteur perplexe sur le cheminement de la pensée. Les deux derniers ouvrages que j’ai corrigés devaient être massivement repris à ce niveau : rien de plus pénible…
LeDonk, à mon sens, les virgules fautives sont plus gravissimes que les virgules manquantes (et, des virgules fautives, on en trouve à la pelle dans des ouvrages de grammaire pointus, c’est fâcheux !). On ne peut pas toujours ponctuer de façon rigoureusement grammaticale, car cela revient à surcharger les écrits de virgules, et la lecture en est rendue plus difficile et hachée. L’excès de virgules n’est donc pas souhaitable (et je le dis d’autant plus que je virgule à tour de bras !), mais c’est effectivement la tendance inverse que l’on observe…
« C’est quoi cette lettre ? » → Grammaticalement, il faudrait une virgule, mais l’absence de virgule n’entraîne aucune ambiguïté. Tout est clair et compréhensible. Dans ce cas, c’est plutôt du langage parlé, familier, et la virgule nuirait presque au rythme et à la fluidité de l’expression.
« Tu savais que c’était Jacques, le locataire de cet appartement ? » → Là, la phrase n’a pas du tout le même sens selon que l’on met ou non une virgule, cette phrase n’est donc pas à mettre sur le même plan que les autres.
L’absence de virgule n’est pas absolument dramatique si la phrase n’est pas ambiguë.
« Avez-vous mangé, les enfants ? » → Chacun a ses petites manies… et pour ma part je tiens aux virgules encadrant les apostrophes. Sans elles, souvent, il y a ambiguïté. Pour les incises aussi, les virgules ne me semblent généralement pas superflues.
Merci à tous pour vos explications.
Veso, par contre je m’excuse, mais pourriez-vous m’expliquer la différence de sens de cette phrase avec ou sans virgule ? ==>
« Tu savais que c’était Jacques, le locataire de cet appartement ? »
« Tu savais que c’était Jacques le locataire de cet appartement ? »
Merci.
Je vais essayer (mais ne m’en veuillez pas trop si je m’exprime comme un manche)…
Tu savais que c’était Jacques, le locataire de cet appartement ?
On pourrait reformuler cette question en disant : « Tu savais qui c’était ? »
L’information principale est qu’il s’agit de Jacques (et accessoirement il est locataire de cet appartement — on pourrait mettre cette précision entre parenthèses), la virgule apporte simplement une information complémentaire, elle a une valeur explicative.
Tu savais que c’était Jacques le locataire de cet appartement ?
On pourrait reformuler cette question en disant : « Tu savais qui était le locataire de cet appartement ? »
L’information principale est que le locataire de cet appartement a été identifié. L’information qui est accessoire dans le premier cas est ici déterminante. La virgule change totalement le sens d’une telle phrase. Je dirais que, si vous avez saisi le rôle de la virgule dans les propositions relatives, vous devriez saisir la différence de sens dans ce type de phrase.
@veso
Bravo pour vous être lancé dans cette explication : ce n’était pas facile.
On pourrait aussi dire que la virgule du premier exemple est en fait une virgule d’incise, la seconde étant remplacée par le point. Le tronçon « le locataire de cet appartement » est en apposition et peut être ôté sans nuire au sens. Ce n’est pas le cas dans la seconde formulation.
Mon explication n’est franchement pas brillante, toute aide est donc la bienvenue !
Bonjour Chambaron et Veso, super ! J’ai compris ! 🙂 Merci.
« Tu savais que c’était Jacques, le locataire de cet appartement ? »
Ici « le locataire de l’appartement » est effectivement une information complémentaire. « Tu savais que c’était Jacques » fais référence à autre chose…
« Tu savais que c’était Jacques le locataire de cet appartement ? »
Ici, la question est de savoir si l’interlocuteur savait que c’était Jacques qui occupait cet appartement ?
Je crois que cette fois, je ne me trompe pas.
Bon, merci, pas facile quand même. 🙂
LeDonk