Valeur d’un indicatif imparfait et d’un subjonctif imparfait
Dans les Liaisons dangereuses de Laclos, je suis tombé sur une phrase qui me questionne : « Cela me contrarie ; mais cela me fait espérer que nous aurons le plaisir de vous voir à la noce, et j’étais fâchée qu’elle se fît sans vous. » Ce qui me semble à première vue étrange est cet emploi de l’imparfait de l’indicatif « étais ». En français plus contemporain, n’importe qui écrirait : je serais fâchée si elle se faisait/ qu’elle se fasse sans vous. Le subjonctif imparfait a-t-il ici une quelconque valeur de seconde forme conditionnelle ? Quelqu’un aurait-il l’amabilité de me renseigner quant à la valeur que colporte cet imparfait à cet endroit précis ? Merci bien
Bonjour,
Admettons qu’avant de prononcer cette phrase le locuteur ait appris que que cette noce aurait lieu sans que « vous » y soit convié et que cela lui avait déplu.
Le locuteur est fâché que la noce se fasse sans « vous » à l’instant où il apprend la nouvelle.
Quand il explique cela plus tard :
Le locuteur était fâché que la noce se fît sans « vous » ; le subjonctif imparfait ne marque pas une action terminée, il était juste d’usage au XVIIIe après une principale au passé.
Il y avait avant : « Adieu, ma belle amie ; voilà le mariage de ma fille un peu retardé. Le Comte de Gercourt, que nous attendions d’un jour à l’autre, me mande que son Régiment passe en Corse ; et comme il y a encore des mouvements de guerre, il lui sera impossible de s’absenter avant l’hiver. »
Pour cet usage de l’imparfait du subjonctif, je suis prêt à l’admettre tant on en découvre chaque jour un emploi différent dans les textes, mais pour ce qui est du « étais » sachant que cette Dame déplore que la noce puisse se faire sans sa destinataire, pourquoi « n’est-elle » ou « ne serait-elle pas » davantage que « était fâchée » ?
Le regret dans le passé est exprimé par l’indicatif imparfait :
— La date prévue ne vous permettait pas de venir. Vous ne pouviez pas venir à la noce, et j’étais fâchée qu’elle se fît sans vous.
Le souhait pour le futur est exprimé par le conditionnel présent :
— La date a été repoussée. Vous pourrez peut-être venir à la noce, et je serais heureuse qu’elle se fasse avec vous.
Adieu, ma belle amie ; voilà le mariage de ma fille un peu retardé. Le Comte de Gercourt, que nous attendions d’un jour à l’autre, me mande que son Régiment passe en Corse ; et comme il y a encore des mouvements de guerre, il lui sera impossible de s’absenter avant l’hiver.
Cela me contrarie ; mais cela me fait espérer que nous aurons le plaisir de vous voir à la noce, et j’étais fâchée qu’elle se fît sans vous.
Puisque la présence de la « belle amie » (je ne sais plus quel est le personnage) est encore possible, la proposition en gras concerne le passé et j’étais fâchée (jusqu’à ce que j’apprenne que le Comte est retardé) qu’elle se fît sans vous..
Forcément alors, la proposition est au passé.
Remarquez d’ailleurs le jeu des temps : attendions – mande – passe – il y a – sera contrarie – fait – aurons – étais – se fît
Le système de temps est le présent mais un système comporte toujours plusieurs éléments (le système solaire par exemple). Les temps futurs et passés gravitent autour du temps de base, le présent (que j’ai souligné ci-dessus).
Cathy Lévy
À noter qu’une phrase ne peut pas vous « questionner « , seul un être humain peut le faire.
Vous pouvez plutôt dire :
Une phrase qui me pose un problème
Une tournure que je trouve étonnante
Je me pose des questions à propos de cette phrase