Une voiture américaine rouge OU une voiture rouge américaine
Je ne sais pas quel ordre est correct. Merci d’avance pour vos remarques.
Une voiture américaine rouge.
Les deux adjectifs appartiennent à des classes différentes
Américain est un adjectif relationnel. Une voiture américaine : l’adjectif peut être remplacé par « d’Amérique ». On ne peut lui associer un adverbe (ou bien il change de catégorie et devient qualificatif : c’est alors un effet de style). Il est dérivé d’un nom (ici : Amérique > américaine).
Rouge est un adjectif qualificatif ou descriptif.
Généralement on ne sépare pas l’adjectif relationnel de son nom. On le placera donc en premier.
Un produit régional original – une viande bovine excellente..
Bonjour,
Le français présente une variété d’agencements des épithètes plus grande que d’autres langues, en combinant la place (postposée ou antéposée) et le mode d’association (coordination, emboîtement ou apposition). Les règles sont plus complexes mais parfois plus libres. Le principe général de succession (rarement plus de deux) des épithètes emboîtées est cependant le même, à savoir par ordre d' »objectivité » : la plus spécifique au plus près du nom, la plus évaluative au plus loin. Avec votre exemple, on pourrait même considérer que « voiture américaine » constitue un syntagme nominal, le véritable objet décrit (si le contexte le permet, on parlera d’ailleurs directement d’une « américaine » et la plupart des gens comprendront qu’il s’agit d’une voiture.) Il est donc logique de privilégier la forme « voiture américaine rouge« . Cependant, il est fréquent de placer en français l’adjectif de couleur au plus près du nom ; alors, si le témoin qui a vu passer la voiture ne s’intéresse pas spécialement aux marques et qu’il aura davantage été frappé par sa couleur, il pourra dire sans que cela contrevienne au bon usage de la langue : « J’ai vu passer une voiture rouge américaine.«
[edit]
Votre exemple figure expressément dans La Grande Grammaire du français pp.1923/1924 et confirme la validité des deux agencements.
L’ordre des adjectifs relationnels après le nom
[…]
Quand plusieurs adjectifs relationnels se suivent, celui qui correspond à l’agent suit les autres : en (a), la France produit le pétrole ; en (b), la Grande-Bretagne mène une politique étrangère ; ceux à interprétation temporelle ou locative suivent les autres : les courants de la mer sur le littoral, en Bretagne (c) ; la production de lait toutes les semaines (d). Les adjectifs ethniques (français, britannique, breton, américain) viennent généralement en dernier et peuvent permuter avec un adjectif qualificatif (e), s’ils ne sont pas interprétés comme un agent (f).
a) la production pétrolière française / la production française pétrolière
b) la politique étrangère britannique / la politique britannique étrangère
c) les courants marins littoraux bretons / les courants littoraux bretons marins
d) la production laitière hebdomadaire / la production hebdomadaire laitière
e) une voiture rouge américaine / une voiture américaine rouge
f) une production française abondante / une production abondante française
Un peu étrange ce paragraphe. M’ame Abeillé que j’apprécie beaucoup me semble en l’espèce avoir un peu perdu de son habituelle raison :
déjà, le paragraphe qui débute par « quand plusieurs adjectifs relationnels se suivent » serait censé ne considérer que ce cas, or 1/3 des cas évoqués n’y correspondent pas puisqu’il s’agit d’adjectifs relationnels associés non à des relationnels mais à des qualificatifs !
Ensuite, si on met de côté cette incohérence, aucune explication n’est donnée qui viendrait justifier cette souplesse dans l’ordre des adjectifs, or comme l’a souligné Tara, les adjectifs relationnels ont pour propriété de fonder des catégories : une voiture présidentielle = une voiture du type présidentiel vs une voiture personnelle, une voiture d’entreprise, etc. Auquel cas, le substantif et l’adjectif relationnel forment en effet un tout qui permet de désigner un type de référent et il parait dès lors difficile de les séparer : une voiture rouge présidentielle / Une résidence somptueuse royale, etc.
Le problème, c’est que les adjectifs ethniques sont des relationnels d’un type particulier qui ne fondent pas (obligatoirement) des catégories. Ainsi, peut-on vraiment dire qu’un citoyen français est un type de citoyen ? C’est assez limite. De fait, si on peut facilement dire : Quel type de couscous tu préfères : le couscous brochettes, le couscous merguez, le couscous royal ? On dira difficilement : Quel type de citoyen est-il / à quel type de citoyen appartient-il : citoyen français, citoyen américain, etc ?
Je ne suis pas certain que cela suffise à permettre au qualificatif de précéder l’ethnique, ça doit dépendre des cas, en toute subjectivité le deuxième me parait plus acceptable que le premier (possiblement parce que citoyen + français forme un lien plus fort que entreprise + française) :
Bidochon, un citoyen français beauf / ?? un citoyen beauf français.
Lejaby, une entreprise française défaillante / ? une entreprise défaillante française.
Par ailleurs, pour en revenir à notre américaine de voiture, dans ce cas l’ethnique, qui bien sûr désigne l’origine de la voiture, n’est pas loin de fonder une catégorie : ce qui importe c’est moins l’origine de production du véhicule que les propriétés qu’on leur attribue :
Je préfère les voitures allemandes aux chinoises, elles sont tellement plus fiables !
= je préfère les voitures du type allemand / américain / japonais, etc.
Et donc, si catégorie il y a, l’antéposition du qualificatif me parait litigieuse.
Cependant, si on accepte cette antéposition, alors les adjectifs ne sont plus tous les deux épithètes, seul l’est le qualificatif, le relationnel devient attribut, et la prosodie change : tonalité descendante + pause à la fin du groupe rythmique formé par déterminant + voiture rouge. Sans antéposition, le groupe rythmique est déterminant + voiture américaine rouge.
Il est possible que l’exceptionnalité provienne autant de la couleur que de la nationalité. Bien sûr, si l’on insiste sur le caractère catégoriel que peut représenter l’adjectif américain pour une voiture, il vaut mieux dire une voiture américaine rouge, mais pour prendre un exemple non « ethnique », on dira aussi bien une oie blanche domestique qu’une oie domestique blanche, comme si la couleur possédait un privilège de coupe-file, un pouvoir pseudo-catégorisant, presque raciste, alors qu’il s’agit de la plus superficielle des qualités.
On voit bien d’ailleurs qu’avec d’autres qualificatifs que de couleur, l’exemple de la GGF fonctionne mal : une voiture américaine délabrée / une voiture délabrée américaine.
J’avais donné un exemple non ethnique + couleur qui se rapprochait fort de celui qui est l’objet de la question : voiture présidentielle rouge vs voiture rouge présidentielle où on voit que l’antéposition de la couleur ne fonctionne pas (également un exemple avec qualificateur non coloré : une résidence somptueuse royale).
Oie + blanche + domestique est assez particulier et non pertinent dans la mesure où dans ce cas la couleur peut avoir une valeur catégorisante comme dans vin rouge / vin blanc (où je ne crois pas que l’on puisse détecter un quelconque racisme). Ainsi, pour prendre ces deux exemples, on ne pourra accepter Le pommard est un vin réputé rouge / Le château d’Yquem est un vin très onéreux blanc.
A contrario avec un autre pseudo-relationnel on pourrait avoir : Le château d’Yquem est un vin liquoreux blanc, même si vin blanc liquoreux est sans doute plus fréquent. Idem pour Le Lambrusco est un vin pétillant rouge / vin rouge pétillant.
Le choix du déterminant peut aussi influer sur l’ordre, et pour reprendre votre exemple présidentiel (qui selon moi fonctionne parfaitement dans les deux positions), on dira plus facilement : « Maintenant, nous voyons arriver, depuis le bas de l’avenue, la voiture rouge présidentielle. » (en réalité, elle est le plus souvent noire, grise, exceptionnellement blanche) car c’est tout simplement la voiture rouge du Président, alors qu’à l’inverse, « Les services logistiques commanderont une voiture présidentielle rouge. » parce que la fonction précède évidemment le choix de la couleur.
C’est possible, mais d’une part, je pense que là on est face à des énoncés qui, s’ils sont soumis à des locuteurs, ne feront pas l’unanimité, loin s’en faut. Personnellement l’énoncé voiture rouge présidentielle, quel que soit le déterminant, me parait très moyennement acceptable (plus du tout si l’adjectif de couleur est modalisé/qualifié : la/une voiture très rouge / rouge vif présidentielle), sauf éventuellement à considérer présidentielle non comme épithète mais comme attribut (là, l’énoncé, s’il me parait syntaxiquement acceptable, me semble pragmatiquement très artificiel). D’autre part, il est clair qu’il est des cas où l’antéposition sera massivement (si ce n’est unanimement) rejetée : Dét. agent rubicond municipal.