Une question sur la compréhension d’une phrase
Bonjour à tous, je comprends pas la phrase suivante:
« La mémoire des détails revient avec le temps pour qui réalise de quelle façon biscornue les choix qui ont inauguré les premiers liens d’amitié orientent ceux des amitiés adultes. »
Je trouve qu’il y a beaucoup de verbes et je ne peux pas comprendre la structure de la phrase, qui pourrait m’aider? Merci d’avance.
1) la phrase centrale :
Celui qui se rend compte que les premiers choix amicaux orientent les choix des amitiés adultes.
2) Phrase greffée :
La mémoire des détails (le souvenir des détails revient avec le temps) à cette personne.
Est-ce qu’il faut ajouter « que » après « réalise » pour indiquer que tout le reste (« de quelle façon biscornue les choix qui ont inauguré les premiers liens d’amitié orientent ceux des amitiés adultes. » ) est le complément d’objet du verbe « réaliser »?
non surtout pas. La phrase est longue et alambiquée mais elle est correcte.
réaliser doit être remplacé par se rendre compte. anglicisme.
La mémoire des détails revient avec le temps pour qui réalise de quelle façon biscornue les choix qui ont inauguré les premiers liens d’amitié orientent ceux des amitiés adultes.
Cette phrase ne me plaît pas du tout, mais on peut en analyser la syntaxe.
A)
Phrase complète :
[La mémoire des détails] : sujet
[revient] : verbe principal
[avec le temps] : complément circonstanciel, signifiant « progressivement »
[pour qui réalise de quelle façon biscornue les choix qui ont inauguré les premiers liens d’amitié orientent ceux des amitiés adultes] : complément introduit par « pour », difficile à classifier (COI ? CC ?), voir plus loin. Quoi qu’il en soit, ce complément désigne un ensemble de personnes.
B)
Dernière proposition :
[les choix qui ont inauguré les premiers liens d’amitié orientent ceux des amitiés adultes]
La proposition est un peu compliquée, mais on peut l’analyser.
[les choix qui ont inauguré les premiers liens d’amitié] : sujet
[orientent] : verbe
[ceux des amitiés adultes] : complément d’objet direct
Commentaires :
* le verbe « inaugurer » m’étonne avec son sujet et son COD (les choix inaugurent les liens), car j’ignorais qu’un choix pût inaugurer un lien, c’est une question de vocabulaire, mais c’est syntaxiquement correct, et je ne me prononce pas sur le sens.
* le pronom « ceux » dans le COD est un pronom relatif qui reprend validement le mot « choix » dans le sujet.
* la première occurrence du mot « choix » est déterminée par une proposition relative, et la seconde (sous forme de pronom) est déterminée par un complément du nom. Il n’y a pas de parallélisme de construction, mais c’est correct (la pomme que j’ai mangée est celle que j’ai cueillie dans mon jardin ; la pomme que j’ai mangée est celle de mon jardin ; le choix que j’ai fait est celui de la raison).
* « amitié adulte » ne se dit pas pour parler d’une « amitié d’adulte » ou d’une « amitié entre adultes ». Cette façon de dire n’existe ni à l’oral ni en littérature, c’est une faute de français. L’adjectif « adulte » ne signifiant pas « relatif aux adultes » mais « arrivé à maturité », ce serait donc « l’amitié de jeunesse qui est devenue adulte », pourquoi pas, mais ce n’est pas le sens voulu par l’auteur qui compare les amitiés entre adultes et les amitiés entre enfants. Cette faute de français (selon moi et mon dictionnaire) explique la répétition du mot « amitié » dans la même phrase, avec deux constructions non parallèles alors qu’il s’agit de comparer deux types d’amitié, à deux âges différents.
Quoi qu’il en soit, nous pouvons formaliser et simplifier ainsi cette proposition :
* les choix des amitiés entre enfants induisent les choix futurs des amitiés entre adultes.
C)
Votre problème principal est certainement la transition : « pour qui réalise de quelle façon ».
1. [pour]
« pour » est mis à la place de « à ».
– Cette chose est importante pour cet homme.
– La mémoire revient progressivement à cet homme.
Il est incorrect d’écrire simplement « la mémoire revient pour cet homme ». Si c’est le sens voulu par l’auteur, c’est une faute de français.
Mais on peut éventuellement écrire « pour cet homme, dans le cas de cet homme, en ce qui concerne cet homme, on a constaté que la mémoire revenait vite ». La préposition (« pour » au lieu de « à ») n’introduit plus un receveur, complément essentiel du verbe (« revenir à »), mais un contexte, complément circonstanciel de phrase (« pour cet homme »). Je trouve que ce n’est pas très adroit d’écrire ainsi, j’estime même que c’est incorrect, mais acceptons.
2. [qui]
Le pronom « qui » est mis pour « celui qui », « toute personne qui », « les gens qui »… et est toujours singulier.
– Je parle à qui veut bien m’écouter (à tous les gens qui acceptent de m’écouter).
– La mémoire revient même à qui croyait avoir tout oublié (même à ceux qui croyaient avoir tout oublié).
On appelle cela un « pronom relatif sans antécédent ».
C’est assez courant à l’écrit, peut-être un peu ancien, parfois maladroit dans un texte moderne, mais c’est parfaitement utilisé dans cette phrase.
3. [réalise]
Le verbe « réaliser » signifie ici « comprendre », « prendre conscience » ; son emploi dans ce sens est souvent déconseillé, mais est très courant. C’est un verbe transitif direct qui reçoit donc un COD.
– J’ai réalisé sa tristesse, j’ai réalisé qu’il était triste.
Un verbe transitif direct peut avoir comme complément d’objet direct une proposition. On l’appelle « proposition subordonnée complétive ».
* Introduite par « que », c’est une « proposition subordonnée complétive conjonctive ».
– Il pleut. Je le sais. Je sais cela. Je sais qu’il pleut.
– En voyant des gens ouvrir leur parapluie, je réalise qu’il pleut.
* Introduite par un adverbe interrogatif, c’est une « proposition subordonnée complétive interrogative ».
Le plus souvent, on appelle cela une interrogation indirecte.
– Où va-t-il ? Je demande où il va.
– Comment a-t-il fait ? Je demande comment il a fait.
– De quelle façon est-il venu ? Je voudrais savoir de quelle façon il est venu.
Mais l’interrogation explicite préalable, au sens d’une question posée, n’est pas nécessaire pour cette construction.
– Je sais comment il est venu.
– Je réalise soudainement pourquoi il a pris son parapluie.
4. [de quelle façon]
Le syntagme « de quelle façon » ne vous semble pas un adverbe interrogatif (une locution adverbiale interrogative) ?
C’est cependant le cas.
– Je sais de quelle manière il a agi. Je sais comment il a agi. Je comprends de quelle façon il s’est comporté…
Car les questions correspondantes existent.
– De quelle manière a-t-il agi ? Comment a-t-il agi ? De quelle façon s’est-il comporté ?
Nous sommes bien dans le cas d’une proposition subordonnée complétive interrogative, même si elle n’est pas pas introduite par un verbe comme « demander » (je demande de quelle façon cela s’est passé).
La proposition subordonnée complétive conjonctive est introduite par « que », mais une proposition subordonnée complétive peut très bien être introduite par une locution adverbiale interrogative, telle que « de quelle façon ». Et elle suit immédiatement le verbe transitif direct, en tant que complément d’objet direct.
D)
Votre phrase est donc construite sur le modèle :
« La mémoire revient progressivement à ceux qui comprennent comment les choix des amitiés entre enfants induisent les choix futurs des amitiés entre adultes. »
Remplacez « à » par « pour » (transformant le complément essentiel de verbe en complément circonstanciel de phrase, changeant un peu le sens, peut-être abusivement).
Remplacez « ceux qui » suivi d’un pluriel par le pronom relatif sans antécédent « qui », suivi d’un singulier.
Remplacez le verbe « comprendre » par le verbe « réaliser » (utilisé abusivement).
Remplacez l’adverbe interrogatif « comment » par la locution adverbiale « de quelle façon ».
Vous obtiendrez :
« La mémoire revient progressivement pour qui réalise de quelle façon les choix des amitiés entre enfants induisent les choix futurs des amitiés entre adultes. »
E)
Voici quelques autres phrases valides construites sur le même modèle :
– Le temps passe vite pour qui sait comment s’occuper.
– Le chemin est long pour qui cherche où il doit aller.
– La vie semble légère à qui ignore comment elle se termine.
– Cette recette de gâteau est simple pour qui comprend par quel mystère le lait se verse mieux sur la farine que la farine sur le lait.
– Ce travail est lucratif pour qui a compris de quelle façon il est facile de piéger le client.
Merci de m’avoir lu. J’ai tenté de faire le tour des difficultés de cette phrase. Pouvez-vous me dire où se situait précisément votre difficulté de compréhension ?
Merci beaucoup pour toutes les réponses précises et claires ! J’y ai totalement compris maintenant ☺