Un léger doute sur la construction correcte d’une phrase
Bonjour,
Le topo est dans le titre. Que pensez-vous de :
« Il entra dans le salon qu’éclairait un lustre baroque. »
Cette phrase est-elle juste ? Ou ferais-je mieux de dire :
« Il entra dans le salon qu’un lustre baroque éclairait. »
Ah ! Je suis face à un réel dilemme.
Merci d’avance pour vos réponses.
Les deux phrases sont parfaitement correctes.
1.Il entra dans le salon qu’éclairait un lustre baroque.
2.Il entra dans le salon qu’un lustre baroque éclairait. Dans cette phrase vous avez inversé le sujet.
Le pronom relatif (en gras) reste à côté de son antécédent (salon) – il est toujours COD du verbe (éclairait).
Bonjour,
Je ne sais pas si je peux rebondir pour une seconde question. mais je tente:
Y a-t-il une différence de sens ou de niveau de langage entre ces deux formulations ?
J’écris parfois en mettant le verbe avant le sujet comme l’exemple de la première phrase, on me dit que « j’écris les phrases à l’envers », ça m’agace.
Merci d’avance
Dès qu’on touche à la structure d’une phrase, il y a nécessairement une nuance, aussi ténue soit-elle.
C’est parfois le sens qui est modifié, parfois le rythme, parfois autre chose encore (niveau de langue, focalisation, etc).
Prenons les deux phrases de Manny.
1.Il entra dans le salon qu’éclairait un lustre baroque.
2.Il entra dans le salon qu’un lustre baroque éclairait.
– le sens est le même
– il se peut qu’en choisissant l’inversion du sujet, on « bascule » sur un thème différent en 1 et en 2. On parlait de « il », de ce que faisait « il » et dans la suite du récit, on s’intéresse au décor.
En 1,on va se mettre à décrire le salon : De vieilles photographies sur une commode, un fauteuil fatigué, etc.
En 2, on va parler de la lumière, tamisée, avec des zones d’ombre.
Attention! Ce n’est qu’un exemple.
1.Le vent chantait dans les branches.
2.Dans les branches chantait le vent.
On a nettement deux rythmes différents et puis, la phrase se terminant par « vent » le met en relief.
Si vous utilisez souvent des inversions du sujet, demandez-vous pourquoi : vous avez sûrement une raison!
Manny a écrit : Cependant, l’avantage de la formulation « renversée » est qu’elle permet de ne pas renvoyer le verbe en fin de phrase, ce qui n’est pas très esthétique (question de goûts, tout ça !).
Il me semble que c’est l’inverse qui se passe : c’est l’inversion qui place parfois le verbe en fin de phrase.
De toutes façons il n’y a aucune raison de dire que le verbe en fin de phrase n’est pas esthétique.
La Tzigane savait d’avance
Nos deux vies barrées par les nuits
Nous lui dîmes adieu et puis
De ce puits sortit l’Espérance
Dans cet extrait du poème d’Apollinaire intitulé La tzigane, on a les deux structures ici évoquées.
La Tzigane savait d’avance nos deux vies barrées par les nuits
Nous lui dîmes adieu
Deux phrases sans inversion du sujet.
et puis de ce puits sortit l’Espérance
Phrase avec inversion du sujet.
Ce choix n’est pas le fruit du hasard (et Apollinaire maîtrise assez la langue pour ne pas être asservi à la rime).
Merci beaucoup Tara pour vos éclairages,
Je pense que la question du rythme ne s’était pas posée, ça me vient assez naturellement, je n’aurais cependant pas pensé à la question de l’angle et de la focalisation.
Ça me donne une nouvelle mise en perspective, maintenant je vais pouvoir tenter de le justifier (envers moi-même et les autres 😉 ) et savoir si ça apporte vraiment un sens et un « plus ».
Excellent après-midi,
Tant mieux! Merci. Vous de même.
Vous venez de me sauver la mise, Tara ! Merci encore.
Logiquement, il n’existe aucune différence entre ces deux constructions, puisqu’elles sont toutes deux correctes. Cependant, l’avantage de la formulation « renversée » est qu’elle permet de ne pas renvoyer le verbe en fin de phrase, ce qui n’est pas très esthétique (question de goûts, tout ça !).
Je n’avais pas remarqué la nuance que vous évoquez. En effet, vous avez raison sur ce point. Pour Apollinaire, n’a-t-il pas justement effectué une inversion pour ne pas renvoyer le verbe en fin de phrase ?… J’ai lu quelque part (je crois que c’est dans le Grevisse), que les auteurs évitaient généralement de terminer leurs phrases par un verbe conjugué. Et Il me semble qu’il était bien question d’esthétisme.
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Quel est l’effet produit ?
Et pourquoi a-t-il inversé où la campagne blanchit? (une réponse parmi d’autres : l’inversion du sujet allonge le vers ici, en mettant le lecteur en position d’attente – allongement encore avec le rejet)
reprenons ce vers d’Apollinaire
et puis de ce puits sortit l’Espérance
L’inversion du sujet a pour effet :
-de souligner l’assonance en [i] puis puits sortit
– d’insister sur le mot « espérance » qui développe ainsi ses 3 syllabes
– de créer un rythme ascendant : 2/3 2/3
etc.
Les inversions du sujet ne sont pas là pour faire joli. Il s’agit d’un effet de style.