Un Dieu ou un dieu
Bonjour,
Dans la phrase « Y avait-il un Dieu qui tirait les ficelles? » faut-il mettre une majuscule à Dieu? Personnellement, je pencherais pour la majuscule, car il est bien question ici d’un Dieu unique, mais l’adjectif numéral « un » placé devant donne un aspect plus familier au mot, et m’induit donc dans le doute.
« Dieu tirait-il les ficelles ? » sera la forme définitive de ma phrase… et cette fois, je suis doublement sûr que la majuscule est de rigueur puisque « Dieu » devient le premier mot de la phrase. Bien entendu, je suis conscient que, quoi qu’il en soit, la majuscule s’impose dans cette nouvelle tournure. Merci à vous tous d’avoir participé avec tant de finesse et de détermination, chacun défendant son opinion avec brio. Mon roman n’est pas fini, alors peut-être aurons-nous l’occasion de débattre à nouveau sur d’autres sujets.
Quelques éléments.
Arguments sur l’usage de la majuscule :
La question de l’article n’est qu’un truc pour repérer les noms propres, et ce truc ne fonctionne évidemment pas :
— la Normandie, un Allemand, le Christ…
La possibilité du pluriel (parfois le caractère générique) n’est pas un critère suffisant pour choisir la minuscule :
— des Allemands, les Durand…
L’unicité (le caractère spécifique) n’est pas un critère suffisant pour choisir la majuscule :
— le pape…
Que plusieurs choses portent le même nom n’en fait pas un nom générique, seulement un nom imprécis :
— les deux Congo, Simon et Simon, notre Dieu et votre Dieu, est-ce le même Dieu ?
Pourquoi ces règles ne fonctionnent-elles pas ? parce qu’elles n’ont aucun sens, et qu’il n’y a pas de réponse logique absolue à cette question des majuscules. Il faut seulement tenter, comme vous le faites, de respecter un système en français de France, plus ou moins cohérent mais pas universel (en anglais on peut écrire les noms de famille au pluriel, l’allemand met des majuscules à tous les noms…). Aucune réponse ponctuée d’un « c’est logique » n’est valide. C’est sur les usages dans la littérature française qu’il faut travailler. Dans les livres du XIXe siècle, c’est très clair, quand le contexte est une société chrétienne, le mot Dieu prend une majuscule, avec ou sans article. La minuscule y est pratiquement réservée à l’Antiquité ou à des contrées exotiques non chrétiennes. Je pense que c’est une raison récente, liée à une simplification des manuels scolaires, à la démocratisation des préconisations que permet internet, et à l’émergence d’une société multicultuelle, qui tend à justifier par de simples raisons syntaxiques et mécaniques les occurrences du mot dieu sans majuscule.
La syntaxe.
Il n’y a cependant aucune raison objective à faire suivre un déterminant indéfini d’un nom sans majuscule.
Des adjectifs ou des compléments permettent d’associer un déterminant et un nom propre avec sa majuscule :
— ma chère Clara… votez pour un Saint-Étienne prospère… nous avons vu ce soir un Macron en forme…
— le Richelieu de 1640 est un Richelieu affaibli.
— le Dieu de mon enfance était un Dieu sévère ; un Dieu de bonté certes, mais un Dieu de justice
Le déterminant indéfini est mis ici en réalité pour la caractéristique, pour désigner le nom propre sous l’angle d’une caractéristique.
Dieu vu sous un aspect particulier, pour une de ses caractéristiques particulières, si c’est bien de lui qu’on parle, conserve sa majuscule.
Je pense que c’est à cette construction que vous souhaitez rattacher votre phrase.
On remplace effectivement facilement l’adjectif par une relative.
— le Dieu de mon catéchisme est un Dieu qui punit
— je suis thomiste, et je ne crois pas en un Dieu qui tire les ficelles
Cela signifie :
— je suis thomiste, et je ne crois pas que Dieu tire les ficelles
— je suis thomiste, et le Dieu auquel je crois ne tire pas les ficelles
Donc, très clairement, « un Dieu qui tire les ficelles » est possible.
La majuscule à Dieu selon le sens.
Il s’agit maintenant d’aller une étape plus loin, et d’analyser « y a-t-il« .
La phrase « y a-t-il un homme ici qui puisse décapsuler ma bière » signifie « peut-on imaginer ici un homme qui puisse décapsuler ma bière ? »
La phrase « y a-t-il un homme ici qui peut décapsuler ma bière » signifie « quelqu’un a un décapsuleur ? »
Il faut chercher de ce côté-là : le « y a-t-il » s’applique-t-il au verbe ou à la personne ? S’il s’applique à la possibilité de l’existence d’un dieu, c’est avec une minuscule. S’il s’applique à la possibilité que Dieu ait telle ou telle capacité, il garde sa majuscule, car c’est sa caractéristique qui est seule en cause.
Voilà voilà.
Je suis en total désaccord avec l’idée exprimée deux fois ci-dessus selon laquelle chacun peut décider de son orthographe et sa typographie, et je vous approuve cent fois de poser la question et d’attendre une réponse claire.