Tu m’as comprise ou tu m’as compris ?
Bonjour les experts !
J’ai un énorme doute lorsqu’une femme dit : j’espère que tu m’as compris. L’auteur me note « comprise » mais je trouve que ça sonne mal à l’oreille ! J’ai besoin de vos lumières, merci 🙂
Si c’est une femme qui parle, c’est bien « tu m’as comprise », en raison de l’accord du participe
passé avec le pronom COD m’ placé avant.
Quand vous comprenez une règle, vous dites :
— C’est une règle que j’ai comprise.
Cela montre bien que vous n’avez pas trop de réticence à appliquer la règle classique de l’accord du participe passé « compris » avec son COD antéposé.
C’est très clairement par métonymie qu’on peut dire à l’institutrice qui vient d’exposer une règle, pour dire en réalité « j’ai compris la règle que vous avez expliquée » :
— Je vous ai comprise.
C’est cette même métonymie qui permet à la directrice de gueuler :
— J’espère que vous m’avez bien comprise !
Le sens réel est bien sûr « j’espère que vous avez bien compris ce que je vous ai dit ».
La directrice a peut-être eu un peu tort de mettre un pronom COD dans sa phrase. Elle le sait bien, elle, qu’il ne s’agit pas de la comprendre elle personnellement. Il lui suffisait de dire :
— J’espère que vous avez bien compris !
Ou de changer de verbe si elle tient absolument à parler d’elle :
— J’espère que vous m’avez bien entendue !
En utilisant la construction « comprendre quelqu’un », n’a-t-elle pas commis un contresens ? Demande-t-elle vraiment si elle a été comprise (peut-être malgré son accent) ? ou s’il elle est incomprise (personne ne l’aime assez pour faire l’effort de la comprendre) ? C’est mon avis. Dans son énervement, elle a mélangé les sens du dictionnaire…
À l’école, un élève ne demande pas à son camarade : « tu a compris la prof ? ». Il demande plutôt « tu as compris ce qu’a dit la prof ? ». Je crois que vous avez raison de résister à l’accord, car en fait ce sens métonymique théorique de « comprendre quelqu’un » mis pour « comprendre ce que dit quelqu’un » est rare (il existe dans « comprendre Einstein », mais pas dans « comprendre le prof »). Vous pouvez expliquer cela à l’auteur, et lui proposer la suppression du pronom personnel COD.
Sinon, concernant la règle idiote de l’accord selon la syntaxe et l’ordre des mots, métonymie ou pas, que vous compreniez une règle ou que vous compreniez une personne qui vous explique une règle, seule la construction compte, et même s’il vous semble aberrant de considérer que l’institutrice est comprise alors que c’est la règle expliquée par l’institutrice qui est comprise, si la personne qui expose la règle se présente dans la phrase comme un COD, on applique simplement la règle idiote. Il n’y a rien de plus à en dire, sinon que l’accord selon la simple construction syntaxique et selon la place du COD, abstraction faite du sens, abstraction faite des nuances, des intentions ou des figures de style, est une horrible chose, et qu’il est cependant conseillé aux moutons de la respecter à l’écrit. Mais un jour, peut-être, les moutons se révolteront…