Toute aimante ou tout aimante
Bonsoir à tous.
J’avais appris la règle du « tout » adverbe ou adjectif, qui s’écrit donc tout ou toute selon les circonstances. Il me semblait avoir compris les différents cas, mais voilà que je me frotte à Flaubert :
« Enjouée jadis, expansive et toute aimante, elle était, en vieillissant, devenue (à la façon du vin éventé qui se tourne en vinaigre) d’humeur difficile, piaillarde, nerveuse. » Madame Bovary
Je l’ai analysé de la sorte : « tout » pouvant être remplacé par « entièrement », il s’agirait ici de l’adverbe, invariable donc devant une voyelle. Or, j’imagine qu’il est improbable de tomber sur une faute d’orthographe dans Madame Bovary, j’en conclus qu’une subtilité m’échappe. J’ai beau parcourir les pages du Bon usage, pas moyen de comprendre par moi-même.
Quelqu’un saurait-il m’éclairer svp ?
Alors « toute aimante » est-il une faute de français (= d’orthographe grammaticale) ou voulu par Flaubert et certains éditeurs ?
Comme Tara, je ne suis pas certain du tout que ce soit une faute, et ce, pour les raisons suivantes.
1. Certes la règle bien connue de l’accord ou du non-accord de l’adverbe tout devant les adjectifs féminins (rappel) existait-elle à l’époque du roman Madame Bovary (1856-1857)
On la trouve notamment dans la 6e édition (1835) du Dictionnaire de l’Académie française :
« Dictionnaire de l’Académie française, 6e édition (1835)
[III.] TOUT.
2. De là à penser que les éditeurs qui ont publié le roman avec toute aimante (et Flaubert ?) aient violé cette règle il n’y a qu’un pas. Pourtant, je ne le franchirai pas avec certitude, tant s’en faut.
En effet, l’article dictionnairique de 1835 concernant tout adv. continue ainsi :
3. Ma conclusion.
Emmanuelle, vous avez écrit : »j’en conclus qu’une subtilité m’échappe » ; compte tenu du point 2 ci-dessus, c’est fort possible. 🙂
Toutefois, l’objectivité conduit à reconnaître qu’il subsiste un doute à ce sujet : peut-être que ‘toute aimante » ne signifie pas ici « qu’elle aimait corps et âme ».
Je suis contente de voir qu’on est d’accord Prince. Et votre message est bien plus complet que le mien, comme bien souvent.
Je dirais que vous avez raison et que votre édition peut comporter des erreurs.
Autre hypothèse, une licence poétique ou alors la règle n’était pas fixée à l’époque de Flaubert.
On lit ici : madame Bovary – Flaubert-Bovary.pdf
Enjouée jadis, expansive et tout aimante, elle était, en vieillissant, devenue …
Je ne suis pas sûre cependant que le « e » ait été une erreur. Le sens est différent entre « tout aimante » et « toute aimante » et, à vrai dire ici je préfère le second.
« Tout » adverbe et, avec le sens de « entièrement », s’applique à l’adjectif qu’il intensifie.
« Toute » pronom féminin et renvoie à « elle » comme dans elle est toute à sa joie
Je suis tout à vous » est une formule de politesse qui signifie « je suis entièrement à votre disposition ». Comme « entièrement », « tout » est ici un adverbe qui vient renforcer ce qui suit.
Écrire « je suis toute à vous » a une tout autre portée*, car il s’agit alors d’une déclaration passionnelle qui ne signifie rien de moins que… « je vous appartiens
Projet Voltaire
*c’est moi qui souligne
Et c’est plus qu’une nuance.
Enjouée jadis, expansive et toute aimante : sa personne entière était aimante ; le contraste est ainsi plus fort avec ce qu’elle était devenue ( : d’humeur difficile, piaillarde, nerveuse.
Je n’ai malheureusement pas assez de points pour commenter vos réponses, j’utilise donc la partie « réponse » pour vous remercier tous les trois. Nous sommes en effet dans les subtilités de la langue française qu’il va me falloir apprivoiser !