Tournure du verbe avoir en forme interrogative avec un sujet indéterminé
Bonjour à tous,
Je rédige actuellement quelques lignes de ce que l’on pourrait nommer un journal intime, une sorte de solution anti-procrastination par la désaturation de mon esprit encombré.
Bref, je m’apprêtais à écrire une phrase de rhétorique à propos d’un comportement que j’ai adopté avec une femme rencontrée il y-a déjà plus d’un an. Je cherchais à comprendre quand ce comportement à débuté. Voici un extrait avec, en gras, la partie que je ressens comme potentiellement correcte mais pour laquelle je ne trouve aucune information :
« Je me demande à quel moment j’ai écarté la possibilité de la séduire, pourquoi mon attitude envers elle est devenue celle d’un vieil ami? Quand a-ce commencé? »
Voilà, plus je relis et plus j’invalide car la prononciation est lourde mais plus je relis et plus je me demande pourquoi elle serait incorrecte…
Merci d’avance pour votre indulgence
==> Quand cela a-t-il commencé ?
Votre phrase est incorrecte, à mon sens.
ce a commencé n’existe pas (on dit ça a commencé) ; a cela commencé non plus, de même que « a ça commencé ? »
cela a commencé : affirmative
cela a-t-il commencé : interrogative
==> Quand cela a-t-il commencé ?
De la même manière que l’on ne dit pas « est cette solution la meilleure ? mais « cette solution est-elle la meilleure ? » (est-elle la meilleure est correct).
On répète le sujet sous la forme d’un pronom dans certaines interrogations.
Il me semble bien l’avoir rencontrée, cette inversion.
Il s’agit peut-être d’un tour vieilli. « Ce » était employé comme un pronom tonique (en place de cela).
Voyez quelques exemples où il est encore tonique :
Ce l’est, répliqua la vierge Orberose (Anatole France – XXe)
Avez-vous pensé à essuyer un peu les bougies? C’eût été prudent après une étape de onze kilomètres. (Romains – XXe)
Elle avait ce geste prompt, Ce « ce me plaît » qui dénonce... (Moréas – XIXe)
Il convient, ce semble, de distinguer la science de… (Renan – XIXe )
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Pour ceux que cela intéresse, quelques extraits d’un article de Persée : Comment ont évolué les formes de l’interrogation – Lucien Foulet————–
Dès que ce perdait tout accent, il devenait impossible de le mettre ainsi en vedette, séparé de tout mot sur lequel il pût s’appuyer.
Il fallait donc à la fois conserver l’inversion et mettre le sujet avant le verbe. Cela revient à dire qu’il fallait exprimer le sujet deux fois, une fois avant, une fois après le verbe[…]
[…] dans la langue moderne la voix ne saurait plus s’arrêter sur ce : le pronom est devenu complètement atone. Il en est tout autrement au moyen âge,
Les tours qui vieillissent sont volontiers recueillis par la littérature.
C’est au XVe siècle au moins que commence l’évolution qui va faire de ce un mot atone- Il partage le sort des pronoms personnels avec lesquels il a des rapports de sens et d’emploi. Je, Et, il perdent peu à peu leur indépendance pour devenir dans la plupart des cas des proclitiques : bientôt on ne les séparera plus du verbe. Ce pronom s’appuiera le plus souvent sur le mot précédent : ce sera un enclitique ; ceci, cela le remplaceront comme mot L’évolution dans le cas cas de ce va même plus loin que dans le cas de la plupart des pronoms personnels. Tu et il peuvent encore, en certains cas déterminés, recevoir un accent : « où vas-tu ? où est-il ? » Ce ne le peut pas ; je non plus : « où suis-je ? où est-ce? » Cela tient évidemment à la présence dans ces deux mots de « e » sourd. Or s’il est certain qu’au XVIe siècle « e « sourd final est encore prononcé dans la langue cultivée
Merci Tara, c’est une pépite que tu nous partages!
Je pense que je réfléchis de manière radicale pour ce qui est de la langue. Je ne suis pas natif de la France mais comme pour toute langue je suis friand de ses idiomes et de la richesse de ses mots. Parfois le purisme rattrape la réalité et sa modernité, c’est le signe que mon apprentissage permanent se passe bien!
Merci de ce retour Nito. Et bravo pour la qualité de ton français.