Sujet de l’infinitif
Voici ce qu’on peut lire (BDL) :
Quand un infinitif dépend d’un autre verbe, son sujet peut être exprimé. On peut alors hésiter entre deux constructions :
- soit le sujet est construit directement sans préposition (les pronoms sujets prennent la forme le, la, les) ; Il fait réfléchir les stagiaires sur ce problème. Il les fait réfléchir (les stagiaires est sujet de l’infinitif réfléchir : « les stagiaires réfléchissent »).
Et plus loin, en remarque :
Quand l’infinitif dépend de faire, on n’a plus le choix et la construction indirecte s’impose. Nous ferons adopter cette solution aux responsables.Nous leur ferons adopter cette solution.
Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Ces deux formulations ne sont-elles pas contradictoires ?
Quelle différence entre « faire réfléchir » et » faire adopte »r ? Les deux infinitifs me semblent tous les deux dépendre de « faire ».
Je vois bien que « adopte »r a un COD et « réfléchir » un COI, mais si la différence est là, il faut le dire clairement.
Au demeurant j’écrirais aussi bien : je les fais signer – je les fais signer le contrat que je leur fais signer le contrat.
Je laisse de côté je le leur fais signer qui est incontestable.
Merci de m’apporter vos réflexions.
faire adopter : il peut y avoir deux éléments concernés ; celui qui adopte / l’élément adopté
Je fais adopter un enfant par des personnes. Je les fais adopter un enfant. Il y a un seul pronom
Je le leur fais adopter. Instinctivement, je changerais « les » en « leur » à cause de « le »…
faire réfléchir : il ne peut y avoir qu’un seul élément.
Je fais réfléchir les élèves. ==> Je les fais réfléchir
Tout cela est dit bizarrement.
Dans « faire réfléchir quelqu’un », faire est un semi-auxiliaire (concept régulièrement négligé) et quelqu’un est le C.O.D. de l’ensemble auxiliaire-verbe.
On trouve les mêmes constructions avec vouloir, pouvoir, laisser et avec une bonne douzaine d’autres, construits sans ou avec préposition (en venir à, finir de, etc.).
Magnifique et dans faire adopter ?
Ben… idem. Faire (semi-auxiliaire) adopter (verbe) une mesure (C.O.D.) aux parlementaires (C.O.I.) à la majorité absolue (C.C.).
Dernière question :
Je leur fais adopter une mesure ou je les fais adopter une mesure ? Selon moi c’est « leur » mais je préfère une validation…
Je la leur fais adopter : pour moi seule possibilité et donc pas « je les la fais adopter »….
je suis perdue !
Fumerolles de fêtes ? On fait adopter quelque chose à quelqu’un : je leur fais adopter une mesure. En cas de trouble persistant, adoptez un grammairien… 😉
Je m’en garderais bien ! Surtout, s’il répond par bribes …
Donc, je les fais signer : c’est faux ?
Voyez les questions de Tara, elle a donc fait la fête aussi …
Maléfice, signons-nous !
À chaque verbe sa construction, en particulier avec un semi-auxiliaire qui en change le sens, même modérément. Pour faire signer, l’emploi est variable et on retrouve donc cela avec un pronom : je les (C.O.D.) fais signer ou je leur (C.O.I.) fais signer un document (C.O.D.).
Merci, c’est dit et même écrit !
Merci à tous les deux.
Vous dites Joëlle « faire réfléchir : il ne peut y avoir qu’un seul élément.
Je fais réfléchir les élèves. ==> Je les fais réfléchir «
Or :
Je fais réfléchir les élèves sur leur sujet de dissertation.
Je fais réfléchir les élèves à la façon dont ils présenteront le sujet.
Il y a bien plusieurs éléments possibles. Certes ce ne sont pas des COD.
Vous écrivez, Chambaron :
Dans « faire réfléchir quelqu’un », faire est un semi-auxiliaire (concept régulièrement négligé) et quelqu’un est le C.O.D. de l’ensemble auxiliaire-verbe.
Je fais tomber des miettes = je lâche des miettes = je les lâche
Je fais courir mes chiens = je lâche mes chiens = je les lâche – je les fais courir
Cela fonctionne avec des intransitifs
Je fais manger mes chiens = je nourris mes chiens = je les nourris (ici pas de COD)*
Je fais manger un morceau de viande à mes chiens n’est pas égal à je nourris mes chiens d’un bout de viande mais à je fais en sorte que mes chiens mangent un bout de viande et on voit bien que « les chiens » sont agent de l’infinitif.
Je fais signer mes collaborateurs : de même cette phrase signifie : je fais en sorte que mes collaborateurs signent
Je fais réfléchir mes élèves = je fais en sorte que mes élèves réfléchissent.
Et dans ces cas « mes collaborateurs » « mes élèves » ne sont pas COD de faire+infinitif ils sont agents.
J’ai envie de dire qu’ils sont compléments d’agent de l’infinitif et non sujet. Et dans ce cas c’est bien « leur » et non « les » qui convient puisque « les » est COD et « leur » complément indirect.
Du coup, je suis ennuyée parce que si je dis sans problème : je leur fais signer le document, je ne peux pas dire : Je leur fais signer (tout court).
Si je reviens sur cet exemple*, quand il n’y a pas de compléments directs ou indirects pour l’infinitif, on retombe sur ce que vous dites Chambaron : « faire + infinitif » fonctionne davantage comme un tout (un verbe précédé de son auxiliaire) et on utilise « les », le nom qui suit étant son COD.
Ah mais je n’avais pas vu le deuxième message de Chambaron !
Vous parlez de COi et moi de complément d’agent (qui est un COi) On est d’accord non ?
J’espère que ce sont les fumeroles dont vous parlez qui m’embrouillent ainsi.
Mais il faut dire aussi à ma décharge que je n’ai jamais trouvé d’explications claires sur ce point.
Bonjour,
Ça dépend en effet notamment du caractère transitif ou intransitif (ou de l’emploi absolu) du verbe à l’infinitif. Cette question est fort bien récapitulée par Edy, ici.
Pour une approche plus linguistique et notamment pour une revue des différentes analyses / hypothèses qui sont faites sur l’alternance datif / accusatif et pour une relativisation de la présentation normative (si verbe intransitif, alors accusati ; si verbe transitif, alors prévalence du datif, mais accusatif possible), voir par exemple ce document de la fin de la page 9 à la page 15.
Merci beaucoup pour ce document très intéressant, Mis-en-trope.
Reverso
Avec faire + infinitif, quand il y a un COD, on est bien obligé d’introduire le sujet de l’infinitif par la préposition « à ».
– Je fais boire Sylvestre. Je le fais boire.
– Je fais boire du vin à Sylvestre. Je lui fais boire du vin.
La construction est différente alors que dans les deux cas c’est Sylvestre qui boit le champagne, et qu’il n’existe pas de raison logique pour changer « faire boire » en « faire boire à ».
Reverso a fait le choix pédagogique d’introduire son propos par l’exposé d’un usage qu’il suppose connu pour mieux amener la règle, en montrant que si l’agent de l’infinitif peut être introduit par « à », on le pronominalise avec le pronom de forme indirect, « lui » et non « le ».
La page de Reverso (et non BDL) est donc introduite par deux exemples avec « faire », pour nous faire prendre conscience qu’il y a différentes constructions possibles, et elle présente ensuite deux paragraphes formels : sans COD de l’infinitif, puis avec COD de l’infinitif. Cette page est très mal structurée dans ce sens où l’introduction ne fait que présenter deux exemples (il fait réfléchir les stagiaires / il fait recommencer l’exercice aux stagiaires), que l’exposé de la règle ne commence qu’ensuite, et qu’enfin ils présentent comme un cas particulier la construction avec « faire » dans le cas d’un infinitif construit avec COD (nous ferons adopter cette solution aux responsables), mais vous avez raison, cette dernière phrase revient en fait ici rigoureusement au deuxième exemple de l’introduction.
Le seul critère a priori avec « faire + infinitif » est bien de savoir si l’infinitif a ou non un COD.
COI de l’infinitif ?
Vos interrogations sur le verbe « réfléchir » ne sont pas nécessaires, il suffit de voir que ce qui suit n’est pas un COD. J’ajoute que contrairement à vous, je n’appellerais pas « sur ce problème » COI, ou alors tout complément adverbial serait complément d’objet, ce qui peut aussi se défendre.
Approche par l’auxiliaire
On peut, comme Chambaron, considérer que « faire » est un auxiliaire inversant totalement le sens de l’infinitif, et que l’ensemble se comporte comme un verbe transitif dont le complément d’objet est le sujet de l’infinitif (celui qui réalise l’action).
– « faire signer » = contraindre ; donc : je fais-signer Sylvestre.
La construction est indirecte ou directe selon que l’infinitif a ou non son propre COD. Ce n’est qu’une convention, ce n’est que l’usage. Mais il n’y a aucune modification sémantique dans le passage de la construction avec COD à la construction avec COI.
– Je fais-signer-le-contrat à Sylvestre.
Il en découle l’utilisation des pronoms COD ou COI.
– Je le fais-signer
– Je lui fais-signer-le-contrat
Quand il y a deux pronoms, l’un a la forme imposée par le COD de l’infinitif, l’autre par le COI du groupe faire+infinitif.
– Je le lui fais signer.
Mais il faut bien voir dans cette interprétation que « lui » est COI de « faire-signer », et que « le » est COD de « signer ». On ne peut donc pas dire à la légère qu’il y a un COD et un COI, puisqu’ils ne sont pas du tout compléments d’objet du même verbe. On voit que cette approche par l’auxiliaire présente un certaine dose d’incohérence et ne tient absolument pas compte du sens des mots.
Cette approche n’est même pas mentionnée par le Grevisse, remercions-en-le ou remercions l’en, ou autre chose, je n’ai jamais su.
Approche Grevisse
Le Grevisse traite ce verbe « faire » dans un paragraphe indépendant, sans tout mélanger.
Il ne parle pas dans ce paragraphe d’auxiliaire, mais expose simplement les usages, avec des mots qu’il sort de l’ambiguïté.
Le syntagme qui fait l’action de l’infinitif est appelé « agent ». Vous devriez faire de même et ne pas l’appeler « complément d’agent ». Est-il vraiment complément de tel ou tel verbe, et duquel ? Ce serait mélanger inutilement son apparence de « CO de verbe + infinitif » et sa fonction d' »agent de l’infinitif ».
Le Grevisse refuse également les notions de COD ou COI. Il voit simplement deux formes au pronom, accusatif (le) ou datif (lui). Quelle que soit sa forme, ce pronom est agent de l’infinitif, et a exactement le même rôle syntaxique et le même sens, celui de l' »élément qui fait l’action ». Il n’est est nulle part question de construction directe ou indirecte.
Il donne clairement la règle habituelle que nous connaissons (changement de pronom selon que l’infinitif a ou non un COD), sans la justifier, mais ajoute aussi de nombreux cas d’exception constatées dans les deux sens, sans se prononcer sur leur validité.
Usages, ellipses et tolérances
Vous accepteriez :
– je les fais signer le contrat
Selon les règles exposées, c’est incorrect.
C’est cependant fréquent quand le COD de l’infinitif est intimement lié à cet infinitif. Sans compter l’usage populaire, le Grevisse donne de nombreux exemples d’entorses à la règle.
Apparemment, pour vous, comme pour beaucoup de locuteurs que je croise, signer-le-contrat forme un tout. Un recruteur qui a une conscience claire qu’à l’armée, « signer-le-contrat » veut dire « partir à la guerre », pourra dire « je les fais signer-le-contrat ». Cet usage, très courant, n’est pas incompatible avec l’esprit de la langue française, et ne fait aucune entorse à ses principes : on a un COD de « signer » et un COD de « faire-signer », qui ne se heurtent pas.
Il y a un certain aspect d’hypercorrection artificielle à transformer le sémantique « je le fais boire-la-tasse » en syntaxique « je lui fais boire la tasse », imposant la forme au fond. Mais force est de constater que cette hypercorrection est devenue la norme.
Pour les pronominaux où le « se » est réfléchi avec valeur de COD, on conserve l’ancien usage de l’accusatif : « je le fais se redresser » et non « je lui fais se redresser ».
Dans ma région, on continue à dire « je vais le faire prendre-du-galon », « je le fais regarder la télé », comme on dit indifféremment « je le fais vérifier la définition » ou « je le fais vérifier dans le dictionnaire »… Car en effet si la différence de construction entre « vérifier la définition » et « vérifier dans le dictionnaire » jouait sur le rôle syntaxique du pronom (COD ou COI), je m’inclinerais, mais ce n’est absolument pas le cas. Dans les deux cas, le pronom « le » ou « lui » a rigoureusement le même sens, celui d’agent de « vérifier » ; il n’est logiquement COD ni COI de rien. Ce n’est que formellement, et à vrai dire par erreur de compréhension, qu’il présente l’apparence de l’un ou l’autre. Aucun argument sémantique ou syntaxique direct n’emporte l’utilisation de l’un ou l’autre pronom.
Inversement, vous n’accepteriez pas :
– je leur fais signer
Et cependant, s’il y a juste ellipse du COD de l’infinitif, pourquoi pas ?
– je rédige le contrat, je leur fais signer, et c’est fini
Plus nettement, quand l’infinitif ne souffre pas l’utilisation intransitive mais qu’on ne voit pas de COD, il est évident qu’il est sous-entendu, et il faut alors utiliser le pronom indirect :
– j’ajoute du sucre, je lui fais goûter, et il aime ; ici, c’est « je le fais goûter » qui serait incorrect, parce que l’intransitif « goûter » a un autre sens.
Cas difficile :
– je lui fais viser la présidence (puisque la présidence est un COD)
– je le fais viser plus haut (puisque plus haut n’est pas un COD)
Ici, j’utiliserais peut-être la forme du pronom indirect même dans la seconde phrase.
Mon avis
Il n’y a jamais de COD ni de COI avec le factitif. Il y a simplement un agent de l’infinitif.
Je fais boire Sylvestre : « Sylvestre » n’est pas un COD.
Je fais boire du vin à Sylvestre : « à Sylvestre » n’est pas un COI.
Dans les deux cas, il s’agit uniquement d’un « agent de l’infinitif ».
Et on constate que l’usage a entériné que le pronom représentant cet agent est généralement l’accusatif si l’infinitif n’a pas de COD et le datif si l’infinitif a un COD, cela par facilité de lecture. Mais des raisons propres au locuteur peuvent permettre de passer d’une forme à l’autre tant que le travail d’analyse sémantique n’est pas abouti.