Subjonctif / Passé antérieur

Répondu

Bonjour,

Je vous ai contacté hier pour une difficulté à distinguer « eut » (passé antérieur) et « eût » (subjonctif). On m’a conseillé de transformer la phrase au présent. Mais si on peut remplacer par un conditionnel présent, c’est qu’il s’agit d’un subjonctif ?
Est-ce que mes « eu(û)t » sont corrects dans ces exemples ?

Voilà un homme dont il eût été dommage qu’il ne fût pas président.
(Voilà un homme dont il serait dommage qu’il ne soit pas président)

L’évènement ne m’eût que peu intéressé s’il ne devait pas se dérouler à Paris.
(L’événement ne m’intéresserait que peu s’il ne doit pas se dérouler à Paris)

Il sut que le plus grave eût été de désespérer.
(Il sait que le plus grave serait de désespérer)

Il conserva l’argent, comme s’il se fut agi d’une simple erreur. (Passé antérieur ?)
(Il conserve l’argent comme s’il s’agit d’une simple erreur)

On n’avait besoin de ses émerveillements sans lesquels la fête n’eût été que juxtaposition de froides cérémonies.
(On n’a besoin de ses émerveillements sans lesquels la fête ne serait que juxtaposition…)

Merci d’avance pour vos confirmations.

Marisa Grand maître Demandé le 9 mars 2023 dans Général

On avait besoin de ses émerveillements. Même si à l’oral on entend « on-n-avait « , il s’agit de la liaison et non pas de la négation, (on n’avait) qui ne se justifierait pas ici.

le 10 mars 2023.

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Bonsoir Marisa,
la forme « eût  » correspond également à l’auxiliaire du conditionnel passé deuxième forme (conjugaison identique au subjonctif  plus-que-parfait) ; il est donc logique que la substitution par un conditionnel présent vous permette de le détecter.
Il n’y a que l’exemple avec « comme si  » qui pourrait peut-être admettre un subjonctif (« comme s’il se fût agi « ) mais c’est un cas d’usage vieillot que je ne connais pas vraiment. Le plus-que-parfait convient mieux dans cette phrase : « comme s’il s’était agi « .

Bruno974 Grand maître Répondu le 9 mars 2023

Je vous remercie beaucoup, Bruno974, pour les confirmations concernant mes exemples.

Marisa Grand maître Répondu le 9 mars 2023

Il n’y avait dans vos phrases du 8 mars aucun cas équivalant à la transposition au passé d’un conditionnel présent. C’est pour choisir entre indicatif et subjonctif qu’il était utile de passer par la phrase au présent (ce fut difficile : c’est de l’indicatif, puisque au présent on dit : c’est difficile / bien que ce fût difficile : c’est du subjonctif, puisque au présent on dit : bien que ce soit difficile). De cette façon on ne peut jamais confondre indicatif et subjonctif, « eut » et « eût », « fut » et « fût ».

A)
Dans les nouvelles phrases (1) (3) et (5) que vous présentez, passer par le présent (a) aide un peu à s’assurer qu’on maîtrise bien la forme de la phrase, mais l’enjeu n’est plus du tout le même. Ce qui compte ici c’est de s’assurer qu’on veut au passé le sens (b) avec un conditionnel passé, et si oui, on peut aussi utiliser la forme (c), normalement équivalente, qu’on peut appeler conditionnel passé deuxième forme, ou subjonctif plus-que-parfait.

1.
(a) Voilà un homme dont il serait dommage qu’il ne soit pas président.
(b) –> Voilà un homme dont il aurait été dommage qu’il ne fût pas président.
(c) = Voilà un homme dont il eût été dommage qu’il ne fût pas président.

2. l’articulation des temps ne fonctionne ni au passé ni au présent

3.
(a) Il sait que le plus grave serait de désespérer.
(b) –> Il sut (ou il savait) que le plus grave aurait été de désespérer.
(c) = Il sut (ou il savait) que le plus grave eût été de désespérer.

5.
(a) Il faut ces trucs sans lesquels la fête ne serait que…
(b) –> Il fallait ces trucs sans lesquels la fête n’aurait été que…
(c) = Il fallait ces trucs sans lesquels la fête n’eût été que…

B) Le subjonctif plus-que-parfait peut également remplacer l’indicatif plus-que-parfait dans les hypothèses, ou pour exprimer des faits irréels.

4.
D’abord deux remarques.
* Renoncez à chercher partout du passé antérieur. Le passé antérieur est rare, parce que rarement utile, il exprime qu’une action vient de se terminer dans un texte au passé simple : quand il eut fini son travail il partit, quand il eut tout mangé il se leva… et c’est à peu près tout. Par exemple, « il eut préféré », « il fut allé », sont des formes qu’on ne rencontre jamais. Et si on trouve « il se fut agi » dans un tableau de conjugaison, c’est un peu idiot, on ferait aussi bien de dire que la conjugaison de ce verbe au passé antérieur n’existe pas, comme on fait pour certains verbes défectifs.
* Vous faites une erreur au présent : au présent on utilise l’imparfait dans la subordonnée en « si », ce qui explique le plus-que-parfait une fois la phrase transposée au passé :
(a) Il conserve l’argent comme s’il s’agissait d’une simple erreur.
(b) –> Il conserva l’argent, comme s’il s’était agi d’une simple erreur.
On est dans le cas de la phrase (1) du 8 mars. Dans un texte au passé simple, on peut utiliser le subjonctif plus-que-parfait pour transcrire l’hypothèse :
(c) = Il conserva l’argent, comme s’il se fût agi d’une simple erreur.

— — — —

Certains disent, comme Bruno974, que le conditionnel passé se remplace sans problème par le conditionnel passé deuxième forme, identique au subjonctif plus-que-parfait, tandis que l’indicatif plus-que-parfait exprimant une condition ne peut que difficilement être remplacé par un subjonctif plus-que-parfait.
Le plus simple est de considérer tout cela en bloc, et de dire que dans un texte au passé, on peut remplacer aussi bien la cause (souvent à l’indicatif plus-que-parfait mais aussi parfois au conditionnel passé) que la conséquence (au conditionnel passé) par le subjonctif plus-que-parfait.
— Conditions ou hypothèses : Quand bien même je l’eusse su… L’eussé-je su… C’était comme si j’eusse toujours su… Il se comporta comme s’il se fût agi…
— Conséquences : Dans ce cas je ne fusse pas venu… J’eusse préféré ne pas venir…

CParlotte Grand maître Répondu le 10 mars 2023

CParlotte, merci vraiment pour vos développements qui sont très intéressants.

Marisa Grand maître Répondu le 12 mars 2023

« Voilà un homme dont il eut été dommage qu’il ne fût pas président. »

Après dont l’indicatif est requis. Toutefois cette tournure est incorrecte, dont signifierait ici : Voilà un homme dontil eut été dommage (de l’homme ) qu’il ne fût pas président.
Une tournure correcte serait par exemple : « Voilà un homme dont on peut dire  (de l’homme) qu’il eut été dommage qu’il ne fût pas président. »

« L’évènement ne m’eut que peu intéressé s’il ne avait pas dû pas se dérouler à Paris. »
Pas de subjonctif dans une proposition principale.

« Il sut que le plus grave eut été de désespérer. » Après il sait que, aucun doute ne subsiste : l’indicatif est requis.

« Il conserva l’argent, comme s’il se fût agi d’une simple erreur.  » (Subjonctif plus-que-parfait?)
Accepté après comme si bien d’usage à la limite de la préciosité, l’indicatif (ici le le plus-que-parfait) est préférable

« On avait besoin de ses émerveillements sans lesquels la fête n’eut été que juxtaposition de froides cérémonies. »
Après lequel et ses dérivés l’indicatif est requis.

Le passé antérieur 2e forme qui a la forme du subjonctif plus-que-parfait était autrefois classé dans les temps de l’indicatif et utilisé contre toute logique comme temps de l’indicatif.
« J’eusse été indigné que vous m’eussiez fermé la porte au nez » est une construction correcte mais dont l’usage est aujourd’hui considéré ridicule. ( Titre de l’excellent film de Patrice Leconte qui foisonne de subjonctif)

Ouatitm Grand maître Répondu le 10 mars 2023

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