Subjonctif ou indicatif ?
Bonjour,
Choisissez-vous l’indicatif ou le subjonctif dans la question suivante ?
Est-ce que cela vous surprend qu’il y ….. toujours des guerres quelque part ?
Et pourriez-vous argumenter ?
Un client m’a posé la question et j’ai eu des difficultés à lui expliquer la raison de mon choix.
Je vous remercie.
Est-ce que cela vous surprend qu’il y a toujours des guerres quelque part ?
Avec l’indicatif la question porte sur un fait qui est posé dès le départ : il y a toujours des guerres quelque part; est-ce un fait qui vous surprend ?
Est-ce que cela vous surprend qu’il y ait toujours des guerres quelque part ?
Cette fois-ci le fait est posé comme sujet de réflexion. Le propos est la question et le fait n’apparaît que comme le sujet de cette réflexion.
On a là une nuance, certes, et la différence est plus sur la focalisation, la direction de la pensée, que sur le sens lui-même.
Un article parmi d’autres , à la lecture peut-être assez difficile :
- Le subjonctif comme marqueur procédural
dont voici deux extraits :
Ce n’est pas parce que la nuance de sens résultant de la commutation des modes est difficile à expliciter qu’elle est inexistante (comme dans Je ne crois pas que c’est elle vs Je ne crois pas que ce soit elle) ; si l’on suit le raisonnement proposé dans le deuxième argument ci-dessus, la possibilité même d’une commutation réside dans le fait que la structure enchâssante, par les propriétés sémantiques qu’elle exhibe, offre une double compatibilité modale, à l’origine d’écarts interprétatifs, aussi ténus soient-ils.
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Ni la présupposition ni l’assertion, on l’a vu, ne permettent de distinguer entre les emplois de l’indicatif et ceux du subjonctif. S’agissant des subordonnées complétives, le critère qui, en revanche, m’apparaît décisif est celui de manifesteté (mutuelle ou non) du fait représenté. Dans les termes de la théorie de la pertinence, un fait est tenu pour « mutuellement manifeste » par le destinataire lorsque ce dernier sait (ou en tout cas fait l’hypothèse) que le locuteur l’envisage comme un élément d’arrière-plan, faisant partie, si l’on veut, du contexte communicationnel tenu pour acquis. Or, qu’il soit ou non présupposé, le fait enchâssé à l’indicatif fait l’objet, de la part du locuteur, d’une forme de mise en évidence, qui a tout à voir avec son caractère manifeste, alors que le fait enchâssé au subjonctif, inversement, ne présente jamais un intérêt cognitif par lui-même, en tant qu’objet manifeste de discours ; en d’autres termes, la « factualité » du subjonctif, au contraire de celle de l’indicatif, n’est jamais pertinente.
Si vous voulez une règle, c’est simple : votre construction impersonnelle (ça me surprend que bla bla) introduit une complétive (que bla bla) qui est sujet réel du verbe surprendre. Et les complétives sujets s’écrivent toujours au subjonctif : qu’il y ait des guerres me surprend.
Si vous voulez connaître la vraie raison pour laquelle les concepts, les éventualités considérées hors contexte (dont notamment les propositions complétives sujets) appellent le subjonctif, vous cherchez une raison de cette langue à l’intérieur de la langue, sa nécessité. Mais si nous pensons en français, notre réponse ne constituera pas une explication, car c’est parce qu’on pense en français qu’on connaît la nécessité du subjonctif ici. Dans telle autre langue, il n’y aurait pas là de subjonctif, et dans telle autre encore le subjonctif n’existe pas. Si on vous demande de justifier la raison du subjonctif, il n’y a évidemment pas de réponse analytique possible, puisque dans une autre langue ce serait différent.
Vous pouvez ne pas aimer la réponse « parce que c’est comme ça », mais c’est pourtant la base d’une langue. C’est d’utiliser le subjonctif dans telle ou telle construction qui donne à la fin un sens au subjonctif, c’est comme pour le vocabulaire. Tant qu’on transmet une usage syntaxique, on transmet l’esprit d’une langue, une représentation du monde. Un enfant ne commence pas par apprendre le concept de la virtualité pour ensuite utiliser le subjonctif pour tout ce qui est virtuel, cette approche est ridicule. À l’inverse, il commence à faire des phrases au subjonctif dès ses première années (j’aimerais qu’il fasse… c’est pour qu’il soit… ça m’a fait plaisir qu’il vienne…), ce qui donne une unité et un sens au subjonctif, qui pourrait être analysé comme recoupant de façon incohérente des notions différentes, mais qui recouvre finalement une notion propre à la langue française.
Vous voyez que dans la liste d’exemples il y a la construction impersonnelle. Vous demande-t-on pourquoi on dit « ça m’a fait plaisir qu’il vienne » et pas « ça m’a fait plaisir qu’il est venu » ? Sur ce site on vous répondra le plus souvent que les deux sont possibles, qu’il y a une nuance, et que si on n’a aucun doute sur le fait qu’il est venu, et si on veut insister sur ce point, il faut l’indicatif. Qu’il faudrait le subjonctif pour une représentation théorique de sa venue mais que la réalité de la chose demande l’indicatif. On vous parlera aussi de degré de certitude, de mode de la réalité… Ne tenez absolument aucun compte de ces réponses récurrentes idiotes témoignant de la volonté de déstructurer une langue pour la couler dans un ordre rationnel logique et arbitraire de la pensée.
Un grand merci pour vos réponses qui m’ont beaucoup aidé !