Sacrés pronominaux !
Bonjour,
Dans le livre l’Officiel du Projet Voltaire, exercice 132, la phrase suivante est proposée :
« Ils se sont servi trois fois de gâteau ». Corrigée ainsi : « Ils se sont servis trois fois de gâteau ».
J’aurais bien volontiers écrit : « servi ». Le sens du verbe ayant ici un sens réfléchi actif indirect (se=à soi). Il ne s’agit pas du sens « utiliser » qui en ferait un non réfléchi.
D’un autre côté, la tournure « trois fois de gâteau » me semble difficile à analyser comme un COD.
Je suis perplexe. Y a-t-il une subtilité qui m’échappe ou une erreur ? Qu’en pensez-vous ?
Personnellement, j’aurais mis : « ils se sont servis » en me disant que « se » est COD : ils ont servi qui ? eux-mêmes.
On sert bien quelqu’un. Je me suis servie….
En revanche, pour l’autre sens :
se servir de quelque chose (au sens de utiliser)
« je me suis servie de cet outil » où là je dirais que » se servir de » est – dans ce sens un essentiellement pronominal…
Je ne serais pas trop affirmative non plus. Je cherche tout comme vous.
Merci joëlle. Je suis d’accord avec vous pour « je me suis servie ». ou « je me suis servie de cet outil ». Mais n’écrit-on pas « je me suis servi du café » ?
Bonjour,
La réponse est ici
Dans la phrase : « Je me suis servi du café » le C.O.D. est café.
J’ai servi du café à moi.
Parfait, il faut signaler le point de vue Larousse au Projet Voltaire : se servir , c’est servir à soi-même.
Merci czardas, c’est ainsi que je voyais la chose en effet. La phrase que je cite étant un peu différente, votre avis complet m’intéresserait.
Cette phrase est compliquée en effet ..
Moi j’aurais écrit :
– Ils se sont servis trois fois du gâteau
Car on pourrait dire :
– Ils se sont servis trois fois (ils ont servi qui ? Eux-mêmes trois fois)
En revanche, si ça avait été :
– Le gâteau qu’ils se sont servi trois fois (là pas d’accord, car ils ont servi à eux-mêmes du gâteau trois fois)
C’est comme ça que j’analyserais la chose ..
Merci Cyril 17, toute réflexion m’est utile à ce propos.
Le verbe servir est délicat.
Occasionnellement pronominal :
— On sert quelque chose à quelqu’un : elle s’est servi une tasse de thé. Le C.O.D. est après. La tasse de thé qu’elle s’est servie : le C.O.D est avant.
— On sert quelqu’un de…, en…, avec quelque chose : elle s’est servie rapidement. Forme réfléchie avec accord. C’est le cas de votre exemple.
Essentiellement pronominal dans le sens d’utiliser :
— On se sert de quelque chose : elle s’est servie d’une pelle. La pelle dont elle s’est servie. Il n’y a pas de C.O.D., donc accord du participe.
Il faut se méfier comme de la peste de ces verbes qui deviennent essentiellement pronominaux dans un sens spécifique. Voir la question sur disputer il y a quelques jours…
Merci Chambaron. Me voici sur la bonne piste, je pense. Je vais faire encore un peu de jus de crâne, mais je pense adopter votre raisonnement concernant la phrase en question.
Ce qui ferait de « gâteau » un COI si je vous suis bien ? ou un CC de moyen ?
Elle s’est servie (elle-même, C.O.D. ) en gâteau (avec du gâteau, C.C. de moyen). De la même manière, on se sert en essence à la pompe.
Mais l’autre construction est imaginable : Elle s’est servi (à elle-même, C.O.I.) du gâteau (C.O.D.).
Je ne vois même pas de différence significative de sens.
Du coup, les deux orthographes seraient admissibles :
Ils se sont servi trois fois de gâteau … Ils se sont servis trois fois de gâteau ?
Oui, mais comme mentionné par ailleurs, le choix de la préposition fait un peu pencher la balance : avec de de/du le C.O.D. est plus flagrant. Ils se sont servi trois fois de/du gâteau.
Vous aviez raison : l’auteur, en fin de compte, penche pour une coquille. La bonne réponse étant : « Ils se sont servi trois fois de/du gâteau. » La seule différence entre les deux prépositions étant une question de niveau de langage.
Bonjour Evinrude.
Je suis d’accord avec votre analyse mais je pense que l’erreur vient de la préposition utilisée qui prête à confusion.
En effet se servir de quelque chose signifie le plus souvent utiliser quelque chose : se servir d’un outil.
L’outil, dans cet exemple, est COI et l’accord se fait bien avec le pronom réfléchi : elle s’est servie du râteau pour ramasser les feuilles.
On écrira se servir en pour « servir soi-même quelque chose que l’on consomme », par exemple : se servir en vin, se servir en viande… « vin » et « viande » sont des compléments circonstanciels. « Se » est COD, car n’a pas le sens de servir à soi mais celui de servir soi-même.
On écrira donc : elle s’est servie en vin.
En revanche, utiliser « de » plutôt que « en » change à mon avis le sens de la forme pronominale en attribuant au pronom réfléchi le rôle de COI. Elle s’est servi de la viande = elle a servi de la viande à elle-même. Et là bien sûr il n’y a pas accord avec le pronom réfléchi, le COD étant viande.
Pour ma part j’aurais écrit « ils se sont servis trois fois en gâteau« , ou « ils se sont servi trois fois du gâteau« et il n’e devait pas y avoir d’ambiguïté.
Merci PhL. Je suis d’accord avec vous pour la complexité de la tournure du fait de l’emploi de la préposition « de ».
Je suis d’accord avec PHL, la préposition « de » change le sens de la phrase et fait de » gâteau » le COI du verbe. J’imagine la phrase dans le contexte suivant :
« Comment font-ils venir à chaque fois autant d’enfants ?
— Ils se sont servis trois fois de gâteau et deux fois de bonbons. »
PHL a sans doute raison dans son raisonnement.
Car on dit bien :
– Elles se sont mis une robe
Mais :
– Elles se sont mises en robe.
Le fait de passer de « en » à « de ou une » change toute la phrase.
Ce qui prouve bien la complexité de l’accord avec les verbes pronominaux. Moi je fais partie de ceux qui pensent, comme Grevisse d’ailleurs, qu’on devrait simplifier cette règle en acceptant l’accord avec le sujet étant l’auxiliaire être. Car il n’y en a pas beaucoup qui maîtrisent la règle de ces verbes ..
Certes, c’est tentant, mais l’Académie ne s’y est pas (encore) risquée :
« En ce qui regarde le participe passé des verbes pronominaux, pour lesquels l’application de la règle actuelle est souvent dite malaisée, et l’est effectivement parfois, il est apparu aux experts que ces emplois ne peuvent être disjoints des emplois non pronominaux, et qu’une intervention sur tous les participes impliquerait des modifications trop importantes et nuisibles à la langue. »
@Evinrude : des gens sérieux planchent de longue date sur des réformes de fond, notamment celle de l’accord du participe passé. Voir le site le plus élaboré, celui de EROFA.
Intéressant…
Au bout du compte, je pense que Chambaron et Phl approchent de la vérité (s’il en est une). Il s’agit bien, ici, d’une forme de pronominal réfléchi où le pronom « se » est COD (d’où l’accord), de gâteau étant alors COI ou CCM selon les goûts.
Mais la préposition « de » n’est pas la plus heureuse (surtout dans le cadre d’un exercice !), « en » ou « du » aurait sans doute éclairé l’élève… et le maître !
Ce débat va finir dans la boîte aux lettres de l’auteur, je pense.
Finalement, Evinrude, je repensais à votre phrase en faisant quelques recherches sur internet. Quelqu’un s’était déjà posé cette question. Le schéma ci-dessous n’est pas mal et explique pourquoi il y a l’accord dans :
– Ils se sont servis trois fois de gâteau
« Je leur [COI] ai servi du gâteau => ils se sont servi trois fois du gâteau.
* Je les [COD] ai servis en gâteau => ils se sont servis trois fois en gâteau.
* Je les [COD] ai servis de gâteau => ils se sont servis trois fois de gâteau »
Je réfléchis aux difficultés. Je ne connais pas grand monde qui aime les difficultés au sens général. Mais, quand même, c’est cela qui fait bien souvent avancer. J’ai lis fréquemment que devant les difficultés de la langue, il faut simplifier. On en arrivera à des choses plates, sans saveur parce que les gens s’habituent à ne pas faire d’efforts. Notre société est en train de tout « simplifier » ; comme cela, on n’aura pas à réfléchir ! Je ne connais pas toutes les langues, mais parmi celles qui sont le plus utilisées, je n’en connais pas qui n’aient pas de subtilités, de difficultés. On parle souvent de l’anglais comme étant une langue facile. Et pourtant… Bien des gens et des insitutions s’inquiètent du niveau actuel de cette langue et luttent pour que sa pureté, ses régles, sa construction, soient préservées.
En plus, en plus, si on siimplifie les accords, les pluriels, les genres, on n’aura, correction : je n’aurai, plus le plaisir !e lire les experts de cette plateforme. Je trouve toujours passionnant de lire des remarques intelligentes, pleines de savoir et bien écrites !
La particularité d’une langue, c’est qu’elle véhicule la pensée et permet aux hommes de communiquer. Quand la complexité sert, non plus à transmettre les nuances d’une histoire ou d’une idée, mais seulement à affirmer un pouvoir (celui d’une caste, d’un milieu ou d’une profession), je pense que l’on nuit à la concorde. Et alors, oui, il faut simplifier, pour mettre ce pouvoir à la portée d’un plus grand nombre.
Mais vous nous entraînez bien loin de ma question d’accord ! 😉
Evinrude, vous avez raison de dire que je suis loin du sujet. J’ai sauté la première partie de ma pensée. Je vous présente des excuses ! Donc, ma première partie était liée à la réponse de Chambaron que je trouve pleine de bon sens. Je me suis laissée emporter. Tout comme vous, je pense que, le pouvoir, la domination ne peuvent servir la communauté ; mais, tout aplatir sous prétexte qu’il faudrait faire un effort m’agace.
Je comprends bien Zully et partage votre agacement sur bien des points. Mais quand bien même on aurait simplifié quelques graphies complexes, il resterait encore bien du travail avec le vocabulaire, la syntaxe et la construction du raisonnement !