rupture syntaxique ?
J’ai un doute concernant cette phrase :
« Subitement, comme si elle était devenue brûlante, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre. »
Je crois que je m’attends inconsciemment à trouver un féminin après le « comme si elle était brûlante ».
Est-ce que cette phrase est fautive, ou juste un peu maladroite ?
Si l’on remet le CC de comparaison à sa place, je trouve que l’ambiguïté disparaît :
« Subitement, Tony a lâché son épée, comme si elle était devenue brûlante, et a posé un genou à terre. »
Qu’en pensez-vous ?
merci de vos éclairages
Bonsoir Marcel,
Les phrases 1 et 3 sont, par définition, des ruptures syntaxiques, appelées anacoluthes.
Le Bon usage actuel.
1 Subitement, comme si elle était devenue brûlante, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre.
3 Comme si elle était devenue brûlante, subitement, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre.
J’ajoute qu’il convient d’éviter de telles anacoluthes, même si elles ne créent pas d’ambiguïté. Vous n’êtes pas Blaise Pascal, à qui on a pu pardonner une célèbre anacoluthe ! 🙂
Pour une autre raison, la phrase 2 ne vaut pas mieux.
2. Subitement, Tony a lâché son épée et comme si elle était devenue brûlante, a posé un genou à terre.
Attention ! Cette phrase fait un lien entre le fait pour l’épée de devenir brûlante et le fait pour Tony de poser un genou à terre, alors que le lien est plutôt entre le fait pour l’épée de devenir brûlante et celui pour Tony de la lâcher.
Bonne fin de soirée.
D’accord pour la 2 à modifier ainsi : Subitement, Tony a lâché son épée comme si elle était devenue brûlante et a posé un genou à terre.
Pour les autres : anacoluthes ? Non, Prince, je ne pense pas. Que faites vous du caractère mobile du CC ?
Refuseriez-vous : Dès qu’elle fut fourbie, Tony s’empara de son épée ?
Peut-on appeler cette construction anacoluthe?
En fait, il n’y a que la subordonnée de conséquence qui ne se déplace pas.
Je persiste à dire que les phrases 1 et 3 comportent, par définition, une anacoluthe.
Comment pouvez-vous dire le contraire, puisque le simple rapprochement de la définition de Grevisse et de Gosse (Le Bon sage actuel, § 226 ) et des phrases en question montre qu’il y a bel et bien deux anacoluthe en l’espèce ?
Rappel des deux phrases :
1 Subitement, comme si elle était devenue brûlante, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre.
3 Comme si elle était devenue brûlante, subitement, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre.
Vous ne voyez pas que l’on passe du sujet « elle » (= l’épée) au sujet « Tony » ?
Ensuite que ces phrases soient « correctes », « maladroites » ou « à éviter » est une autre question.
Pour ma part, je conseille d’éviter ce type de construction, au moins dans la langue « surveillée » (dans les deux sens du mot) ou soignée.
Pourquoi prendre le risque d’être désapprouvé (par des grammairiens ou non-grammairiens) alors que vous pouvez n’en prendre aucun en rédigeant autrement ?
Rem. : il est des anacoluthes célèbres qu’on ne perçoit même plus : « L’Appétit vient en mangeant » (ce n’est pas l’appétit qui mange !). Mais il s’agit d’un proverbe, qui plus est, entré dans les moeurs langagières depuis fort longtemps. Je ne sache pas que ce soit le cas des phrases 1 et 3 ! 😉
Bonne après-midi.
Il y aurait anacoluthe ici :
Devenue brûlante, Tony a lâché son épée.
Cela se produit notamment quand la phrase (ou la sous-phrase) commence par un élément qui fait figure de sujet, mais en perd par la suite la qualité. »
Subitement, comme si elle était devenue brûlante, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre.
« elle » ne fait pas figure de sujet, « elle » est sujet de « devenir » et constitue une proposition avec l’adjectif et la locution conjonctive « comme si’.
« Tony…. à terre » est une autre proposition.
Subitement, comme si son épée était devenue brûlante, Tony l’a lâchée vous semblerait plus acceptable.
Or la différence entre les deux phrases n’est qu’une question de pronoms pas de structure.
Voici ce qu’on me répond sur un autre forum et que je trouve intéressant :
La formulation consistant à postposer, dans une même phrase, un nom au pronom qui le représente n’est pas si rare en français : L’ayant vu trop tard, j’ai buté sur un caillou.
Je crois que la phrase, paraîtra plus familière si l’on déplace « subitement » : Comme si elle était devenue brûlante, Tony a subitement lâché son épée... À moins que l’adverbe concerne le verbe devenir, mais cela me semble moins probable : Comme si elle était devenue subitement brûlante, Tony a lâché son épée.
Vous l’avez dit : le complément circonstanciel peut se déplacer dans la phrase. Et la proposition « comme si elle était devenue brûlante » est CC.
Et donc :
1 Subitement, comme si elle était devenue brûlante, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre.
2 Subitement, Tony a lâché son épée et comme si elle était devenue brûlante, a posé un genou à terre.
3 Comme si elle était devenue brûlante, subitement, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre.
4 Subitement, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre, comme si elle était devenue brûlante.
Toutes ces phrases sont correctes.
On juge si une ambiguïté se produit à cause de la place du CC, ce qui peut arriver (voir la phrase 4 : on peut penser fugitivement que c’est la terre qui est devenue brûlante),
Ou bien si l’effet produit correspond à ce qu’on veut. On peut par exemple faire attendre le verbe qui dit l’action ou le fait, en posant avant les compléments circonstanciels (c’est le cas de la phrase 1)
Merci Tara pour cet éclairage (et pour avoir pris le temps).
La phrase n’est donc pas fautive, peut-être maladroite.
Car nombre de phrases « justes » ne sont pas très heureuses, n’est-ce pas ?
Bien à vous
Je ne la trouve pas maladroite, votre phrase. Remarquez que la 1 fait attendre le fait : Tony a lâché son épée. C’est précisément en faisant attendre son lecteur qu’on crée le suspens.
Dans l’exemple ci-dessous, en plaçant les compléments circonstanciels (adverbe + GN cc + GN cc + adverbe ), on crée une situation d’attente, on met le lecteur en haleine, Ce qui se conjugue à d’autres moyens (rythme des phrases, ponctuation, vocabulaire …)
Il se réveilla. Tout à coup, dans l’obscurité de la chambre, juste devant lui, imperceptiblement …….
Bonjour Tara, bonjour Prince,
Je suis toujours surpris de votre capacité à argumenter. Moi qui ne suis qu’un correcteur débutant, j’ai encore du mal lorsque les phrases (et leur ponctuation) se complexifient. Merci pour votre travail.
Je n’osai appeler anacoluthe la bizarrerie syntaxique que j’avais relevée dans « Subitement, comme si elle était devenue brûlante, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre. »
Comme Tara, mon analyse était : CCmanière + CCcomparatif antéposés, donc ça marche, même si c’est très maladroit ( le CC comparatif étant bien trop loin de l’objet [l’épée] auquel il se réfère).
Prince me dit que c’est une anacoluthe. Je ne pense pas, mais la construction est tellement alambiquée que la narration est de toute manière altérée.
Je vais donc proposer cette réécriture : « Tony a subitement lâché son épée, comme si elle était devenue brûlante. Il a posé un genou à terre. »
Merci encore pour vos éclairages passionnants.
Marcel
Bonjour Prince,
Je vois parfaitement ce que vous avancez. Peut-être avez-vous raison.
Voici ce qui me fait hésiter à définir cette « maladresse syntaxique » comme une anacoluthe :
Si j’ordonne la phrase de manière naturelle (en évacuant les ingrédients parasites),c’est à dire à plaçant le CC après verbe + sujet + COD de la principale, nous avons : « Tony a lâché son épée, comme si elle était devenue brûlante. »
Je serais enclin à vous donner raison si et seulement si cette phrase était également une anacoluthe, et qu’il fallait, même dans l’ordre » naturel », préciser de nouveau le sujet. Il faudrait alors écrire : « Tony a lâché son épée, comme si celle-ci était devenue brûlante ».
A vrai dire je n’en sais rien, je ne suis pas assez expérimenté pour trancher ce genre de choses. Je préfère pour l’instant botter en touche et reformuler…
Bien à vous.
Marcel