Questions sur les verbes pronominaux.
Rebonsoir,
J’ai trois interrogations à soumettre sur les verbes pronominaux.
1) En principe, le pp de ces quatre verbes (se rire, se plaire, se déplaire et se complaire) est invariable.
Exemples :
– Elle s’est déplu dans ce lieu
– Les travaux où elle s’est complu
Cependant, plus d’un auteur fait variable le pp de ces verbes :
– Chez tous elle s’était PLUE à éveiller l’amour (A. Maurois)
– Presque jamais les hommes ne s’étaient COMPLUS à un aspect aussi barbare […] (Aragon).
Avons-nous le choix de la variabilité et de l’invariabilité selon-vous ?
2) Selon Hanse, dans le deuxième cas le pronom serait un complément d’objet indirect. Je ne trouve pas moi. J’aurais plutôt tendance à penser qu’elle s’est refusée elle-même de le croire. Qu’en pensez-vous ?
– Elle s’est refusée à le croire
– Elle s’est refusé de le croire
3) Pouvez-vous me dire si ces phrases sont correctes ?
– Elles se sont interdit de regarder les codes secrets (elles ont interdit à elles-mêmes)
– Ils s’en sont donné à cœur joie
– Les directives qu’ils se sont données à cœur joie
Merci de nouveau
Re-bonsoir 🙂 Tony
1) Malgré le poids des auteurs ainsi cités dans le Grevisse, il me paraîtrait logique de ne pas accorder. Plaire, déplaire, complaire se construisent ainsi : plaire à quelqu’un. La première phrase donne donc : elle a déplu à elle dans ce lieu. Mais, apparemment, la discussion sur ce point est ancienne ! Voir ici ce qu’en dit Littré dans le cas de complaire.
2) On refuse quelque chose à quelqu’un. Elle a refusé à elle-même de croire . Il ne faut donc pas accorder le participe passé : elle s’est refusé à le croire.
3) Pas de problème pour les deux premières phrases. Pour la troisième, à coeur joie est une locution adverbiale qui ne s’emploie que dans l’expression s’en donner à coeur joie (= s’abandonner pleinement à la joie, selon le CNRTL à l’entrée joie). Donner à coeur joie + COD est donc une construction impossible.
Bonjour Jbambaggi.
J’ai remarqué votre humour avec « re-bonsoir » et le petit smiley. Pas mal ! 😊
Je vais revenir sur le point deux.
J’ai trouvé ces deux exemples dans le « Bon usage ». Il est dit dans celui-ci que « assurer » et « persuader » offrent une double construction : (assurer ou persuader quelqu’un à quelque chose) et (assurer ou persuader quelqu’un de quelque chose)
Ensuite, il y est cité deux exemples de Hanse qui écrit :
– Elle s’est refusée à le croire
– Elle s’est refusé de le croire
Selon lui, dans le deuxième exemple, le pronom serait un complément indirect. Mais j’avoue ne pas comprendre ..
Parce que, changeons le verbe. Prenons « persuader » qui a les deux mêmes constructions.
– Elle s’est persuadée à le croire
(Elle s’est persuadée elle-même à ..)
– Elle s’est persuadé de le croire
(Là, je ne comprends pas l’accord. Elle a persuadé qui ? Elle-même de le croire.) Je ne comprends pas la position de Hanse
La partie 1 de votre question est intéressante (pour moi en tout cas) car représentative de difficultés de la langue qu’il convient de clarifier.
De nombreux manuels donnent en effet le participe passé de ces quatre verbes comme étant invariable à la forme pronominale. Cette position est néanmoins de plus en plus contestée, avec raison à mon sens :
1. Dans leur usage pronominal (non réciproque), ces verbes sont essentiellement pronominaux (le pronom n’a aucune fonction grammaticale) et doivent donc s’accorder avec le sujet.
2. Littré acceptait l’accord et personne n’est en fait catégoriquement contre pour une raison fondée. Il s’agit plutôt d’un état de fait acceptant cela comme des exceptions d’usage ;
3. La littérature est effectivement remplie d’exemples avec l’accord.
Vous pouvez donc vous sentir autorisé à accorder en toute bonne conscience et avec les règles d’accord des participes de votre côté ! Ce n’est pas rien.
N.B. Il va sans dire (et mieux en le disant) qu’en cas de pronominal réciproque l’accord ne se fait plus, le pronom étant C.O.I. : Elles se sont plu au premier coup d’œil.
Bonjour Chambaron,
De ce fait, pour en revenir au cas numéro 1. Il serait possible d’accorder les deux premières phrases ?
-Elle s’est déplu(e) dans ce lieu
– Les travaux où elle s’est complu(e)
Dans ces deux phrases, elles se sont complue et déplue elles-mêmes.
Mais dans la suivante, « s » s’agit bien d’un coi :
– Elles se sont plu lors de la première soirée
Après avoir lu la réponse de Chambaron, je reviens sur le point 1. La construction que j’indique est inexacte : elle a déplu à elle en ce lieu n’a pas du tout le sens de l’expression elle s’est déplu(e) dans ce lieu = elle n’a pas apprécié d’être dans ce lieu et non pas elle a trouvé qu’elle était déplaisante à ses propres yeux dans ce lieu !
De ce point de vue, Chambaron a de bonnes raisons de dire que se plaire est essentiellement pronominal puisqu’il n’a pas du tout le sens qu’aurait se plaire en tant que pronominal réfléchi de plaire.
Je n’aurais pas accordé… mais la question mérite effectivement davantage de réflexion ! Lisez l’article de Littré qui fournit les arguments des deux « camps ».
Les réflexions « à voix haute » d’Émile Littré sont savoureuses et édifiantes ! À l’évidence, la notion de verbe essentiellement pronominal n’avait pas émergé et on s’accommodait facilement des ambigüités dans les milieux lettrés.
Plus d’un siècle après et avec des millions d’élèves formés avec cela, on ressent la vanité de ces raisonnements pour une langue compréhensible par tous…
Je réponds à votre analyse sur le point 1 ici Chambaron. D’abord merci pour celle-ci, j’aime toujours votre contradictoire enrichissant ! 🙂
À mon avis, les deux accords sont finalement possibles. Du moins, les avis semblent partagés. L’analyse de l’accord n’est pas fautif, car elle tirerait plus d’un sens passif. Par exemple :
– La nuit que j’ai dormi (invariable)
– Cette nuit était tellement courte qu’elle ne valait pas la peine d’être dormie (emploi passif donc accord)
De même que, le « Bon usage » cite des exemples où l’accord est possible :
– Les trois nuits que j’ai mal dormies (en considérant cela comme un sentiment, une théorie)
Il cite aussi un autre exemple tout aussi intéressant :
– Ces centaines d’heures de cours que j’ai parlées
(Dans cet exemple, les deux accords sont possibles. Selon que l’on désigne un sentiment, une théorie ; ou le temps soit un complément circonstanciel)
Donc finalement, les deux sont envisageables selon la pensée de l’auteur
Certes, mais c’est un tout autre sujet : il s’agissait de l’accord du participe avec des verbes essentiellement pronominaux (se plaire,etc.), non avec un complément.
Effectivement, je vous l’accorde ..
Mais en tout cas, je partage votre analyse et l’appliquerai en ce sens