Question sur la conjugaison…du verbe être
Question extrêmement simple au demeurant, résumée en ceci:
« son domaine est les cieux« , ou « son domaine sont les cieux »
Mon cœur balance plutôt pour le second, mais la partie analytique de mon cerveau m’invite à choisir le premier…
Pour trouver le sujet : poser la question « qu(i) est-ce qui + verbe ? » Qu’est-ce qui est son domaine ? Réponse (sujet) = les cieux. (que l’on place avant). Domaine est l’attribut.
Les cieux sont son domaine.
Personnellement, je ne dirais pas « qu’est-ce qui est les cieux ? » Réponse = son domaine. Donc pour moi, domaine n’est pas sujet de la phrase.
Merci pour ce rappel bien utile Joëlle!! Cela dit, et bien que tout me porte à croire que vous ayez raison, votre argument me semble biaisé dès application: en effet, si vous avancez qu’il faille utiliser l’outil « qu’est-ce qui + verbe » pour déterminer le sujet d’une phrase, dans mon exemple le verbe étant « est/sont », remplacé dans votre outil ce dernier devient « qu’est-ce qui est », et pas « qu’est-ce qui est son domaine ». Dans cette seconde version, le sujet ne peut en effet qu’être « les cieux », mais dans la première, c’est bien « le domaine » qui fait office de sujet. Aussi, je me permets d’émettre des doutes quant à la valeur effective de « des cieux » en tant que sujet et de rejoindre, bien que le singulier dans cette phrase écorche mes oreilles, l’avis d’Edwin ci-dessus. Quel est votre avis à la lumière de ceci?
EDIT: merci pour votre intervention Luxembou, lue après avoir répondu à Joëlle. Et cette fois je jette l’éponge: bien que de mon point de vue on puisse répondre oui à votre question « est-ce son domaine qui est les cieux ? », je conçois que dans un cas comme celui-ci le verbe « être » puisse être transitif, au même type que l’est l’égalité en mathématique 🙂
@MamorukunBE
Bien obligé de vous répondre, parce qu’on voit bien que vous n’êtes pas convaincu. Votre politesse peine à masquer votre secrète réprobation.
Le verbe être, considéré en logique sur des objets, a différents sens : existence (le chat est, il est un chat qui…), identité (ce chat est mon chat), appartenance (ce chat est noir), inclusion (les chats noirs sont dangereux)… Mais nous sommes d’accord, c’est ici la relation d’identité qui semble en jeu. Nous sommes d’accord que l’attribut n’est pas une simple caractéristique, mais désigne une chose identique à la chose désignée par le sujet. Ce n’est pas là qu’il faut chercher une différence d’interprétation entre nous.
Vous ne vouliez probablement pas dire que le verbe être, dans ce sens d’identité logique, représente une relation transitive (si a=b et b=c alors a=c), mais plutôt une relation symétrique (si a=b alors b=a). Vous voulez juste dire que la chose désignée de chaque côté du verbe est la même. Ou encore qu’il y a deux intensions (deux façons de dire, deux concepts) pour une extension unique (un seul objet réel désigné). Probablement avez-vous raison avec le domaine et les cieux. C’est en tout cas incontestable avec « Paris est la capitale de la France / la capitale de la France est Paris ». L’une est l’autre et l’autre est l’une.
Si l’objet représenté est unique, qu’il est le même des deux côtés du verbe, on ne devrait pas, selon vous, pouvoir se demander lequel des deux est le-même-que-l’autre, ni s’il y en a un qui est plus le-même-que-l’autre que l’autre, ni s’il en existe un premier en référence.
Mais le verbe être articule deux syntagmes (intensions) et non deux réalités (extensions). Et quand bien même les deux syntagmes représentent le même objet, il reste un sens de lecture, et une des deux descriptions de l’objet répond à l’autre. C’est la capitale de la France (qui est) Paris, ou c’est Paris (qui est) la capitale de la France ? Notez le pronom relatif « qui », car il représente obligatoirement le sujet.
Les deux concepts (le nom de la ville et le statut de la ville) ne sont pas par nature identiques, (sinon ce serait un concept unique). Que l’objet soit unique n’est que conjoncturel. La capitale de la France a été Bordeaux, Vichy. Paris a été une cité avant d’être la capitale de la France, parfois sous un autre nom…
Dans une phrase utile, ayant du sens, portant une information, on ne trouve, en français et concrètement, pas de cas d’indifférenciation possible entre le sujet et l’attribut. Cela peut mériter d’être developpé au-delà de la simple grammaire, mais ensuite on tombe dans l’ontologie jusqu’au cou, et ce n’est pas ma tasse de thé.
Il faut chercher, non pas un rapport entre les deux objets désignés qui ne font qu’un, mais entre les deux façons d’amener la chose.
La France a une capitale, c’est quoi ? C’est Paris qui est la capitale de la France.
Il a un domaine, c’est quoi ? C’est les cieux qui sont son domaine.
Les sujets sont immédiatement identifiés : respectivement Paris et les cieux.
La question à poser est facile à trouver, c’est celle qui commence par une devinette (qu’est-ce qui est jaune et qui…) et qui normalement ne reçoit qu’une réponse valide. Cette réponse valide est par définition le sujet.
Il faut bien sûr partir du principe que toute phrase porteuse de sens répond à une question, et que s’il n’existe pas de question alors il n’existe pas de sens à la phrase.
Enfin, espèce d’anarchiste de la grammaire, vous pouvez noter que si je me réjouis de vous voir vous incliner avec déférence devant le Grevisse, il faut admettre qu’il consacre par ailleurs quelques paragraphes à constater la difficulté qu’on a à définir un sujet, et qu’il ne prétend pas l’avoir fait.
@Madame Joelle
Excusez-moi, ce sujet me rend confus.
Pourriez-vous m’expliquer svp.
Il a demandé, laquelle est juste entre ces deux phrases?
1) son domaine est les cieux
2) son domaine sont les cieux
Votre réponse, 《les cieux sont son domaine》.
Ce qui me rend confus, c’est votre phrase.
Quand on place《son domaine》 comme le sujet 《son domaine (être) les cieux》, c’est obligatoire de conjuguer 《être》au 3ème personne du singulier, n’est-ce pas?.
Bien sûr, quand on met 《les cieux》comne le sujet 《les cieux (être) son domaine》, on conjugue 《être》au 3ème personne du pluriel.
Merci pour l’explication.
Edwin
MamorukunBE,
Le Bon usage actuel (cf. § 932), la Banque de dépannage linguistique (BDL), etc., admettent l’accord avec le sujet postposé et l’attribut antéposé (cf. Luxembou). Toutefois, selon le « Grevisse », c’est l’attribut antéposé qui détermine généralement l’accord. Si vous voulez toujours faire l’accord du verbe (être notamment) avec le « vrai » sujet, la BDL indique comment le trouver.
Le Bon usage actuel :
[…]
« Comme les classiques, certains auteurs accordent le verbe avec le sujet postposé :
BDL , art. Accord du verbe avec le sujet ou l’attribut.
La pêche était son seul plaisir, elle lui procurait détente et lui permettait d’échapper aux contraintes du quotidien.
Pourquoi considérer dans une telle phrase, que « la pêche » serait un attribut antéposé alors que le GN est sujet des autres phrases ?
Son seul plaisir était la pêche; il partait très tôt le matin et venait s’installer au bord de la rivière.
On voit dans ce contexte que « la pêche » est attribut, et « plaisir » sujet, le thème étant « il » présent dans le possessif « son seul plaisir ».
A la lumière de ces exemples en contexte, je me questionne sur la notion d’attribut antéposé. S’il existe des attributs antéposés, le contexte devrait le montrer.
Jusque là, je ne vois pas pourquoi on considèrerait dans son domaine est les cieux « son domaine » comme un attribut antéposé à moins qu’on ait une anaphore du type : son domaine sont les cieux, son pays sont les cieux, son univers sont les cieux …
L’antéposition de l’attribut me paraît être un procédé poétique, mais je peux me tromper.
J’écrirai donc : son domaine est les cieux (ou encore : son domaine, c’est les cieux)
Tara, selon la BDL et le Bon usage, on peut écrire : Son domaine est les cieux, son domaine sont les cieux.
Avez-vous lu l »article de la BDL, plus explicatif ?
Tenez, je vous fais en plus un beau cadeau.
* L’argument sur l’enchaînement des propositions est intéressant ; vous trouvez par exemple étonnant que l’attribut d’une proposition devienne sujet de la proposition suivante… Et pourtant vous évoquez vous-même la notion de « thème » : la phrase a un thème, souvent le premier mot, mais ce premier mot peut être un sujet, un attribut, un COD… Par exemple : c’est la pêche que j’aime, elle est toute ma vie (le thème est COD dans la première proposition, et sujet dans la seconde). Je ne pense pas que cette question soit l’endroit idéal pour introduire une nouvelle notion sans rapport évident avec le couple sujet-attribut.
* Sur votre dernière phrase, je suis d’accord, mais j’en tire une conclusion totalement inverse de la vôtre. La transformation « son domaine c’est… c’est… c’est quoi… » indique clairement le sujet (quel est donc son domaine ?).
* Et finalement, attendez-vous réellement qu’on réponde « ah ben ouais en fait c’est Tara qui a raison et le Grevisse qui se plante » ?
J’aurais bien aimé….
Ceci étant dit, je pense qu’il est toujours délicat de trancher hors contexte.
@Luxembou (désolé, je n’ai pas encore le droit de répondre à des commentaires): Eeeeet je vous dois un beau mea-culpa pour mon emploi à très mauvais escient du terme de transitivité, qui n’a en effet rien à voir dans l’histoire ! Il s’agit bien d’une question de symétrie, doooonc grâce à vous j’ai également pu réviser mes mathématiques, merci mille fois! Je ne mentirai pas non plus sur le fait qu’il n’est pas évident de lire chacune de vos lignes, et qu’à plusieurs reprises j’ai dû revenir en arrière tant certains termes que vous utilisez sont complexes pour un non-initié comme moi. Et bien que cela soit très motivant…c’est également très frustrant ! ^^,
Quant à votre explication, je retiendrai, si cela vous sied, sa partie qui m’a le plus parlé, à savoir ladite question susceptible de fournir le sujet d’une phrase : « Il a un domaine, c’est quoi ? ». Je me suis en effet sans doute un peu trop accroché au côté purement mécanique de la grammaire (probablement une déformation professionnelles liée à mon activité : informaticien), et ai laissé de côté le fait que la grammaire véhicule l’idée, qu’elle ne la construit pas. C’est donc bien l’idée sous-jacente à une phrase qui doit déterminer la façon d’analyser cette dernière, et non sa forme écrite.
…ce qui est bien dommage en un sens: qu’est-ce que mon hobby d’écrivain serait plus simple si je pouvais ne plus me baser que sur des règles strictes pour gérer mes accords ! Mais je sais ce que vous allez me dire : c’est cela qui fait la beauté de notre langue ! N’est-ce pas ? 🙂
@Tara: héééé voilà, je me reprends à hésiter! Allez-vous vous mettre tous d’accord à la fin! ^^, Dès le départ j’étais partant pour conjuguer cette phrase au singulier, et pourtant de plus en plus je la pressens plus appropriée au pluriel (forme dans lequel elle me semble, de surcroît, plus « chantante »). Moooon dieu que tout cela est compliqué ^^,
« Moooon dieu, moooon dieu… » Je crois que vous feriez un assez bon chanteur. Et on a vu des grammairiens, des informaticiens, ou des écrivains, tourner plus mal. Lancez-vous, mais ne touchez pas aux produits, ce qui devrait vous éviter d’introduire vos prochains messages par « c’est une question extrêmement simple au demeurant ».