question posée ci-dessous
Bonjour. On lit souvent (et ça semble correct) « la ville la plus haute d’Europe ». Pourtant, il s’agit de la ville la plus haut perchée. Haut est ici adverbe de lieu, et non adjectif, me semble-t-il. Devrait-on donc écrire « la ville la plus haut d’Europe » ?
Vous avez deux choses différentes :
La ville la plus haute d’Europe : haut est un adjectif épithète qui s’analyse en référence au nom comm ville (plus est adverbe),
La ville la plus (haut) perchée : haut est un adverbe qui s’analyse en fonction de l’adj. perchée.
Merci, mais dans le cas cité, la ville n’est pas haute en elle-même ; ce n’est pas comme si je distinguais la partie haute d’une ville, qu’on qualifierait de ville haute, par rapport à la ville basse. Une maison haute (de plusieurs étages, peut être bas et une maison basse peut être haut. Il en est de même-me semble-t-il- d’une ville, qui peut être haut, sans qu’il soit nécessaire d’ajouter « perchée »…
Je comprends votre point de vue mais dans votre exemple, la ville est bien haute au sens de élevée en altitude, et donc c’est un adjectif.
Bien sûr, si l’on avait un verbe : il a lancé la balle très haut ; haut serait adverbe.
Haut/haute, adjectif a plusieurs acceptions et notamment : qui est situé à la partie la plus élevée ou au-dessus des choses de même espèce. (TLF – c’est moi qui souligne)
Et c’est bien le cas ici.
j’entends bien que le qualificatif « haut » a plusieurs acceptions. Ce n’est pas l’objet de ma question, qui est : dans la phrase que je cite, « haut » peut-il (doit-il) être considéré comme un adverbe ?
Dans votre exemple spécifique, haut est bien un adjectif (= situé en altitude). Il pourrait en effet être adverbe et invariable, mis pour hautement qui existe (un ingénieur hautement qualifié) mais reste peu employé. Il serait alors suivi d’un adjectif ou d’un participe : Ils édifièrent la ville le plus haut possible.
NB Haut fait partie de ces mots (dits énantiosémiques en linguistique) qui ont intrinsèquement des sens opposés, inverses ou divergents (cf. louer ou hôte). C’est même un « cas d’école » puisqu’il existait déjà comme tel en latin où altus signifie à la fois élevé en taille, élevé en altitude, profond et éloigné. Pour ce dernier sens se reporter à la haute mer, ainsi nommée parce que c’est la partie qui va loin (et non parce qu’elle est profonde). Ces mots demandent toujours beaucoup d’attention car ils sont source d’ambigüité voire de contresens.
On dit « la cigogne vole haut dans le ciel » mais « la cigogne est haute dans le ciel ». (lol)
Vous semblez refuser qu’un adverbe de lieu ne puisse pas être utilisé avec le verbe de situation « être » dès lors qu’il existe un adjectif permettant de considérer que le verbe « être » n’est plus dans ce cas un verbe de situation, mais qu’il devient automatiquement un verbe d’état.
Vous pensez que c’est comme s’il fallait dire « elle va partout » mais « elle est partoute », en accordant, alors que non, et si vous voulez utiliser le verbe « être » comme un verbe de situation suivi d’un adverbe de situation, vous aimeriez bien savoir qui peut vous en empêcher.
On dit : elle va là, elle vient ici, elle va dehors, elle habite loin de chez moi, elle vole haut dans le ciel…
Mais avec le verbe « être », il faudrait dire : elle est là, elle est ici, elle est dehors, elle est loin de chez moi, elle est haute dans le ciel…
Vous n’acceptez pas cette exception, et vous demandez :
— Si je monte très haut, est-ce que, arrivée en haut, je serai très haute ?
Ai-je bien interprété votre question ? Si la réponse est oui ma réponse est non. Un adverbe de lieu reste un adverbe de lieu. Personne ne peut vous obliger à utiliser un adjectif quand vous voulez utiliser un adverbe de lieu.
On en voit sur ce site et ailleurs qui sortent leur dictionnaire pour justifier que, aussi incroyable que cela paraisse, l’adjectif « haut » existe. Mais vous le savez depuis à peu près l’âge de deux ans, que la poignée de la porte est trop haute pour l’attraper, ce n’est pas un mot tellement extraordinaire. Pourtant apparemment, ça reste un argument : puisque ce mot existe, vous devez l’utiliser ! Et on expliquait encore sur ce site récemment que dire « la barre est haute » est un « abus de langage », ou que dans « elle est loin », le mot « loin » est utilisé comme « attribut », et que tout ça est une « dérive entrée dans les mœurs »… Le niveau des grammairiens, comme le niveau des collégiens, baisse.
Vous le savez certainement, le verbe « être » s’utilise comme verbe introduisant une situation, une localisation (elle est là), ou comme verbe d’état, verbe attributif introduisant une qualité (elle est belle). La preuve qu’il s’agit de constructions syntaxiquement différentes est qu’on ne peut pas mutualiser le verbe, sous peine de zeugme : elle est belle, elle est là, elle est belle et là. Pour connaître la nature du prédicat, adjectif ou adverbe, c’est le sens du verbe « être » qui compte.
Votre exemple, s’il visait à proposer une double interprétation possible, est parfaitement raté. Vous vouliez un exemple où on puisse considérer que « haut » avait une valeur d’adverbe, mais vous y avez intégré un élément prouvant que vous-même le considérez ici comme un adjectif attribut.
En effet, en écrivant « la plus », vous avez clairement choisi l’adjectif, car pour graduer un adverbe vous auriez écrit « le plus » :
– avec un adverbe : — c’est elle qui court le plus vite, c’est elle qui est le plus haut sur le podium
– avec un adjectif : — c’est elle qui est la plus rapide, c’est elle qui est la plus haute sur le podium
Puisque vous avez choisi « la plus », vous êtes obligé de choisir le sens attributif « la plus haute » (la réciproque n’étant pas vraie).
Qu’il faille préférer l’une ou l’autre construction n’importe pas, ce qui rend votre problème insoluble, c’est d’avoir mélangé un positionnement (le plus haut) et une caractéristique (la plus haute) pour en faire un absurde « la plus haut ».
Il y a comme vous l’avez peut-être remarqué des milliers de livres et d’articles traitant de cette question, généralement en disant des âneries, et à chaque fois que la question est posée sur ce site, quelqu’un débarque prétendant résoudre la question en quelques lignes, pour vous dire ce qui est correct et ce qui fautif. Permettez-moi à mon tout de vous proposer quelques hypothèses.
1) avec le verbe « être », on a théoriquement le choix entre une caractéristique (adjectif qualificatif variable comme dans elle est présente) et un emplacement (adverbe de lieu invariable comme dans elle est là), mais puisque avec « haut », c’est l’adverbe de lieu qui est dérivé de l’adjectif et non l’inverse, l’esprit de la langue, dans la continuité du latin, privilégie la caractéristique à l’emplacement.
2) L’adverbe de lieu « haut » n’existe simplement pas. Le seul et vrai adverbe de lieu, c’est « en-haut ». On ne vit pas « haut », mais on vit « en-haut ». On peut certes « être loin » mais on ne peut pas « être haut ».
3) Le mot « haut » est un adjectif, et n’est en réalité jamais un adverbe de position. Ce n’est pas « la barre est haute » qui est fautif, c’est « mettre la barre haut » qui est fautif, car « mettre », comme « rendre » est attributif (on rend une femme folle, on met une femme enceinte), l’attribut étant l’adjectif. Il n’y a d’ailleurs pas d’autre cas connu où on fasse suivre « mettre » et son COD d’un adverbe quand c’est un attribut qui correspondrait au sens voulu. Les articles qui veulent justifier la dualité « on met la barre haut » / « la barre est haute » (c’est-à-dire 95% d’entre eux) n’ont aucun fondement linguistique.
4) Le mot « haut » a pris effectivement une valeur adverbiale en complétant un autre complément de lieu, comme dans « haut dans le ciel », mais c’est seulement par ellipse que le mot « haut » peut être lui-même interprété comme un adverbe de lieu.
5) Quand le mot « haut » est utilisé adverbialement, ce n’est jamais comme complément de lieu. Ainsi, « voler haut » ne marque aucun endroit dans le ciel, mais désigne une façon de voler, c’est un complément de manière, avec un adverbe appliqué au verbe (ne riez pas, c’est ce qui a été exposé plusieurs fois sur ce site).
6) Le fait que l’adjectif « haut » soit utilisé adverbialement avec un adjectif (haut-gradés, bas-normande) a contribué à l’autoriser dans ce même sens avec des verbes.
7) La possibilité de l’ellipse de l’agent suffit parfois, et parfois non, à appliquer le sens de l’adjectif au verbe, rendant l’adjectif adverbe. La différence entre l’adjectif et l’adverbe est le plus souvent exposée par des personnes peu stables, qui disent par exemple : on peut « voler haut », donc on n’accorde pas « haut » dans « nous volons haut » ; mais qui disent aussi : on peut « vivre tranquille » (dans un sens carrément adverbial), mais on accorde toujours « tranquilles » dans « nous vivons tranquilles ».
8) Je peux vous trouver cinquante autres explications bêtes et faussement syntaxiques comme ça, leur point commun étant qu’on présuppose toujours qu’un mot fait partie d’une catégorie, et qu’on crée ensuite une exception pour montrer comment il y échappe. Cette façon de nomenclaturer la langue avec des règles et des exceptions, seule méthode en vigueur sur ce site, est assez lamentable. Une simple inversion de la hiérarchie entre nature et fonction résoudrait bien des problèmes.
Quand vous êtes certain de tenir un mot utilisé comme adverbe de lieu, conservez la certitude, sans demander d’autorisation, qu’un adverbe de lieu ne s’accorde avec rien.
Au moment de vous poster ma réponse, j’entrevois déjà les trois commentaires énervés de marcel1, le -1 de Chambaron ce soir, le -1 de Tara qu’elle attribue chaque matin à mes réponses, et la suppression finale par joelle. C’est dramatique ce qu’est devenu ce site.