Question de FLE
Bonjour les amis,
pour les non-francophones, il est surprenant de devoir dire :
Le Président de la France : préposition + article
mais
Les vins de France : préposition sans article
C’est peut-être « c’est comme ça » mais y aurait-il un pourquoi ?
On va essayer…
Les deux complément du nom n’ont pas le même sens.
Les vins de France : le complément est déterminatif on peut dire un vin français
Elle a un visage d’ange > elle a un visage angélique
Rien ne vaut un amour de mère > rien ne vaut un amour maternel
Le président de la France : là le complément du nom indique une appartenance ne peut être remplacé par un adjectif en gardant le même sens.
Le président français n’a pas le même sens que le président de la France.
Le chien de la voisine ne peut être remplacé par le chien voisin.
bravo ! je n’y avais pas pensé, je ne cherchais pas de ce côté … mais je n’ai rien trouvé.
Mais on dit le roi de France !
ah ! oui Tara va trouver pourquoi !
Nous avons, je pense, gardé la formule de l’ancien français qui utilisait bien moins l’article que le français moderne.
Notamment, le complément du nom se rencontre parfois avec la préposition « de » et dans certains cas* sans article devant le second substantif :
*le cas régime précédé de la préposition de : fille de roi = de la race des rois (choses, abstractions, classe sociale...). – Morphologie et syntaxe du latin au français
Charles ainsné Fils du Roy de France et son lieutenant, …
Comment Charles, ainsné filz du roy Jehan qui trespassa en Angleterre, fu sacré et enoint a roy de France en l’eglise de
c’est moi qui mets en gras
Bonjour,
Mon opinion quant à l’exception « Roi de France » est que cela tient de l’origine « divine » de la royauté.
Le roi est roi avant même d’avoir un royaume, par son sang, et le royaume n’est qu’une information à apporter à son titre, un complément déterminatif, comme écrirait Tara.
En octobre 1789, la révolution passant par là, Louis XVI est n’est plus Roi de France mais devient de roi des Français, tout comme Napoléon est devenu empereur des Français et non empereur de France.
Cette forme de distinction perdure aujourd’hui : Philippe est roi des Belges et non de Belgique, car c’est le peuple qui l’a mis sur le trône. Charles est roi d’Angleterre, car il tient son titre du divin.
Question ô combien complexe !
Petite précision : tous les compléments du nom sont déterminatifs, puisqu’un complément déterminatif – qui n’est qu’une autre dénomination du complément de nom – vient apporter une information supplémentaire sur le nom qu’il complète, peu importe la différence de relation (de sens) qui unit les deux termes.
(J’imagine que Tara voulait dire que l’absence d’article faisait du complément un complément non pas déterminatif, mais catégorisant.)
Pour avoir quelques pistes de réflexion, on peut par exemple consulter cet article, dont j’extrais l’épilogue, qui énonce très explicitement la complexité de cette question (la mise en gras est de moi) :
-
- Epilogue
La détermination du complément adnominal dans les syntagmes nominaux complexes présente pour les étudiants de français langue étrangère des difficultés redoutables, que connaissent bien les didacticiens du français. Ces difficultés sont encore accrues quand il s’agit d’enseigner à des apprenants dont la langue maternelle ne possède pas d’article, comme c’est le cas de la majorité des langues slaves. Or, le moins qu’on puisse dire, c’est que les observations que nous avons menées tout au long de cet article ne sont de nature à rassurer ni les uns ni les autres. Qu’avons-nous observé, en effet? Que nombre de SN sont ambigus du point de vue du statut de leur complément adnominal, soit par polysémie du nom recteur soit par effet de l’haplologie; que des marques comme le pluriel, théoriquement susceptibles de désambiguïser certaines formes, sont en réalité des indices des plus fragiles; que des mécanismes de lexicalisation font souvent écran à la structure du syntagme, et partant à son interprétation, comme dans certains SP comportant un syntagme défini générique… Bref, il apparaît qu’il est impossible d’établir un système de relations biunivoques qui associerait à chaque forme une seule structure sémantique, et réciproquement. Par ailleurs, il est évident que les principes qui régissent l’emploi de l’article dans la détermination adnominale, et dont nous n’avons donné ici qu’une description partielle et probablement simplifiée, sont d’une grande complexité et par conséquent peu accessibles à la plupart des apprenants. Compte tenu de ce que nous venons de dire sur les formes elles-mêmes et les problèmes que pose leur interprétation, on mesure toute la difficulté que présente la mise en œuvre pédagogique de ces principes. Pratiquement, cette situation condamne le didacticien à élaborer des stratégies d’enseignement ad hoc qui, pour demeurer efficaces, passent obligatoirement par certaines simplifications. Le problème est alors de pondérer les exigences de cohérence empirique, d’une part, et d’efficacité didactique, d’autre part. Étant entendu que ces deux objectifs ne peuvent être atteints à la fois simultanément et complètement. Nous espérons qu’en dépit de ces difficultés, les descriptions et conceptions développées dans le présent travail contribueront, ne serait-ce que modestement, à renforcer les liens entre le monde de la recherche linguistique et celui de l’enseignement du français langue seconde.
Je ne dirais pas que Roi de France ou roi des belges sont des syntagmes nominaux complexes, mais bon, c’est une opinion personnelle
Leur sens n’est pas complexe (compliqué), certes, mais leur forme l’est, puisque ces syntagmes sont composés de plusieurs syntagmes.
Je vous rejoins sur ce point Marcel : il n’est peut-être pas utile d’entrer dans des tentatives d’analyse sur des points aussi ténus que celui-ci car peu ou pas efficace pour le choix à faire entre deux formulations. Et surtout pour le FLE.
Mais la question est posée, nous est posée. Alors forcément, on se prend au jeu.
J’ai remarqué que les personnes pour qui le français est une langue étrangère posent un regard sur notre langue que je trouve très précieux parce que neuf.
C’est le nom président qui appelle la construction avec article et non la France ( il y a aussi le président de la Suisse ou celui des Etats-Unis, etc.), or l’usage antérieur pour d’autres pays, mais aussi pour d’autre présidences (le président de l’association, du conseil d’administration a sans doute prévalu pour maintenir cette construction. D’ailleurs la véritable dénomination est Président de la République française et le nom découle du verbe présider. Ce n’est pas un titre mais une fonction, comme le directeur de la Comédie, le capitaine du Nautilus, alors que roi ou marquis sont des titres directement associés à des domaines (le marquis de Carabas).
Si la cause était aussi subtile que la représente Tara, (déterminatif vs appartenance) l’usage serait très hésitant entre « Président de la France » et « Président de France », et tous les Francophones ou presque « feraient la faute ». Mais ce n’est pas le cas, il y a donc une autre cause, moins sémantique et beaucoup plus immédiate. On observe que le substantif dans les exemples donnés par Tara comme illustrant la valeur de « déterminatif » des compléments du nom sont tous, sans exception, des indéterminés non singularisés, à savoir des pluriels (LES VINS de France) ou un nom singulier introduit par « un/une » (UN VISAGE d’ange, UN AMOUR de mère, etc.). Tandis quand « LE Président de la France, LE Représentant du Pérou, sont introduits par un article déterminant (LE) , ce qui distingue ce cas des précédents (UN amour, LES VINS, lesquels étant plusieurs sont exempts de détermination dans cette expression.).
Donc et pour résumer la « règle »: lorsque le nom est introduit par un déterminant singulier (le/la), le complément de nom est lui aussi introduit par un article déterminant singulier. Dans tous les autres cas, ce dernier est absent.
La question des vins de France ou des thés de Chine (alors qu’on désigne « LES amis DE LA Chine ») se double d’autres considérations sur la valeur de provenance et « de terroir » de ces compléments du nom. Qui plus est, et pour compliquer un peu la chose, certains pays n’ont pas de déterminant, par exemple, Israël, on dit donc « Les dattes d’Israël », alors qu’on dit « les dattes DU Maroc »; « le thé de Ceylan », quand le Sri Lanka s’appelait ainsi, parce que le nom Ceylan n’avait pas de déterminant, on dirait aujourd’hui « le thé DU Sri Lanka », mais je crois qu’on ne le dit pas !
Les cas « Roi de France », « Roi de Prusse », etc. ne composent pas vraiment une exception à cette règle; en effet, « le roi est mort, vive le roi », signifie que, ontologiquement, les individus porteurs de ce titre s’engendrent les uns les autres, se succèdent ainsi et composent une pluralité, où s’efface la singularité de chacun; s’il est vrai que les présidents et les délégués se succèdent eux aussi, ils le font néanmoins sans lignée d’engendrement et l’unicité de chacun est absolue, puisque chacun est élu sans prise en considération de la nature de son prédécesseur. Du moins peut-on le voir ainsi.