Quelle figure de style ?
Bonjour,
William Blake (1757 –1827) à Londres, fut un artiste peintre et un poète pré-romantique britannique.
Bien que considéré comme peintre , il s’est surtout consacré à la poésie.
Dans son recueil de poésie en prose : « The marriage of Heaven and Hell , ( Le mariage du Ciel et de L’enfer) écrit entre 1790 et 1793 où abondent proverbes et aphorismes, on relève l’apophtegme suivant:
« No bird soars too high if he soars with his own wings.»
André Gide qui traduisit et reconnut Blake dès le début du xxe siècle écrivit :
«J’ai conscience que cette œuvre étrange rebutera bien des lecteurs. En Angleterre elle demeura longtemps presque complètement ignorée ; bien rares sont, encore aujourd’hui, ceux qui la connaissent et l’admirent. Swinburne fut un des premiers à en signaler l’importance. Rien n’était plus aisé que d’y cueillir les quelques phrases pour l’amour desquelles je décidai de le traduire. Quelques attentifs sauront peut-être les découvrir sous l’abondante frondaison qui les protège.
— Mais pourquoi donner le livre en entier ?
— Parce que je n’aime pas les fleurs sans tige.»
Ainsi la traduction de Gide fut celle-ci:
« L’oiseau ne vole jamais trop haut, qui vole de ses propres ailes.»
Quelle figure de style André Gide a-t-il employée ?
Je classerais volontiers cette construction dans la famille des anacoluthes : il en existe différentes sortes, possédant la caractéristique commune de constituer des ruptures syntaxiques dans la phrase.
Dans l’exemple, « qui » est un pronom pour « oiseau » qui se trouve très éloigné, et séparé de lui par le verbe (vole) et des compléments (jamais et trop haut). Cette redistribution de l’ordre habituel créé une attente que ne provoquerait pas le style courant : L’oiseau qui vole de ses propres ailes ne vole jamais trop haut serait plus plat pour mettre en relief l’idée d’indépendance conquérante. À mon sens, la formulation anglaise est d’ailleurs aussi moins forte : l’emploi de if étant syntaxiquement tout à fait à sa place…
En fouillant un peu, on peut arriver à la rattacher plus précisément à :
– une tmèse : « Les hommes parlent de manière, sur ce qui les regarde, qu‘ils n’avouent d’eux-mêmes que de petits défauts. » (La Bruyère)
– une anastrophe : changement de l’ordre des mots avec anticipation.
Profitons de l’occasion pour rappeler un membre de cette famille assez courant, malheureusement en général sans volonté de style : le solécisme. « Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur… » au lieu de « Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Monsieur… »
Bonjour Chambaron,
J’avais opté pour la tmèse .
Je vous remercie d’avoir pris le temps de me répondre.