passé simple ou imparfait ?
Bonjour,
Dans une dictée d’un texte d’André Maurois (Retour à la maison), il écrit : « De là partait l’allée que j’avais si souvent suivie. Sous les arbres, j’admirai le tapis aux couleurs douces que formaient les pervenches, les primevères et les anémones.
Si le passé simple est utilisé pour des actions successives, de premier plan, achevées, pourquoi est-ce que j’admirai » est au passé simple et non pas à l’imparfait, temps du récit qui fait avancer l’action ?
Merci pour vos lumières !
C’est justement le choix de l’auteur. il veut présenter le fait -ici le fait d’admirer- comme global et non pas en cours d’accomplissement. Il aurait pu effectivement choisir un autre aspect au verbe, utiliser l’imparfait et donc ce qu’on appelle l’aspect sécant (on est dans le déroulement).
Ce n’est pas ici une question de premier ou second plan.
Merci Tara. Quand j’entends « j’admirai le tapis… », j’ai dû mal à comprendre que l’action puisse être rapide/spontané (l’inverse de quelque chose en cours d’accomplissement). Le verbe admirer n’implique-t-il pas une notion de durée plutôt qu’un moment bref ? Je m’égare sûrement…
L’idée d’un premier plan (ce qui se passe) et d’un second plan (dans quel cadre, dans quel contexte spacial ou temporel) apparaît effectivement pertinente ici. Il y a les propositions exposant le contexte (le soleil brillait ; il pleuvait sur la ville), et les propositions exposant l’action (je sortis sans chapeau ; je pris mon parapluie).
C’était un jour de fête. Nous visitâmes l’exposition. J’admirai en particulier les tapis. Nous rentrâmes ensuite à notre hôtel. Point. C’est fini. Le premier verbe à l’imparfait contextualise (second plan). Les verbes suivants décrivent l’action d’une façon que personnellement je trouve assez palpitante (que fis-je ? suspense… j’admirai les tapis). Il vous appartient à vous seul de considérer que les actions ci-dessus décrites au passé simple ne sont pas suffisamment intéressantes, pas assez ponctuelles, pour être incluses dans l’ordre du récit, et qu’elles ne devraient constituer qu’un contexte de fond (j’admirais les tapis quand soudain…), ou n’être que la description d’un paysage immuable et d’un état d’esprit (il faisait beau, j’admirais ce pays, ces arbres et ces gens, et ces tapis de fleurs).
Vous, il ne vous viendrait pas à l’idée de faire de l’action d’admirer un tapis de fleurs un événement dans votre récit, d’accord, mais c’est soit que votre vie active est trop remplie, soit que votre vie intérieure est trop pauvre. Pour André Maurois, admirer un tapis de fleurs n’est pas un événement de second plan, ce n’est pas un contexte, ce n’est pas une vague évocation du temps qui passe, c’est une des actions notables qu’il a réalisées dans ses voyages, et qu’il a prévu d’inclure dans le récit de sa vie au moment de nous le livrer.
Cela vous échappe, mais si vous avez une once de sensibilité, vous pourrez peut-être un jour écrire : « le soir tombait, je contemplai longuement son visage, je plongeai mes yeux dans les siens, et je… ».
On perçoit ici le fait particulier. Ces moments de contemplation et d’admiration dont même vous êtes capable, qu’ils durent des minutes ou qu’ils soient éphémères, mais dont vous considérez qu’ils sont des événements dans votre vie au point que vous souhaiterez un jour les narrer à un temps précis pour en respecter le moment, sachez que si vous aviez le niveau d’élévation morale et spirituelle d’un André Maurois, vous pourriez les appliquer à un tapis de pervenches.