Passé antérieur ou plus-que-parfait ?
Bonjour (je songe à prendre un abonnement),
Lorsque j’écris certaines phrases complexes du point de vue grammatical, le doute survient souvent quant à l’emploi du passé antérieur ou du plus-que-parfait.
Exemple :
De plus, un curieux changement s’était/se fut fait dans sa voix ; et son visage, quoiqu’il fût demeuré calme, était/fut (devint ?) soudain devenu plus sérieux.
Pour situer le contexte : le récit est au passé, et un personnage discourt. Il s’agit d’un commentaire au sein de la narration, et celui-ci est de ce fait au passé du passé ; mais puisque tout cela se produit simultanément, et en même temps que le personnage s’exprime, j’ignore quel temps choisir.
L’action est rapide, alors le passé antérieur me semble le plus adapté, mais au sein seul de la phrase, rien n’implique une action qui a immédiatement précédé une autre action.
Aussi, la phrase me semble lourde avec un deuxième verbe à l’aspect accompli, alors j’hésite avec le passé simple « devint », comme il est précédemment précisé qu’il s’agit d’une action passée du passé…
J’espère être assez clair pour vous (j’ai fait au mieux pour ne pas citer dix exemples, mentionner d’autres temps et poser vingt questions).
Merci d’avance pour votre précieuse aide.
Non, bien sûr, vous n’êtes pas pénible. Vos questions sont intéressantes au contraire.
Comme vous le rappelez, le passé antérieur apparaît dans une subordonnée dont la principale est au passé simple
La notion de passé du passé, comme vous l’appelez, je suppose, avec un souci de symétrie avec le futur du passé, risque de nous égarer.
Je préfère revenir à l’idée de l’axe du temps avec les temps de base qui sont le point d’où s’élabore le récit, les retours en arrière et les projections dans le futur toujours en rapport avec le point de référence (point à partir duquel s’élabore le récit).
En simplifiant
Système du présent
retours en arrière point de référence projection dans l’avenir
imparfait – passé composé présent <-> passé composé futur
Système du passé
imparfait – plus que parfait imparfait / passé-simple <->passé antérieur futur du passé
Ainsi vous voyez que dans les récits au passé :
– pour les retours en arrière , on utilise l’imparfait et le plus que parfait.
– le passé antérieur s’emploie dans les subordonnées de principales au passé simple.
– le plus que parfait parce qu’il s’agit d’un temps composé à un aspect achevé.
La correspondance plus que parfait/imparfait et passé antérieur/ passé simple n’est que formelle (auxiliaire est au temps simple correspondant).
Exemple :
Je me levai ce jour-là de très bonne heure. La veille, parce que j’étais en forme, j’avais rangé tous mes placards. J’avais rempli de gros sacs d’affaires à donner ou à jeter. J‘avais ensuite lavé tous les sols et m‘étais effondré épuisé sur mon canapé où je m‘étais endormi. L’inconfort me réveilla donc et ce fut de fort mauvaise humeur que je commençai la journée. Après que j’EUS PRIS mon petit déjeuner, que je me FUS HABILLE, je me décidai à considérer mon emploi du temps de la journée. Je me dis que je commencerais par donner mes coups de téléphones, puis que j’écrirais quelques pages et qu’ensuite, je sortirais prendre l’air.
——
Gras et soulignés : les temps de base (dont le passé antérieur en capitales)
italiques et soulignés : les indications de temps : retour en arrière et projection vers le futur
Gras : les plus-que-parfaits et imparfait / les futurs du passé
Bonjour,
Merci Tara. Jusqu’ici, je pense vous suivre sans souci.
Toutefois, partons du principe que la différence entre le passé antérieur et le plus-que-parfait est similaire à celle entre le passé simple et l’imparfait (c’est là que je fais peut-être fausse route, mais c’est pourtant ce que j’ai lu) :
— Il marcha pendant des heures.
— Il marchait pendant des heures.
Ici, chacun saisira la nuance sans difficulté, et sans besoin d’adverbe de temps ni subordonnée.
Revenons à mon exemple, s’il s’agissait d’un simple passé ; d’un fait narré au moment même où l’action se produit, je l’écrirais au passé simple :
« De plus, un curieux changement se fit dans sa voix ; et son visage, quoiqu’il demeurât calme, devint soudain plus sérieux. »
Néanmoins, je lis toujours que le passé antérieur doit être employé en subordonnée, ce qui n’est pas le cas ici, mais comme la nuance est possible et importante au passé simple, j’aimerais qu’elle le soit aussi pour un « passé du passé ».
Ce qui donnerait :
« De plus, un curieux changement se fut fait dans sa voix ; et son visage, quoiqu’il fût demeuré calme, fut soudain devenu plus sérieux. »
(Les faits sont successifs, mais antérieurs au moment où le narrateur les décrit, et tout le récit est d’ores et déjà au passé.)
J’espère ne pas être pénible, mais on m’a toujours dit que le plus-que-parfait était le temps composé de l’imparfait, et le passé antérieur celui du passé simple… alors il y a assurément quelque chose qui m’échappe.
Merci pour votre temps, Tara
Tout d’abord, levons un flou.
Le passé simple ne traduit pas une action rapide. Je peux dire aussi bien : je dormais longtemps que je dormis longtemps. La différence est entre l’aspect non accompli de l’imparfait : on considère le fait en cours de déroulement et l’aspect accompli du passé simple : le processus est considéré dans sa globalité.
1 De plus, un curieux changement s’était fait dans sa voix ; et son visage, quoiqu’il fut demeuré calme, était soudain devenu plus sérieux.
Les temps sont tous ici des temps composés qui marquent l’antériorité et ceci n’a rien à voir avec le fait qu’il s’agisse d’un récit dans le récit.
Le narrateur laisse raconter un de ses personnages qui va raconter en prenant comme repère sa propre situation c’est tout.
Il peut très bien choisir des passés simples :
2 De plus, un curieux changement se fit dans sa voix ; et son visage, quoiqu’il demeura calme, devint soudain plus sérieux.
Le choix entre 1 et 2 se fera en fonction de son propre récit : veut-il dire ce qui s’est passé avant ce qui constitue le moment qu’il raconte ? il choisira la phrase 1. Au contraire, ce qu’il dit appartient au moment qu’ il a choisi comme point de repère de son récit ? Il choisira la phrase 2.
J’espère avoir été claire. N’hésitez pas à poser d’autres questions sinon.
Merci à vous, Tara.
Oui, vous avez été claire, mais pouvez-vous m’expliquer pour quelle raison choisir le plus-que-parfait, et non le passé antérieur ?
Quant au passé simple, j’ai du mal à comprendre.
Comme cette phrase décrit un fait qui s’est produit – et non qui se produit –, ne dois-je pas employer un temps dit accompli ?
Ou l’aspect global du passé simple se suffit-il à lui-même pour préciser l’antériorité de cette phrase par rapport à l’action qu’elle décrit (je précise que c’est ici le narrateur qui s’exprime) ?
Par exemple, si mon récit était au présent, j’aurais employé le passé composé, et non le présent.
Encore merci pour votre aide
Il faut bien comprendre que ce sont justement les temps choisis dans un texte, et dans une phrase donnée, qui indiquent comment se situent les faits sur l’axe du temps.
Exemples dans le système du présent :
1 De plus, un curieux changement s’est fait dans sa voix ; et son visage, quoiqu’il demeure calme, devient soudain plus sérieux.
2 De plus, un curieux changement se fait dans sa voix ; et son visage, quoiqu’il demeure calme, devient soudain plus sérieux.
3 De plus, un curieux changement s’est fait dans sa voix ; et son visage, quoiqu’il soit demeuré calme, est devenu soudain plus sérieux.
C’est l’émetteur du message qui sait :
– si le fait n°1 a eu lieu antérieurement (retour en arrière=) aux deux autres faits et alors il formule le message 1
– s’il énonce des faits successifs situé sur le même point de l’axe du temps, et il formule le message 2
– si tous les faits qu’il énonce sont antérieurs (retours en arrière) au point repère de son récit; et il formule le message 3
C’est la même chose dans un récit au système du passé : on choisira des temps composés pour les retours en arrière des imparfaits et des passés simples pour des faits sur le point repère du récit.
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Alors quelle est la différence entre le plus que parfait et le passé antérieur ?
Le plus que parfait :
Le passé antérieur :
Merci pour votre réponse, Tara.
Tout est clair et je relirai votre message dès que le doute surviendra.
Je trouve néanmoins regrettable que la fonction du passé intérieur, qui est aussi un temps composé, ne soit pas plus large. Il pourrait pourtant impliquer des précisions temporelles sans que nous ayons besoin d’avoir recours à des adverbes, mais je ne vais pas refaire notre belle langue, voyons !
Mais il n’en est pas besoin..
Si vous m’avez suivie, vous voyez bien que dans les retours dans le passé au système du passé, on a une alternance imparfait (pour les faits de second plan et les faits pris dans leur déroulement) et le plus que parfait qui est utilisé pour la succession des faits et les faits disons, accomplis.
Enfin, là où vous avez raison, c’est qu’on peut rêver d’une langue possédant plus de temps encore, avec mille nuances et subtilités.