Participe passé
Bonsoir, j’ai lu cet exemple de phrase au participe passé qui serait de l’Académie française : La leçon que je lui ai donnée à étudier. Je n’aurais jamais mis « donnée », qu’en pensez-vous ?
Bonjour Manuel,
En fait, les deux accords sont possibles dans cette phrase. En principe, si on peut intercaler le COD entre le participe passé et l’infinitif, on peut accorder. Perso, j’ai une préférence pour l’invariabilité et d’ailleurs c’est ce que recommandent Orthonet et l’Académie.
Par exemple :
– Les plans que je t’ai donné à transmettre
– Les villes que j’ai eu à visiter
– Les plantes qu’on lui avait confié à arroser
– Les clés qu’elles ont oublié de prendre
– L’énergie qu’elle a appris à canaliser, etc.
Dans tous ces cas, le pronom relatif que est COD de l’infinitif et non du participe passé. Dès lors, on ne doit pas faire l’accord. Cependant, l’usage est hésitant. Je vous fais part de ce que dit le Bon usage dans sa dernière édition (la seizième) à ce sujet (para 951 n°5) : « Eu, donné et laissé introduits par à, sont tantôt laissés invariables, tantôt accordés avec le pronom object direct qui précède (quoique l’on puisse le rapporter à l’infinitif). Il précise que :
a) Avec “avoir à” le participe est le plus souvent laissé invariable :
– La contrainte qu’elle a eu à subir (Green)
– Quelque course que précisément il avait eu à faire (Gide)
Nonobstant, certains auteurs ne répugnent pas de rapporter eu à faire :
– Toutes les difficultés qu’il eût eues à surmonter (Stendhal)
– La première lettre de ce genre que j’ai eue à écrire (R. Rolland)
b) Avec « donner à » (où le sens du verbe est plus proche de son sens habituel), le participe varie ordinairement :
– Ces troupeaux fabuleux que l’on m’a donnés à égorger (Claudel)
– La leçon que je lui ai donnée à étudier
Nonobstant, certains auteurs appliquent l’invariabilité :
– Je fus tellement pris par ces vers que l’on m’avait donné à apprendre que (…) (Jammes)
– Dans les pages que j’avais (…) donné à lire autrefois
c) Avec « laissé à » on trouve également les deux accords :
– Les problèmes qu’il nous a laissés à résoudre (Salacrou)
– La seule turpitude que les doctrinaires et républiques lui eussent laissé à désirer (Bloy)
De fait, vu qu’on trouve des jurisprudences d’auteurs des deux possibilités, vous pouvez écrire indifféremment :
– La leçon que je lui ai donné à étudier
ou :
– La leçon que je lui ai donnée à étudier
Dans la première phrase, le pronom relatif “que” est C.O.D de l’infinitif et non du participe passé ; dans la seconde, le pronom relatif “que” est COD de “leçon”.
Bonne fin de journée.
Merci Tony pour cette piqûre de rappel !
Juste quelques précisions.
La phrase qu’indique Manuel (La leçon que je lui ai donnée à étudier) est bien de l’Académie française, mais de la huitième édition de son Dictionnaire. Il semble bien qu’à l’époque (vers 1932), elle n’offrait pas le choix de l’invariabilité. Il est intéressant de noter qu’elle n’a pas repris cet ex. dans la neuvième édition.
A quelle conclusions m’a conduit l’exploitation des ouvrages spécialisés (en ma possession) sur l’accord du participe passé (PP) ainsi que du Bon usage actuel, du « Hanse », etc. ?
Comme vous, à la possibilité de choisir entre la variabilité et l’invariabilité du PP donné/donné à + infinitif.
Ceux qui veulent faire dans le raffinement grammairien peuvent distinguer les cas où donner est employé dans son sens habituel ou proche de son sens habituel et les cas contraires (comme fait Grevisse notamment, dans son « Savoir accorder le participe passé »);
A cet égard, on peut préférer ne pas faire l’accord dans :
La comète qu’on m’a donné à décrire. La somme que vous m’avez donné à recueillir. (Grevisse.) Il est certain qu’on n’a donné aucune comète ou somme à la personne chargée de…
C’est la région qu’on m’a donné à cartographier. (Henri Briet, L’accord du participe passé.)
En revanche, on peut préférer la variabilité dans :
La leçon que je lui ai donnée à étudier. (Ex. de l’Ac., repris par H. Briet, qui précise « sens habituel de donner »).
Les devoirs qu’on m’a donnés à faire. (grevisse.)
Conclusion pratique :
Pour une des rares fois où nous avons le choix entre accorder, ne pas accorder et faire dans le raffinement (dans le même cas), ne boudons pas notre plaisir !
Cela dit, pour ma part, j’ai choisi l’invariabilité dans tous les cas, par souci de simplification, et puisque le Bon usage, le « Hanse » et le « Briet » (notamment) l’acceptent. D’ailleurs, Henri Briet et André Goosse reprennent à leur compte : Je fus tellement pris par ces vers que l’on m’avait donné à apprendre,(de Francis Jammes), pourtant très proche de La leçon que je lui ai donnée à étudier.
Bonne soirée. 🙂
Je vous en prie, Prince ! Et merci à vous également pour ces précisions supplémentaires fort intéressantes. 🙂
Perso, j’applique l’invariabilité à cette règle, car j’avais demandé l’avis à P. Vannier, et il m’avait répondu que lui appliquait l’invariabilité. Mais les références que je cite et celles que vous citez, démontrent bien que le choix est possible, à chacun de choisir sa position. Excellente soirée à vous.
Merci de vos réponses détaillées, je préfère laisser invariable lorsqu’un participe passé suivi d’un infinitif ne fait pas l’action, cette règle est plutôt simple et automatique. J’aurais une autre question à vous soumettre, cette phrase : Elle s’est aperçue que les richesses qu’elle s’étaient acquises malhonnêtement ne lui ont pas procuré le bonheur. Quelle est le raisonnement pour trouver « aperçue » car je n’arrive pas bien à saisir le principe ?
Cordialement.
Je préfère également l’invariabilité. Quant à votre seconde question, il faut raisonner en se disant qu’elle s’est aperçue elle-même de quelque chose. Elle a aperçue qui ? elle-même que les erreurs {…}. Autres exemples :
– Ils se sont aperçus de loin
– Elles se sont aperçues qu’elles étaient piégées
Même raisonnement, elles ont aperçu quoi ou qui ? elles-mêmes qu’elles étaient piégées. Vous comprenez ?
Elle s’est aperçue que les richesses qu’elle s’était acquises ==> qu’elle avait acquises malhonnêtement ne lui ont pas procuré le bonheur.
s’acquérir une richesse n’est pas une formulation très heureuse.
Ce qui m’embête dans ce verbe c’est que je raisonne souvent avec s’apercevoir de, et non apercevoir quoi ou quelqu’un…
Attention Tony, elles se sont aperçues est une tournure pronominale particulière ; certes on accorde avec le sujet mais cela ne correspond pas à « elles ont aperçu elles-mêmes » = « elles se sont aperçues dans la vitre ». C’est ce cas particulier de pronominaux dits « autonomes » car le pronom « se » ne désigne rien et le verbe a un autre sens. En effet, dans cette phrase, s’apercevoir a le sens de « se rendre compte » et non de « se voir brièvement ».
Je maîtrise cela très bien car aux leçons magistrales de Chambaron sur ce site.
Bonsoir Joelle, merci pour votre correction et par la même occasion ce petit rappel. Je vous avoue que je ne maîtrise pas bien les définitions de verbes dits autonomes ou non autonomes, etc. Je sais simplement que quand j’écris, je ne fais pas de fautes avec ce genre d’accords. Autrement dit, je maîtrise parfaitement les subtilités de l’accord des verbes pronominaux (par ex. : elle s’est proposé de lui parler (elle a proposé de lui parler à elle-même) mais elle s’est proposée pour lui parler (elle a proposé elle-même pour lui parler) mais je ne sais pas différencier un verbe autonome ou non, réfléchi ou réciproque (c’est paradoxal je sais..). Mais je vais essayer d’apprendre ces nuances. Bonne soirée.
Vous avez écrit : elle s’est proposé de lui parler (elle a proposé de lui parler à elle-même) ; je ne comprends pas cette phrase ni l’accord.
En effet, je n’ai pas pris un bon exemple, au temps pour moi ! Autre exemple : « elle s’est proposé d’animer ce débat (elle a proposé d’animer le débat à elle-même) et « elle s’est proposée pour animer le débat « elle a proposé elle-même pour animer le débat ». Ces tournures sont correctes, Joelle, elles figurent sur les sites Orthonet et Parler Français 🙂
Après mûre réflexion, Joelle, je maintiens que « elle s’est proposé de lui parler » est correct. On peut très bien dire sans souci : « elles se sont proposé de lui parler ». Si vous me dites que vous ne comprenez pas le sens de cette phrase, je ne vous croirai pas.