N’y a-t-il pas une faute de syntaxe dans cet extrait de Chateaubriand ?
Après avoir juré de…, il leur est impossible de…
N’est-ce pas un solécisme ?
Je vous remercie,
Sincères salutations
Chateaubriand écrivait : « Un barbarisme heureux reste dans une langue sans la défigurer ; des solécismes ne s’y établissent jamais sans la détruire ».
Mais l’anacoluthe peut être belle, ce qui la distingue du solécisme.
Oh là là ! Vous vous attaquez à un gros morceau !
« L’enfant dit : tu voulais que je vienne, ou : que j’aille, et il a raison. Il sait bien qu’en disant que je vinsse ou que j’allasse, ainsi que son maître, hier encore, le lui enseignait, il va se faire rire au nez de ses camarades, ce qui lui paraît beaucoup plus grave que de commettre un solécisme. » (Gide).
Ici, il aurait fallu citer la phrase entière.
Si tant est que les deux parties appartiennent à la même phrase, comme ci-dessus on pourrait penser, à première vue, qu’il y a une faute de concordance des temps et souhaiter qu’il fût écrit :
« Après avoir juré de […] il leur fut impossible… »
Toutefois, la faute disparaît dans la rédaction suivante :
« Après avoir juré de ne plus le faire, il leur est désormais impossible de ne pas tenir leur promesse. »
Mais on ne connaît pas l’intention de l’auteur.
Bonjour, merci pour la célérité de votre réponse.
La phrase est au livre 6 chapitre 2 des mémoires d’outre tombe :
« Les matelots se passionnent pour leur navire ; ils pleurent de regret en le retrouvant. Ils ne peuvent rester dans leur famille ; après avoir juré cent fois qu’il ne s’exposeraient plus à la mer, il leur est impossible de s’en passer, comme un jeune homme ne peut s’arracher des bras d’une maîtresse orageuse et infidèle. »
Il y a le « s » oublié à « il » : est-ce que cela pourrait être une erreur de l’éditeur ? Chateaubriand aurait-il pu faire une telle erreur malgré des relectures ?
Pour en revenir au sujet, je suis un béotien, mais le français de Chateaubriand est généralement si beau et si parfait, que ce type de tournure m’interpelle. Votre réponse suggère cependant qu’il s’agit d’une tournure tout à fait correcte. Or, je pensais qu’une phrase grammaticalement correcte aurait été par exemple : « après avoir…, ils ne pouvaient »
S’ il y a bien une erreur, est-ce que dans ce type d’ouvrage monumental, il peut s’agir d’une erreur de l’auteur ou alors sa maîtrise est-elle si manifeste, que c’est son intention ?
Pour moi, le probleme n’est pas celui du temps. Je pensais que le sujet « il » devait se rapporter å « après avoir », ce qui est le cas dans vos exemples, mais pas dans le mien, où il s’agit d’une tournure impersonnelle.
Je pensais qu’une tournure impersonnelle était incompatible avec le « Après avoir ».
Il y a effectivement une petite anacoluthe : après « après avoir juré cent fois […] », on attend le sujet lié à ce membre de phrase. Or on trouve la forme impersonnelle, ce qui selon les sensibilités peut surprendre ou choquer. Comme le pléonasme, l’anacoluthe est un procédé de style équivoque, plutôt condamné dans la langue courante contemporaine. Dans la littérature passée, on en trouve de nombreux exemples et les grammairiens se sont parfois déchirés à son sujet…
Après avoir bravé la tempête, il nous est impossible de... : petite anacoluthe.
En est-ce une réellement ?
L’expression sous-entend « nous ne pouvons pas ».
Et y a-t-il anacoluthe ici : « Après que nous avons sonné à ta porte, tu nous a ouvert » ?
@e_magnin :
À mon sens, et comme expliqué dans ma réponse, c’en est bien une ainsi que dans le premier exemple de votre commentaire. On ne peut pas sous-entendre des portions entières de phrase !
En revanche, dans le second exemple, il y a deux sujets et deux verbes et la question ne se pose donc pas.
« après avoir juré cent fois qu’il ne s’exposeraient plus à la mer, … » Oui, grosse coquille !
Je remercie Florian_François de sa question. Je ne savais pas que l’anacoluthe existait… Mais, la lecture de la phrase ne m’interpelle pas du tout (c’est peut-être inquiétant). L’auteur raconte l’histoire. Si je la transpose ainsi : Après avoir juré cent fois que je ne tomberais plus dans de tels panneaux, il m’est impossible de résister », est-ce qu’on reste dans la problématique que vous soulevez ? Si c’est le cas, je m’y trouve à l’aise (pas dans le panneau, bien sûr !).
Je vous remercie Chambaron également, j’ai donc appris le sens des anacoluthes. Vos explications sont toujours pertinentes, enrichissantes, et, j’ai fait une tentative sur Twitter, comme vous me l’avez conseillé, mais il est possible, voire certain, que je ne sache pas utiliser cette plateforme et donc n’ai pas réussi à établir un contact avec vous.
Bonjour Zully. Dommage, il y a de nombreux comptes excellents sur les questions de langue. Faites-le à l’occasion !
Merci pour toutes ces réponses qui m’ont éclairé. Il vaut mieux éviter les formes impersonnelles.
Le fait que j’emploie le terme solécisme vous a étonnés mais en regardant dans le dictionnaire, il me semble (!?) que cette figure de style est tout aussi bien une anacoluthe qu’un solécisme. Une anacoluthe est une forme de solécisme.
Solécisme : construction qui n’est pas conforme aux règles de la syntaxe d’une langue à une époque donnée ou qui n’est pas acceptée dans une norme ou un usage jugé correct.
L’anacoluthe (ou anacoluthon) est une rupture dans la construction syntaxique d’une phrase.
Je ne vous le fais pas dire, Chambaron. C’est plus que dommage, c’est dommage ! Mais, la persévérance est l’une de mes caractéristiques et je vais trouver le moyen d’entrer en contact avec vous. Sans que je sache exactement comment, je me suis retrouvée, grâce à l’un de vos Twitters, sur un autre compte intéressant sur la langue. Quand même, j’ai une préférence pour vos remarques, commentaires.
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Florian, je viens de trouver ceci (je fais un coller-copier qui ne me réussit pas très bien, mais vous avez des informations intéressantes et qui abondent dans votre sens) :
Le mot solécisme tire son origine du nom de la ville de Soles, située en Asie Mineure, dont les premiers habitants parlaient très mal la langue grecque.
Les solécismes sont des erreurs dans la construction d’une phrase, c’est-à-dire des fautes de syntaxe. On emploie des mots qui existent dans la langue, mais dans un agencement qui est grammaticalement incorrect.
L’ANACOLUTTHE qui consiste en une rupture dans la syntaxe de la phrase, peut être considérée comme une forme de solécisme. On est en présence d’une anacoluthe notamment quand le sujet du verbe de la phrase n’est pas le même que le sujet exprimé dans la proposition principale.
Comme vous avez raison, e_magnin ! Je garde !
J’ai sauté à pieds joints au-dessus de l’anacoluthe. L’emploi du terme solécisme m’a plutôt fait penser à un problème de conjugaison alors qu’il n’y en avait pas.
Merci Chambaron.