« m’eut » ou « m’eût » ? Indicatif ou subjonctif ?
« Si le ciel qui m’a placé sur le trône m’eût fait naître dans un état obscur… »
On aurait pu aussi écrire :
« Si le ciel qui m’a placé sur le trône m’avait fait naìtre dans un êtat obscur… »
Pourquoi le subjonctif dans la première formule et l’indicatif dans l’autre ?
Citation de Diderot dans Les Bijoux indiscrets semble-t-il. L’échange complet est le suivant :
« Si le ciel qui m’a placé sur le trône m’eût fait naître dans un état obscur, eussiez-vous daigné descendre jusqu’à moi, Mirzoza m’eût-elle couronné ?… Si Mirzoza venait à perdre le peu de charmes qu’on lui trouve, Mangogul l’aimerait-il toujours ? »
Diderot emploie bien les deux tournures pour des constructions similaires : la première phrase, au passé, utilise le subjonctif, et les modes sont réversibles (Si le ciel m’avait… ou m’eût…). La deuxième est à l’indicatif, mais ce n’est pas réversible : Si Mirzoza venait … mais pas Si Mirzoza vienne…
Je n’y vois aucune raison flagrante, autre que stylistique dans le contexte de l’époque. Je suis preneur d’une autre version, plus élaborée.
Bravo pour votre culture !
Merci.
Avec l’aide du web tout de même…
L’imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif sont simplement plus littéraires que ceux de l’indicatif, et appartiennent au langage dit « soutenu ».
Ici « s’il m’eût fait naître », plus que parfait du subjonctif, a une valeur de conditionnel passé, et garde le même sens que « s’il m’avait fait naître », plus que parfait de l’indicatif.
On peut donc employer indifféremment l’un ou l’autre en première partie de phrase.
Pour la seconde partie, la concordance des temps voudrait que l’on emploie le plus-que-parfait du subjonctif pour le premier cas « eussiez-vous daigné » et le conditionnel passé dans le second cas « auriez-vous daigné ».
En revanche, pour ce qui est de la phrase suivante, il ne s’agit pas du tout du même cas : « Si Mirzoza venait à » est un imparfait de l’indicatif ayant une valeur de futur hypothétique, et le conditionnel présent s’impose donc « Mangogul l’aimerait-il toujours ».
Bonjour,
Après si introduisant l’expression d’un fait irréel dans le passé, la langue littéraire peut mettre le verbe subordonné et le verbe principal ou l’un des deux seulement, au conditionnel passé deuxième forme.
(conditionnel passé deuxième forme identique au subjonctif plus-que-parfait.
Si elle eût réfléchi, elle eût hésité.
Si elle avait réfléchi, elle eût hésité.
Si elle eût réfléchi, elle aurait hésité.
Il faut donc écrire:
« Si le ciel qui m’a placé sur le trône m’eût fait naître dans un état obscur… »
J’écrirais plutôt,
si elle eût réfléchi, elle eût hésité.
si elle avait réfléchi, elle aurait hésité.
1) Dans l’extrait, la première phrase est une subordonnée de condition, il me semble que c’est l’équivalent du plus-que-parfait.
Si vous m’eussiez montré cette maison, je l’eusse achetée.
(= Si vous m’aviez montré…, je l’aurais achetée.)
2) Le conditionnel passé deuxième forme se forme en prenant l’auxiliaire à l’imparfait du subjonctif auquel on ajoute participe passé. S’il est identique au subjonctif plus-que-parfait, il ne comporte toutefois pas la préposition « que ».
Dans cet emploi modal particulier, dans la principale, « je l’eusse achetée », c’est l’équivalent d’un conditionnel passé « normal », mais c’est bien le « passé deuxième forme ».
Cette forme de langage est très soutenue.
3) En revanche, dans la phrase : Je doutais qu’il eût écrit ces lettres, cette forme a bien une valeur de subjonctif.
Je doute / qu’il ait écrit ces lettres.
Principale au présent –> subjonctif passé (exprimant un fait antérieur à celui de la principale)
Je doutais / qu’il eût écrit ces lettres
Principale au passé –> subjonctif plus -que-parfait (exprimant un fait antérieur à celui de la principale)