Me faire sentir (?)
Bonjour à tous.te.s
J’ai un petit doute sur cette phrase que je soupçonne contenir une coquille :
« Il m’a fait me sentir utile au sein de mon entreprise »
Sommes-nous d’accord que le « me » avant « sentir » est de trop ?
(Je tiens juste à préciser que je suis étrangère et que parfois des expressions m’échappent.)
Merci par avance !
Bonjour,
Je ne pense pas que le « me » soit de trop, il me parait même indispensable (verbe pronominal « se sentir »), mais il est vrai que le « m' » + « me » + « mon », eh bien ça fait beaucoup.
Peut-être « Il m’a permis de me sentir utile au sein de l’entreprise » ?
Il n’y a pas de raison logique évidente pour supprimer le pronom réfléchi de l’infinitif introduit par l’auxiliaire faire :
— je me suis retourné –> un bruit m’a fait me retourner
— nous nous réfugions –> la pluie nous fait nous réfugier dans un café
— ils sont venus, ils se sont déplacés –> je les ai fait venir, je les ai fait se déplacer
On le supprime cependant souvent :
— les pompiers se sont déplacés à ma demande –> j’ai fait déplacer les pompiers, le les ai fait déplacer
(les pompiers semble ici presque devenir COD mais il reste bien sujet de l’infinitif)
Même avec des verbes essentiellement pronominaux, il arrive que le pronom saute après faire :
— on les a vus s’évader, on les a fait évader
Mais ce n’est pas toujours conseillé :
— je souhaite la faire s’évader dans la lecture
C’est presque la norme de supprimer le pronom avec certains verbes :
— ça va nous faire (nous) lever tôt, je les ai fait (s’) asseoir
C’est même obligatoire avec le verbe se taire :
— je l’ai obligé à se taire –> je l’ai fait taire
Il y a forcément de bonnes raisons à ces différentes possibilités ou impossibilités, mais la grammaire française est encore dans son enfance, et je ne connais pas de synthèse sur le sujet. Phrase par phrase, on trouve toujours un début d’explication à la double possibilité, mais il n’existe pas dans les livres de grammaire courants, ni en ligne, d’analyse rigoureuse de ce phénomène.
Ni des raisons syntaxiques (pronom analysable comme COD, comme COI, ou pas analysable), ni des listes de verbes se construisant d’une manière ou d’une autre, ni des raisons sémantiques (par exemple plusieurs niveaux pour le verbe auxiliaire faire, ou selon le type d’infinitif introduit), ni la question d’un double emploi pléonastique du pronom (une fois pour l’auxiliaire et une fois pour l’infinitif)… ne permettent de proposer une réponse claire ou systématique.
Pour le cas particulier de votre phrase (me faire me sentir mieux), il est clair que l’usage n’autorise pas de supprimer le pronom, mais la raison pour laquelle la suppression est possible dans d’autres cas de figure et pas ici est très obscure.
Vous ne vous tromperez pas en conservant systématiquement le pronom (sauf pour se taire). Vous pourrez ensuite le supprimer au cas par cas, mais uniquement pour des verbes que vous aurez vus construits ainsi par des auteurs de référence ou dans un usage populaire avéré.