Maline et maligne
Bonjour,
Malin = au féminin Maligne (point barre, c’est ainsi)
Autant admis pour rusé(e) ou coquin(e) dans le bon sens du terme, que pour « malsain » ou « délétère » ou autre « qui se plaît à faire le mal« .
Ceci sans parler du « Malin » lui-même qui, nous serons d’accord (je l’espère), a tout sauf le côté « agréablement » coquin 😉 )
Maline= les marées ou une fine dentelle (résumé grossier)
À l’oral, il est souvent dit ou entendu maline là où nous devrions entendre maligne.
À tort ou à raison, cela tend à se généraliser à l’usage (ce même à l’écrit).
Visiblement, le mot maline devient de plus en plus utilisé pour exprimer le versant positif, malicieux, astucieux, coquin.
L’emploi du mot maligne, semble être préférentiellement réservé pour le versant négatif, délétère, mauvais.
(De fait, une tumeur maligne n’a rien de malicieusement coquin)
Vient corroborer ceci la définition même de la malignité.
Bien qu’a priori non validée officiellement par les instances à ce jour, je vois d’ores et déjà une nuance (qui me semble justifiée) entre maline et maligne.
En est-il de même pour vous ?
Merci par avance
On trouve la même alternance avec bénigne/ bénin
pourquoi ?
L’adjectif latin qui signifiait « bienveillant » était benigna au féminin. Il a donné bénigne en français, mais le masculin benignus est également devenu bénigne. En médecine, par exemple, on parlait d’un œdème bénigne, de même qu’une tumeur bénigne. Bien des épicènes ont disparu à la fin du Moyen Âge. […] A l’inverse, un masculin bénin, attesté dès le XIIIe siècle, s’est répondu au XVe siècle. Dans le couple bénin/bénigne, c’est donc le premier qui est un nouveau venu.
L’antonyme malin, maligne a suivi le même trajet. L’ancien français utilisait maligne (du latin malignus) au masculin comme au féminin. Au Xe siècle, un masculin refait, malin, est apparu, mais, de surcroît, le phénomène s’est poursuivi. En effet, si le couple malin/maligne est d’usage dans la bonne langue, notons que la langue orale ou régionale a vu l’apparition, dès le XVIe siècle, d’un nouveau féminin maline, formé sur malin. Ces deux féminins ne sont pas synonymes. »
D’après Larousse (YouTube)
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Vous n’êtes pas la seule à sentir une nuance. Le mot « maline » est dans les conversations depuis bientôt 6 siècles et il est bien normal qu’il ait une raison d’être.
En effet, si « maligne » s’est offert un doublet : « maline », « bénigne/bénin » n’ont pas donné de « bénine ». Il faut se demander pourquoi, d’autant plus que les adjectifs « maligne » et « bénigne » sont des antonymes.
La raison est forcément celle que vous avancez : on a eu besoin de trouver un autre adjectif qui ne soit pas contaminé par les connotations négatives, pour assumer les acceptions sympathiques du mot. Et on a trouvé « maline ». Hélas, impossible d’avoir l’équivalent de « maline » au masculin.
Alors, si « maline » est encore rejeté dans les familiarités, c’est peut-être à tort.
Je ne dis pas que votre hypothèse du maline (sens positif) pour l’opposer au maligne (sens négatif) est fausse, néanmoins, elle me parait très bancale du fait qu’elle ne fonctionne que pour le féminin (sans compter qu’on trouve des maline à sens négatif).
Ça me fait penser à certains opposants de la féminisation des métiers et fonctions qui donnent comme argument pour rejeter écrivaine qu’on entend le mot vaine ! Manifestement, ils ont l’oreille très sélective. 🙂
Quant à la forme bénine, elle a bien existé (dans le Lexique de la langue de Malherbe) : Qui d’ailleurs était d’avis de la bannir : .
Et on la trouve aussi de nos jours, y compris sur des sites médicaux (bon les médecins ne sont pas recrutés sur leurs compétences orthographiques).
Tara et Marcel1,
C’est toujours un plaisir de vous lire tous les deux.
Vous me faites bénéficier de bien plus que des règles de Français.
Vos connaissances m’épatent autant que votre soin à les étayer en prenant de plus le temps de rechercher des références. (ce qui est souvent nécessaire dans la catégorie « question de langue »)
Je rajouterai que vos points de vue, parfois complémentaires, parfois divergents 😉 , m’offrent encore plus matière à réflexion.
C’est passionnant.
Merci
En fait, pour en revenir au sujet, je remarque (sauf erreur) que c’est une forme unique qui était employée, autant pour le masculin que pour le féminin. Ce n’est que dans un deuxième temps que se sont imposées les formes masculines.
C’est bien »bénigne »qui a engendré dans un deuxième temps « bénin » et « maligne » qui a engendré dans un deuxième temps « malin ». (Ce n’est pas plutôt rare cela ?)
Il est amusant de constater que lorsque que l’on recherche la définition de « maligne » on aboutit principalement sur « malin, maligne », et rarement uniquement sur maligne, et qu’il est souvent indiqué que :
Au féminin, l’adjectif « malin » devient « maligne »
Si l’on en juge par l’historique, nous devrions plutôt lire » Au masculin, l’adjectif « maligne » est devenu « malin ».
(mais bon, là, je titille 😉 )
Merci Cocojade. 🙂
Pour se qui est des connaissances, Google (et ses compères) est un excellent pourvoyeur !
Oui merci Cocojade et je vous retourne le compliment : un plaisir de se pencher sur les énigmes que vous nous posez. Vous avez l’art de mettre le doigt sur le détail qui intrigue.
Et j’apprécie aussi beaucoup les interventions de Marcel qui a l’oeil si vif…
Le troisième adjectif de la série, issu d’un mot latin en ignus, est digne. Celui-là est demeuré épicène et n’a donné ni din ni dine.
Information supplémentaire intéressante Bruno 🙂
Y a-t-il eu là, logique particulière ?
Il y a des mystères qui le demeureront…
La note de Larousse va dans votre sens.La remarque du Tlfi aussi. Rem. Dans ce sens, la forme fém. maline tend à se substituer à celle de maligne.
Usito semble neutre : il indique les deux formes pour le féminin, sans préciser que l’une serait réservée à une acception.
Personnellement, je ne vois pas ce qui justifierait cette différence, si ce n’est que l’adjectif est très certainement plus employé dans le sens de rusé que de nuisible et ce d’autant plus à l’oral, ce qui peut donc expliquer que maline soit plus produit pour rusée que pour nuisible, et que dès lors vous associiez plus cette forme à ce sens, c’est une question de fréquence, pas de logique.
Bonjour Marcel1,
Merci pour votre retour.
N’y aurait-il pas logique ou lien à trouver entre maligne et la définition de malignité ? (les deux se rejoignent aujourd’hui dans le sens nuisible)
Hmmm, à la limite si on doit raisonner de façon « logique », seuls maligne et malignité, qui sont issus du latin malignus, sont bien formés et c’est malin qui joue les rebelles. En ancien et en moyen français, on trouvait d’ailleurs cette forme – maligne – pour le masculin (pour les deux acceptions rusé/nuisible). Je ne sais pas à partir de quand elle a disparu, mais à partir du moment où elle s’est installée, que la prononciation de –igne est moins économique que celle en –ine, il n’est pas surprenant que la forme maline soit usitée (se soit répandue, et commence à être enregistrée par les dictionnaires comme appartenant au registre courant), d’autant plus qu’elle est cohérente avec le système –in > –ine (marin > marine ; latin > latine, etc.). On pourrait dès lors imaginer que malignité* suive cette voie et devienne malinité. Ce afin de rendre tout le système cohérent. On trouve d’ailleurs des occurrences de cette dernière forme dans des textes des XVI, XVII, XVIIIe siècles (dans un registre a priori neutre) et chez San-Antonio, dans un registre qui l’est moins !
Enfin, bref tout ça pour (re)dire que ce n’est pas une question de logique, simplement de fréquence d’usage. (On trouve d’ailleurs des occurrence de maline dans le sens de mauvais – donc la nuance que vous percevez, si elle l’est manifestement par d’autres locuteurs, ne l’est pas non plus de tous.)
* Qui d’ailleurs a également pour sens le fait d’être espiègle, malicieux, mais cet emploi est sans doute beaucoup moins fréquent que l’autre.
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- Ingéniosité malicieuse, espièglerie.Ce fut une revue amusante, une critique pittoresque des mots familiers, des travers et des attitudes de chacun. Encore un usage où l’esprit satirique et la malignité propres au caractère lorrain trouvent leur compte (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 16):
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- … et Fouan, en entrant dans la cour, remarqua que l’âne, Gédéon, sous le hangar, avait la tête au fond d’un petit baquet. Cela ne l’étonnait point de le trouver libre, car le bougre, plein de malignité, soulevait très bien les loquets avec la bouche… Zola, Terre,1887, p. 355.
(Tlfi)
L’Académie considère la variante maline comme un régionalisme. Il serait hasardeux de chercher une différence de sens entre maline et maligne, car chacun peut voir midi à sa porte. Il est vrai que sur une consonne finale avec un e muet, la prononciation tend à se simplifier mais il serait bien dommage de perdre ce g, cohérent avec le substantif malignité.
Je suis d’accord avec vous Bruno
Plus précisément parce que, pour moi, Maligne rejoint le sens de malignité, Maline celui de malicieuse, astucieuse, rusée.
J’apprécie que la distinction/nuance puisse être claire d’emblée avec l’utilisation précise de l’un ou l’autre mot.
Cela évite l’interrogation que l’on peut avoir avec la seule utilisation du mot maligne.
Exemple : « Elle est particulièrement maligne » me laisse dans le flou… (malicieuse ou malveillante ?).
Merci pour votre retour intéressant Bruno