Majuscules dans la toponymie
Ecririez-vous :
– les Montagnes rouges / les montagnes Rouges / les Montagnes Rouges ?
(la pierre est riche en oxyde de fer)
– les Montagnes sauvages / les montagnes Sauvages / les Montagnes Sauvages ?
(elles sont rudes et inhabitées)
– le pays Cornu / le Pays cornu / le Pays Cornu ?
(ainsi nommé car infesté de monstres)
Merci.
Bonjour,
L’usage est courant que l’objet commun géographique s’écrive avec une minuscule et que son complément identificateur propre prenne la majuscule. Dans le flux d’un récit, on traversera l’océan Atlantique et on quittera la rue des Tulipes. Pour les voiries et les mers, c’est assez bien appliqué. L’encyclopédie Wikipédia a choisi d’appliquer cette règle de manière systématique et vous y trouverez donc le mont Blanc et le mont Saint-Michel . Pourtant, la plupart des chartes toponymiques ne prônent pas cet usage, celle de l’IGN considère l’ensemble des substantifs et qualificatifs comme propres : le Boulevard Saint-Michel, la Montagne Noire, le Massif Central alors qu’un site comme Géoconfluences conseille de réserver la majuscule au premier substantif constitutif du nom : le Massif central , la Montagne noire sauf pour les toponymes indissociables souvent agrégés par un trait d’union : le Mont-Blanc, le Mont-Saint-Michel. Dans tous les cas tenez vous à une règle constante tout au long de votre texte.

C’est vous qui êtes maître de la typographie des toponymes que vous inventez. Voyez surtout ce qui est réellement propre à l’identité du toponyme. Si l’adjectif peut être substantivé de manière autonome pour désigner l’entité géographique, accordez à l’adjectif la majuscule : l’Atlantique > l’océan Atlantique. Si l’adjectif identifie l’appartenance géographique mais ne peut être utilisé de manière autonome, accordez au substantif la majuscule : le gâteau basque, le Pays basque. Si les deux composants sont indissociables pour désigner l’entité géographique, je préfère comme l’IGN accorder la majuscule aux deux termes, notamment parce que chacun des deux composants peut avoir perdu tout ou partie de son sens originel : le Mont Rouge (en Belgique), la Vallée Heureuse (à La Réunion) [qui n’est ni réellement une vallée, ni particulièrement heureuse]
Les règles typographiques sont précises et clairement établies. Elles font l’objet d’ouvrages entiers appelés codes typographiques. Le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale fait référence en la matière. Il convient de respecter ces règles et de ne pas faire ce que l’on veut (dans certains ouvrages, les corrections typographiques constituent l’essentiel du travail du correcteur !), y compris pour des noms inventés. L’IGN n’est pas une référence pour le milieu de l’édition, sauf erreur de ma part. Les seuls cas où chaque terme (générique et spécifique) prend une majuscule sont les surnoms géographiques des côtes françaises : Côte Fleurie, Côte d’Azur, etc. En dehors de ces cas, tout est fait en français pour limiter au minimum l’usage des majuscules. Ainsi, la règle est : terme générique en bas de casse, terme spécifique avec une majuscule.

Comme vous pouvez le voir, il y a les principes (le terme générique ne prend pas la majuscule) et il y a les exceptions. Tant que le terme générique désigne bien ce qu’il prétend désigner, aucune raison de l’ériger en élément propre : le stade Victor-Hugo, le théâtre Michel-Jazy, mais si ce terme perd son sens originel, la voie au particulier est ouverte, et c’est bien ainsi que la Côte Fleurie est plus une région littorale qu’une côte au sens strict et qu’elle n’est pas plus fleurie que d’autres bords de mer. Il faut alors bien identifier la valeur des toponymes. Ainsi l’ensemble historique du Mont-Saint-Michel a été édifié sur le mont Saint-Michel consacré à saint Michel. Un exemple typique est celui de la Montagne Noire qui désigne plus cette région du Tarn que le relief montagneux qui la supporte et une analyse Ngram montre que l’usage le plus fréquent est celui des deux majuscules : Google Ngram Viewer: Montagne noire,montagne Noire,Montagne Noire
En effet le terme montagne a perdu sa valeur générique stricte, mais l’absence de majuscule sur l’adjectif neutraliserait sa valeur spécifique, d’où l’usage du bons sens.
Bref, en tant qu’auteur, vous pouvez revendiquer l’exception… ou pas, et en convenir avec votre éditeur… ou pas.
La règle pour l’écriture des noms géographiques est de mettre une minuscule au nom générique (mer, montagne, pays, etc.) et une majuscule au terme qui le caractérise (qui peut être un adjectif, un nom propre, un nom commun, etc.).
Ainsi, on écrit la mer Rouge, l’océan Atlantique, le pays de Galles, le golfe Persique et donc les montagnes Rouges, les montagnes Sauvages et le pays Cornu. En supposant qu’il s’agit bien de noms géographiques et pas juste de qualificatifs temporaires. L’océan Pacifique est un océan sauvage (et pas « Sauvage »).
Il y a quelques exceptions bien connues à cette règle : le Bassin parisien, le Pays basque, le Massif central, etc.

Reste à savoir dans quel sens est l’exception à la règle générale si elle n’a pas été exprimée. L’histoire du « nom générique » est un artifice inventé a posteriori pour justifier des dérogations. Si le premier nom est vraiment générique, il doit pouvoir être remplacé ou supprimé ce qui est rarement le cas : on se baigne dans la Méditerranée, l’Atlantique ou le Pacifique (devenus de vrais noms propres autonomes) mais pas dans la Rouge, la Noire ou l’Indien.
C’est bien l’ensemble indissociable des deux mots qui est généralement le nom propre.
Cher Chambaron, je suis perdu dans vos explications. Vous prônez la majuscule au premier substantif et aux adjectifs qui le précèdent. Néanmoins, lorsque l’appellation a été sacralisée par l’usage, vous indiquez que l’on met une majuscule à d’autres termes. Est-ce que je vous ai mal compris ?
Qu’est-ce qui définit le fait que le terme soit sacralisé par l’usage ? En l’occurrence, vous précisez que l’on écrit la Méditerranée ou l’Atlantique parce qu’on les emploie seuls, mais pas l’Indien. Donc vous écrivez Océan Atlantique, mais Océan indien ?
En navigation, entre autres, j’ai souvent entendu parler de l’Indien. Tout comme de la Baltique, de la Caspienne, etc. Ainsi, la nuance entre Méditerranée (avec majuscule selon vos indications) et l’Indien (sans majuscule selon vos indications, mais pourtant avec un usage sacralisé selon moi), ou encore la Rouge (qu’en effet personne n’emploie seul, en France du moins), me semble tenir d’une perception subjective des choses, et donc à nouveau ajouter de la complexité à des règles que l’on veut simples.
Ainsi, je suis perdu…
Les principes typographiques français à appliquer sont les suivants :
1. Vérifier si le toponyme n’existe pas déjà vraiment et si l’emploi d’un nom propre de fiction (imaginaire) n’en parasite pas un autre déjà connu pour le contexte donné ;
2. Affecter la majuscule au premier substantif et aux mots éventuels qui le précèdent dans le nom propre ;
3. Ne pas mettre de majuscule aux mots suivants (sauf un autre nom propre).
En conséquence, pour vos exemples :
– les Montagnes rouges ;
– les Montagnes sauvages ;
– le Pays cornu.
Autres exemples à cornes :
– les Sept Pics du diable ;
– la Croupe de sainte Dudulle ;
– la Grande Fourche noire.
NB Les traits d’union ne sont une exigence que pour des noms déjà existants et répertoriés comme tels dans une nomenclature officielle.
Cette règle s’applique pour beaucoup de cas en typographie, mais pas pour les noms géographiques. Ce n’est pas la règle qui est indiquée dans la majorité des codes typographiques ni celle qui est appliquée quasiment partout. La règle usuelle est : générique en bas de casse, spécifique avec majuscule (voir ma réponse plus détaillée).

Il n’y a pas de raison « fondamentale » de faire déroger les toponymes.
Si les géographes se sont accordé le droit de transformer nombre d’adjectifs en « noms » propres et de déplacer la majuscule, on le leur pardonne volontiers. Mais il faut alors assumer les conséquences : si dans « mont Blanc », Blanc est le nom propre, alors on peut aussi parler de la « montagne Blanc » ou du « sommet du Blanc », ce qui ne me semble pas être le cas alors que ça l’est pour Kilimandjaro. Lorsque vous recherchez des informations, vous recherchez par « mont » pas par « blanc ».
Dans le cas où l’appellation n’a pas été sacralisée par l’usage, on revient donc au principe global, ce qui est le cas des exemples en objet de la question.
Ce raisonnement s’entend, mais il n’engage que vous. Il va à l’encontre des principaux codes typographiques et de l’usage.
En fait, je reviens même sur ce que j’ai dit : cette règle que vous avez indiquée ne s’applique pas pour beaucoup de cas en typo. Au contraire, c’est plutôt la règle « générique en bas de casse et majuscule au spécifique » que l’on rencontre dans bien des domaines : pour les monuments, les universités, les écoles, les musées (quoique plus discutée ici), les organismes d’Etat (avec des spécificités organisme unique vs multiple), etc.

J’ai donné mon sentiment sur l’appellation « nom générique » dans votre propre réponse. C’est un trompe-l’œil tardif qui n’a fait que semer la confusion, y compris entre typographes. C’est la raison d’autant d’interrogations sur ce sujet. Si le principe, clair et simple, était respecté, on ne se poserait pas la question en permanence avec des réponses éparpillées.
Il en va de même avec tous les cas cités (sociétés, institutions, écoles, etc.). Lorsque le nom propre est une raison sociale, c’est bien le prétendu « générique » qui porte la majuscule pour l’ensemble.
S’il est détachable, c’est le nom qui suit : le musée de l’Orangerie (= l’Orangerie, Paris) mais le Musée folklorique norvégien (Oslo), le Musée de l’Homme, le Musée de l’illusion (Lyon).
Encore une fois, il faut distinguer les principes qui tiennent en quelques lignes des nombreuses incartades qui remplissent des volumes.
J’ai abondamment cherché avant de poser ma question et je n’ai jamais trouvé une réponse aussi claire et concise.
Un million de fois merci, Chambaron.

Avec plaisir.
Je souligne que ce que j’ai dit est valable pour l’ensemble des expressions dont on fait des noms propres , notamment les chrononymes (noms de guerres, d’époques, etc.), les patronymes et appellations de personnes (surnoms) et autres.
C’est l’avantage de n’avoir qu’un seul système, permanent et indépendant des organismes de circonstance (géographiques, historiques).
Je vous remercie pour tous ces apports qui illustrent bien le casse-tête que représente ce sujet des majuscules.
L’absence de vrai consensus m’incitera, pour mon récit de fiction, à un peu d’autorité personnelle (merci Bruno), suivant ainsi mon penchant pour la minimisation des majuscules chaque fois qu’il est raisonnable de le faire, et à privilégier le bon sens, tel qu’il me semble présent dans la position de Chambaron, plutôt que l’académisme qui me paraît parfois sujet aux travers du mandarinat et qui multiplie comme à plaisir les cas d’exception rendant la matière hermétique au commun des mortels (car comment justifier logiquement à la fois « le fleuve Jaune » et « la Forêt-Noire » ? par exemple).
Merci à AntM d’avoir fourni un élan de contradiction et ainsi suscité cet échange fort enrichissant.

la Forêt-Noire, qui n’est pas une forêt mais une région, un massif montagneux, est la traduction de der Schwarzwald (où le mot Wald n’est qu’un composant étymologique) et non pas de der schwarze Wald, alors que le fleuve Jaune est bien un fleuve, d’où l’objet des débats.