« leur corps couvert de sueur » ou « leurs corps couverts de sueur » ?
Bonjour,
doit-on écrire :
« les insectes se collaient à leur corps couvert de sueur »
ou « à leurs corps couverts de sueur » ?
(il s’agit de plusieurs protagonistes)
Merci !
Bonjour,
Leur ou leurs ?
Le singulier s’impose quand le nom (dans le contexte où il est employé) n’a pas de pluriel ou quand il n’y a qu’un seul objet pour l’ensemble des possesseurs.
Ces deux enfants ont perdu leur père. (ils sont frères). Ils n’ont qu’un seul père.
Ces deux enfants ont perdu leurs pères (ils sont cousins). Chacun à un père.
Écrivez :
Les insectes se collaient à leurs corps couverts de sueur.
Bonsoir dizaz,
Ici, chaque protagoniste a un corps.
Selon l’Académie française, dans ce genre de cas, le pluriel et le singulier (et non pas uniquement le pluriel) sont corrects.
A cet égard, elle donne l’ex. bien connu des hommes qui ont chacun un chapeau (comme « vos » protagonistes ont chacun un corps), ex. repris par d’autres.
Or, elle écrit ceci à ce sujet sur son site, rubrique « Questions de langue » :
« Leur chapeau ou leurs chapeaux ?
L’usage des meilleurs auteurs hésite entre le singulier et le pluriel (pour le nom et pour le possessif) lorsqu’un nom désigne une réalité dont plusieurs « possesseurs » possèdent chacun un exemplaire : on considère tantôt l’exemplaire de chacun, tantôt l’ensemble des exemplaires. Ainsi : « Mes compagnons, ôtant leur chapeau goudronné […] » (Chateaubriand) ; « Les deux lords […] ôtèrent leurs chapeaux » (Hugo) ; « trois avaient déjà retrouvé leur femme » (Chamson) ; « deux de mes amis et leurs femmes » (Arland). » (C’est moi qui ai graissé.)
On constate très clairement que l’Académie française admet les deux graphies : celle au pluriel (leurs chapeaux , leurs femmes) et celle au singulier (leur chapeau ; leur femme). Dans son Dictionnaire, elle donne, à l’article « II. LEUR, adjectif possessif », cet exemple : « Ils ont pris leur chapeau et leur manteau. »
Tous ces ex. correspondent à votre phrase, puisque, dans tous les cas, il y a plusieurs personnes (compagnons, lords, maris, amis, hommes, protagonistes) qui ont chacune « un exemplaire de la même chose » (comme écrit le Bon usage) : un chapeau, une femme, à nouveau un chapeau, un manteau, un corps).
Dès lors, il faut appliquer à votre phrase la règle ci-dessus, donnée par l’Académie française (le singulier et le pluriel sont admis), ce qui conduit à admettre les deux graphies suivantes :
– « les insectes se collaient à leur corps couvert de sueur » ;
– « les insectes se collaient à leurs corps couverts de sueur ».
J’ajoute que l’exemple « Ces deux enfants ont perdu leur père. (ils sont frères). Ils n’ont qu’un seul père. » n’est nullement probant en ce qui concerne votre phrase puisque celle-ci correspond au cas où les personnes considérés (les protagonistes) ont chacune une chose (un corps), alors que l’exemple correspond au cas où les personnes (les deux frères) ont la même personne (un père) en commun ! (On est tous d’accord en ce qui concerne ce dernier cas ==> leur père).
L’académie française (service du dictionnaire) m’a d’ailleurs donné raison pour un cas semblable (cf. son courriel cité in extenso dans la très récente et intéressante discussion intitulée « Leur + pluriel »).
N.B. Leur (au singulier) n’est pas équivoque dans votre phrase (chaque protagoniste ne possède qu’un corps). Comme dans ils ôtèrent leur chapeau, ils ouvrent leur parapluie, ils sortent avec leur fiancée, ils regardent leur montre. Il n’y a donc pas d’équivoque qui pourrait
conduire à choisir ici plutôt le pluriel (leurs corps) pour la lever.
A vrai dire, comme l’écrit J. Hanse , « la logique pure est incapable de trancher. Contre l’emploi du singulier, on pourra dire : N’ont-ils pour eux qu’un parapluie, qu’une fiancée, qu’une montre ? Mais contre l’emploi du pluriel : Ont-ils chacun plusieurs parapluies, etc. C’est pourquoi depuis des siècles l’usage hésite et laisse en général le choix. » (Cf. le dict. des difficultés de cet éminent grammairien, 3e éd., p. 41.)
C’est sans doute aussi pourquoi l’Académie et toutes les grammaires consultées (par ex., C. Fairon, A.-C. Simon : Le petit bon usage, oct. 2018, p. 135) offrent le choix.
Bien sûr, dans certains cas, leurs s’impose. Par ex. : Les filles rangent leurs affaires ; elles musclent leurs jambes (plusieurs personnes avec plusieurs choses par personne ; mais là, on sort du champ de « votre » cas, où il y a plusieurs personnes avec une seule « chose » par personne (un corps).
Bonne soirée. 🙂
Vous avez écrit :
J’ajoute que l’exemple « Ces deux enfants ont perdu leur père. (ils sont frères). Ils n’ont qu’un seul père. » n’est nullement probant en ce qui concerne votre phrase puisque celle-ci correspond au cas où les personnes considérés (les protagonistes) ont chacune une chose (un corps), alors que l’exemple correspond au cas où les personnes (les deux frères) ont la même personne (un père) en commun ! (On est tous d’accord en ce qui concerne ce dernier cas ==> leur père).
Savez-vous que ces exemples sont extraits du livre : Dictionnaire des difficultés de la langue française ─ A.V. Thomas.
Oui, p. 240 de l’edition de 1992. Mais, comme je l’ai écrit, les deux cas sont différents, puisque dans celui ci-dessus les personnes concernées ont une « chose » EN COMMUN (leur père) et que dans la phrase soumise les personnes considérées ont CHACUNE UNE «CHOSE » (un corps) et NON PAS UNE « CHOSE » (un corps donc) EN COMMUN !
J’apprécie vos contributions en général, mais au présent cas, je ne vois pas bien pourquoi vous insistez puisque l’Académie française (Service du dictionnaire) a confirmé le bien-fondé de ma position dans un cas semblable (le singulier et le pluriel sont possibles) par courriel (dont j’ai reproduit le texte sur ce forum très récemment).