les participes passés

Bonjour,

La phrase qui attire mon attention est tirée d’une traduction d’un livre de Joyce Maynard : « Il y en avait des tas que je ne lui avais jamais vu porter » (sous-entendu des vêtements) dit le narrateur en parlant de sa mère.

Alors je ne vois pas d’erreur dans cette phrase, parce que « lui » est COI. Mais je m’interroge. Aurions-nous pu dire : « Il y en avait des tas que je ne l’avais jamais vue porter« . Dans ce cas « l' » est COD, et désignant une femme qui fait l’action du « porter » (ou de ne pas porter), vu s’accorde alors au féminin.

Pouvez-vous me dire si mon raisonnement est juste ?

Bonne soirée,
Karine

karine Aubry Érudit Demandé le 21 avril 2024 dans Accords

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3 réponse(s)
 

Question intéressante et peu courante.
L’accord n’est en effet que la résultante de la construction atypique du verbe voir , qui est surprenante bien qu’ancienne et courante (voir ICI une grand nombre d’emplois). Je joins en fin de réponse un extrait du TLF-CNRTL qui permet de mieux la comprendre.
On peut donc écrire « Je ne le vois pas faire quelque chose »  (construction directe) ou « Je ne lui vois pas faire quelque chose » (construction indirecte). La seconde forme, en dehors du fait d’imaginer plutôt que de voir « de ses yeux », semble aussi indiquer l’habitude, la répétition.

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Extrait du TLF 
III. − [La perception passe par un autre sens que celui de la vue]
B. −
2. Cour. [Voir est utilisé par suite de la primauté de la vue sur les autres sens dans l’expérience hum.]
a) Constater que.
Je voudrais lui voir dire du Baudelaire, ou des scènes de Monnier comme L’Exécution (GONCOURTJournal, 1894, p. 603)

Voir qqc. à qqn.Ce n’est point un caractère à la Louis XI. D’un autre côté, je lui vois les maximes les plus antigénéreuses… Je m’y perds… Se répéterait-il ces maximes, pour servir de digue à ses passions? (StendhalRouge et Noir, 1830, p. 442).
Chambaron Grand maître Répondu le 21 avril 2024

Pourquoi avoir enlevé un point à ce commentaire très intéressant (même s’il ne répond pas directement à la question) ? Je rétablis.

le 22 avril 2024.

So cute ! (Je trouve que ce serait autrement plus classe de rétablir ce qui semble juste sans le clamer haut et fort, mais ce n’est évidemment qu’un avis tout personnel qui n’engage que moi, amen.)

Je comprends que vous vous émouviez de votes négatifs qui vous semblent injustifiés, en revanche – surprenamment, ou peut-être pas tant que ça… – vous restez de marbre devant des votes positifs clairement injustifiés, qui sont – malheureusement pour la crédibilité de ce site et pour les demandeurs – extrêmement fréquents – très récemment, ici et par exemple (bon, heureusement les dommages restent négligeables, ce n’est pas comme si on pratiquait des opération à cœur ouvert ou qu’on lançait des navettes spatiales !).

le 22 avril 2024.

Merci Chambaron.

Toutefois, qu’en est-il de mes accords ? « le tas de vêtements que je lui ai vu porter » mais « le tas de vêtements que je l’ai vue porter ». Sont-ils justes ?

Quant à votre remarque, il semble que plusieurs verbes aient eu une construction avec COI autrefois qu’ils ont perdue dans le langage contemporain usuel. Aucun exemple ne me vient « à froid », mais je ne manquerai pas de vous en faire part lorsque j’en recroiserai.
Amicalement, Karine

karine Aubry Érudit Répondu le 21 avril 2024

Dans le cas d’une construction directe, l’accord du participe passé se fait comme pour tout verbe suivi d’un infinitif, donc avec le C.O.D. antéposé si le sujet fait l’action, ce qui est le cas ici : « le tas de vêtements que je l’ai vue porter » puisque le pronom représente ma mère.
NB : à titre personnel, je pense qu’il s’agit là d’un semi-auxiliaire qui devrait rester invariable (comme avec faire ou laisser) mais ce n’est pas la position dominante.

le 21 avril 2024.

Merci !

le 23 avril 2024.

Vous ne pouvez pas parler de COI ici pour désigner l’agent de l’infinitif. Dites si vous voulez « pronom de type COI », ou plus clairement « pronom au datif ».
Il n’y a pas de construction indirecte dans votre phrase. Si « on l’a vue porter un chapeau » est mis pour « on a vu Marie porter un chapeau », en revanche « on lui a vu porter un chapeau » n’est pas mis pour « on a vu à Marie porter un chapeau ».
Dans « le chapeau que je lui ai vu porter ce matin », le pronom datif « lui » est agent de l’infinitif, il n’est pas mis pour « à elle », et il n’est pas complément d’objet.
Il y a de nombreux cas où l’agent de l’infinitif est exprimé par un pronom datif et non par un pronom accusatif : « je le fais boire ; je lui fais boire de l’eau ».
Et la construction avec un datif s’utilise sans problème dans des sens concrets et datés : « ce midi, je lui ai entendu dire qu’il aimait le poivre », ou sous la plume d’Hugo : « puis, ce coup d’œil jeté, Gringoire lui avait vu faire cette petite moue qu’il avait déjà remarquée ».

Dans le cas de la construction avec le pronom datif « lui », vous percevez que ce pronom agent de l’infinitif n’est pas COD de « voir », il ne commande aucun accord.
Mais dans le cas de la construction avec le pronom accusatif « la », ce pronom, toujours agent de l’infinitif, devient-il par magie COD de « voir » ? Non, pas du tout, mais on fait semblant.

Au présent, pour mieux voir le pronom, pour mieux voir la construction active et concrète, et pour ne pas avoir de problème d’accord :
0) Dans « c’est la première fois que je vois Marie porter un chapeau », le COD de « voir » est la proposition infinitive « Marie porter un chapeau ».
1) Dans « c’est la première fois que je la vois porter un chapeau », le COD de « voir » est « la »+ « porter un chapeau ».
2) Dans « c’est la première fois que je lui vois porter un chapeau », le COD de « voir » est « lui »+ « porter un chapeau ».
Ou au passé composé :
0) Dans « ce matin j’ai vu Marie porter un chapeau », le COD de « voir » est la proposition infinitive « Marie porter un chapeau ».
1) Dans « ce matin je l’ai vue porter un chapeau », le COD de « voir » est « l' »+ « porter un chapeau ».
2) Dans « ce matin je lui ai vu porter un chapeau », le COD de « voir » est « lui »+ « porter un chapeau ».

Dans les cas 1 et 2, l’application de la règle de l’accord avec le COD antéposé est impossible, puisque ce COD est éclaté de part et d’autre du participe passé, et que de toute façon ce COD étant une proposition, il est neutre et n’entraîne aucun accord.

Et cependant,
1) Dans « je la vois porter un chapeau », certains enseignants disent que le COD de « voir » est « la » (mais sans nous donner la fonction dans cette phrase de « porter un chapeau », s’il ne fait plus partie du COD). La phrase se conçoit alors comme si elle voulait dire « je la vois, et elle porte un chapeau », et à un temps composé « je l’ai vue, et elle portait un chapeau ». Donc avec accord : « je l’ai vue porter un chapeau ».
2) Et dans « je lui vois porter un chapeau », ces mêmes enseignants disent que le COD de « voir » est « porter un chapeau » (tout en reconnaissant quand même que « lui » en est le complément d’agent. Donc sans accord : je lui ai vu porter un chapeau.
C’est absurde, c’est arbitraire, mais après tout, l’arbitraire n’est pas si grave. Ce qui est plus gênant c’est de tricher en appelant COD un pronom qui n’est que l’agent de la proposition infinitive COD. Puisque la règle de l’accord est arbitraire, il est inutile de la justifier dans ce cas précis. Il suffirait de dire que l’agent de l’infinitif à l’accusatif commande l’accord, et que l’agent de l’infinitif au datif ne le commande pas.

CParlotte Grand maître Répondu le 22 avril 2024

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