« le peu de… » + verbe
Bonjour,
« Il avait perdu presque toutes ses dents. Le peu qui lui restait / restaient étaient toutes noires. »
Faut-il accorder le verbe rester avec « les dents » ou « le peu » ?
Merci pour votre réponse.
Voici ce que nous dit la BDL :
l’expression le peu de, peut avoir deux sens : « l’insuffisance, le manque de » ou bien « la quantité nécessaire, suffisante de ».
Le verbe qui accompagne le peu de au sens de « l’insuffisance de » reste au singulier.
– Le peu de reconnaissance qu’ils lui manifestèrent fut déterminant dans sa décision de partir. (Le peu de… fut déterminant.)
– Le peu de règles de grammaire qu’elles connaissent a nui à leur succès.
– Le peu de signatures d’appui que les responsables ont recueilli les a incités à tout abandonner. (Accord du participe passé recueilli avec le peu de au singulier; le peu de… a incité les responsables.)
Le verbe qui accompagne le peu de au sens de « la quantité suffisante de » s’accorde avec le complément qui suit cette expression.
– Le peu de votes favorables que le comité d’organisation a reçus l’ont encouragé à poursuivre son action. (Accord du participe passé reçu avec les votes favorables; les votes favorables… ont encouragé…
– Le peu de règles de grammaire qu’elles connaissent leur ont permis de réussir l’examen
Certains auteurs proposent de faire l’accord avec le peu si la petite quantité est l’idée dominante, et avec le nom complément dans les autres cas (où le peu de n’a que le sens de « quelques »).
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Dans le cas que vous citez, on pourrait remplacer « le peu de » par » les quelques » :
Il avait perdu presque toutes ses dents. Les quelques dents qui lui restaient étaient toutes noires
» Il avait perdu presque toutes ses dents. Le peu qui lui restait / restaient étaient toutes noires. »
Quand on peut remplacer « le peu de » par « l’insuffisance de », on fait l’accord avec « peu » : verbe au singulier, adj. et PP au masc. sing.
Quand « le peu de » a le sens de « la quantité faible de« , on accorde avec le nom : le peu de lettres que j’ai reçu me décourage« . « Le peu de ressources qui existent sont suffisantes. »
Jean Girodet, Dictionnaire Bordas des pièges et difficultés de la langue française, 1988, p. 588.
Conclusion : on écrira : Il avait perdu presque toutes ses dents. Le peu [de dents] qui lui restaient étaient toutes noires. »
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Ah mais on est d’accord alors..
A) Sans ellipse
Vous pouvez vous interroger sur la conjugaison de « étaient » selon le sens de « le peu ».
Mettons provisoirement un pronom relatif COD, qui ne joue pas sur la conjugaison.
Le peu de dents qu’il avait étaient noires. « Le peu de dents » est au féminin pluriel, « le peu » servant de déterminant.
Le peu de dents qu’il avait était suffisant pour manger. « Le peu de dents » est au masculin singulier, sur la base de « le peu ».
Ce choix, vous l’avez compris et vous l’avez fait puisque vous ne posez pas la question sur « étaient ».
Vous avez décidé, car le sens l’impose, que « le peu de dents » est au pluriel.
Puisque votre choix est fait sur la principale, ce choix s’impose aussi à la relative avec un pronom sujet : il faut conjuguer « rester » comme « être », donc au pluriel. On ne peut pas imaginer que « le peu de dents » n’ait pas le même sens pour deux verbes qui se suivent.
Le peu de dents qui lui restaient étaient noires.
Le peu de dents qui lui restait était suffisant pour manger.
Note. Peut-être que c’est la possibilité d’une tournure impersonnelle qui vous a fait hésiter ? On peut en effet écrire :
Le peu de dents qu’il lui restait étaient noires.
B) Avec ellipse
Maintenant, il y a le problème de votre ellipse de « de dents ». Ne pas répéter un complément du nom est possible (la part de tarte, la part, cette part). Mais faire l’ellipse du mot important avec « le peu », c’est pour le moins litigieux.
Le peu de pommes que j’ai mangé m’a suffi, ok.
Le peu de pommes que j’ai mangées m’ont rassasié, ok.
Mais « le peu m’a suffi », « le peu m’ont rassasié », le peu quoi ?
Vous voyez bien qu’il manque quelque chose.
Votre ellipse n’est pas valide.
Vous pourriez profiter de votre relative pour introduire le pronom « en » reprenant « de pommes ».
Le peu que j’en ai mangé m’a suffi.
Le peu que j’en ai mangées m’ont rassasié.
Attention, il ne s’agit pas d’un partitif, mais d’une reprise de ce qui suit « le peu ».
Pareil avec les dents.
Les dents ? Le peu qui lui en restait était suffisant pour manger.
Les dents ? Le peu qui lui en restaient étaient noires.
Les dents ? Le peu qu’il lui en restait étaient noires.
Avec le verbe rester, j’ai toujours considéré que c’est cette dernière forme qui est la bonne, car deux dents ne restent pas, sans complément, même si ce n’est pas syntaxiquement condamnable. On veut dire qu’il reste deux dents.
Merci beaucoup pour vos réponses. C’est clair à présent.