L’adjectif « exquis » se place-t-il avant ou après le nom ?
Je pensais que l’adjectif allait après le nom.
Mais, dans le roman de Yourcenar, il y a une phrase comme ça:
Grâce à lui, Ling connut la beauté des faces de buveurs estompées par la fumée des boissons chaudes, la splendeur brune des viandes inégalement léchées par les coups de langue du feu, et l’exquise roseur des taches de vin parsemant les nappes comme des pétales fanés.
Dans ce cas, pourquoi « exquise » vient-il avant « roseur » ?
Il y a aussi des exemples où « exquis » va après le nom, comme « un repas exquis »
L’adjectif exquis peut en effet se placer avant ou après le nom.
Lorsque le mot exquis qualifie un objet, il est toujours mis après le nom : on parle d’un gâteau exquis, d’un vin exquis, d’un parfum exquis…
Lorsque qu’il exprime une qualité morale ou une appréciation morale (et plus seulement sensuelle) il peut se placer avant le nom* : une exquise personne, une exquise conversation... mais ce n’est pas obligatoire. Si on le fait, c’est précisément pour souligner cet aspect moral ou pour une mise en relief. La poésie et la prose poétique pratiquent beaucoup cette inversion de l’adjectif.
A l’écrit, on le fait aussi pour une question de rythme.
C’est le cas de beaucoup d’adjectifs : comparez un homme grand (taille) et un grand homme (valeur).
—> dans le cas dont il est question, « l’exquise roseur », la place de l’adjectif et le nom abstrait qu’il accompagne -roseur (et non rose)*- transforment ces taches de vin sur la nappe en quelque chose d’esthétique, ce qu’intensifie la comparaison « comme des pétales fanés ».
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Vous voyez la différence existant entre « rose » et « roseur » :
Le suffixe -eur venant du suffixe latin -orem ajouté à des adjectifs, ce suffixe produit des noms abstraits de genre féminin. ampleur, longueur, noirceur, raideur, rondeur, etc.
(Source GREVISSE, Maurice (1993). Le bon usage, 13e éd. rev. et corr., éd. refond. par André Goosse).
Bonjour,
« La place de l’adjectif dépend de sa construction, de sa formation, de son sens, du nombre de syllabes. »
H. Briet,
Ça dépend.
Le Trésor de la langue française :