La syntaxe de cette phrase est-elle correcte (subordonnée de condition ou complément circonstanciel de temps) ?
– Si l’amour devient illusoire et que la jalousie se fait sentir, se servir de la clef ouvrant la boîte de Pandore, c’est faire fausse route.
C’est une micro-critique du film Mulholland Drive, dont le nom est également celui d’une route de Los Angeles. Il y a dans le film deux éléments très importants qui sont une clef et une boîte bleues. Ce film de David Lynch est parmi les plus mystérieux du 7e art, j’ai donc volontairement tenu à donner un côté mystérieux à ma micro-critique.
Mes questions sont les suivantes :
– Le conditionnel fonctionne-t-il ?
– Quel usage choisir entre « Si… et que » et « si… et si » ?
– Est-ce que « se servir de la clef ouvrant la boîte de Pandore, c’est faire fausse route » peut être remplacé par « se servir de la clef ouvrant la boîte de Pandore est faire fausse route. » ?
Si toutefois la subordonnée de condition ne fonctionne pas, alors je propose de la remplacer par le complément circonstanciel « Lorsque l’amour devient illusoire et que la jalousie s’installe ».
– Lorsque l’amour devient illusoire et que la jalousie s’installe, se servir de la clef ouvrant la boîte de Pandore, c’est faire fausse route.
J’imagine qu’il n’y a aucun problème avec le complément circonstanciel de temps ?
1.
Il n’y a pas de conditionnel dans votre phrase. Si vous l’avez supprimé, vous avez eu raison. Vous ne faites pas d’hypothèse mais de l’étude de cas : Si (quand) ça se passe comme ça, il convient d’agir ainsi. Et si je vous dis que c’est comme ça, c’est que c’est comme ça. Pas d’hypothèse, pas de conditionnel.
2.
« Si… et que… » permet de considérer deux critéres en même temps.
Cas du « si » hypothétique absolu : Imparfait (dont nous savons très bien que ce n’est pas un temps du passé mais juste un temps imposé par le « si » hypothétique) + subjonctif présent (présent parce rien ne justifie le passé, subjonctif parce que c’est une des formes de l’hypothèse) et conséquence au conditionnel présent :
S’il se levait et qu’il sorte, je vous préviendrais.
Cas du « si » d’eventualité future : Présent (dans un sens de futur proche) + présent (dans un sens de futur proche) et conséquence à l’indicatif futur, ou à l’impératif, ou au présent intemporel comme dans votre exemple :
S’il se lève et qu’il sort, je vous préviendrai. S’il se lève et qu’il sort, prévenez-moi. S’il se lève et qu’il sort, alors c’est que tout fonctionne.
« Si… et si… » peut vouloir dire la même chose, mais d’une part c’est réputé moins élégant, et d’autre part il existe un risque d’ambiguïté. Je dois vous prévenir s’il se lève, et je dois vous prévenir s’il sort. Je dois vous prévenir, s’il se lève, et s’il sort. Faut-il qu’il fasse les deux ? Ou une seule de ces actions suffit ? Je pense ce cas d’ambiguïté rare, mais il est envisageable. Je dirais que cette tournure existe dans la langue courante (je vous préviens s’il se lève et s’il sort), mais elle n’apporte rien de plus. Transposé au passé, elle permet malgré tout d’éviter le subjonctif imparfait : « Je devais pous prévenir s’il se levait et qu’il sortît » se remplace avantageusement par un double si : « Je devais vous prévenir s’il se levait et s’il sortait. »
Note.
Le « quand » est plus inexorable que le « si ». Si votre « si » veut dire « quand », si on entre dans l’évocation des sentiments, je trouve plus expressif d’écrire « quand », de trouver de nouveaux mots, de mutualiser un verbe, de transformer les adjectifs en substantifs ou l’inverse, de chercher le néologisme, d’inverser substantif et verbe… de tout ramasser en des formules plus condensées et moins analytiques que « l’un devient ceci et l’autre cela se fait sentir », juste en jonglant avec quelques mots : Si l’amour devient illusoire et que la jalousie se fait sentir… Quand l’amour s’illusionne et que poind la jalousie… Quand l’aimé devient illusion et l’amour jalousie… Quand la jalousie a terrassé l’amour… Quand aimer n’est plus que jalouser… Quand aimer c’est fini, quand jalouser commmence… Quand l’oeil amoureux le cède au regard jaloux… Quand le souvenir d’aimer se nomme jalouser… Quand l’amour explose en triste jalousie… Quand s’évanouit l’amour devant le sentiment jaloux… En gros, on mélange les dés, on fait des phrases, et on finit par trouver la bonne. Il faut visualiser, faut que ça arrache les tripes, bon Dieu ! Puis on ajoute l’adverbe : Quand doucement l’amour se mue en jalousie (alexandrin too much)… Quand inexorablement…
3.
« se servir de la clef ouvrant la boîte de Pandore, c’est faire fausse route. »
« se servir de la clef ouvrant la boîte de Pandore est faire fausse route. »
Les deux sont bons. Sont-ils totalement équivalents ? Pour moi oui, mais les phrases totalement équivalentes ça n’existe pas.
Le sens voulu serait-il : « c’est faire fausse route que de se servir de la clef ouvrant la boîte de Pandore. »
Et j’ajoute ces suggestions :
– « se fourvoyer » plutôt que « faire fausse route » (mais le mot route semble important)
– « utiliser la clef pour ouvrir » plutôt que « se servir de la clef pour ouvrir »
– « ouvrir de sa clef la boîte… », ou un beau mot mécanique : « mettre la clé dans la serrure », « actionner la clé », « faire jouer la clé »…
Bonjour Juliano,
Ce que je trouve simplement un peu lourd dans votre phrase, c’est « se servir de la clef ouvrant la boîte de Pandore ».
« Se servir de la clef ouvrant la boîte », c’est « ouvrir la boîte », non ? Est-ce une simple périphrase ou pensiez-vous à une autre utilisation de la clef ? (Par ailleurs je ne vous suggère pas d’écrire « ouvrir la boîte », qui est un peu bref pour le coup, mais éventuellement de réfléchir à une autre reformulation.)
— La porte de ma maison est fermée.
— Sers-toi de la clef ouvrant la porte de ta maison.
Bonjour, David91.
1. Oui, en fait je ne sais pas pourquoi j’ai parlé de conditionnel, sûrement à cause du « si ».
2. Je trouve également bien plus élégant le « si… et que ». Merci pour le rappel des différents cas. Habituellement, j’utilise plutôt « quand », « lorsque », « dans », mais j’ai voulu changer, car on m’a fait le reproche de souvent commencer mes phrases par « dans ». Comme j’évoque des films, cela me semble naturel de donner une part importante au lieu pour l’ambiance ou encore évoquer des situations. Pour le néologisme, cela peut-être à double tranchant je trouve, car on peut s’éloigner du sens défini par les grands dictionnaires. Vos exemples pour poétiser le complément sont très bons, je recours parfois à l’inversion sujet/verbe et je pense que je vais y céder. Je tiens à garder le mot illusion ou illusoire (mot clef du film). Je vais travailler sur ce complément et je reviendrai répondre sous ce sujet. J’aime bien :
– Quand s’illusionne la passion amoureuse et que point la jalousie , mais je ne pense pas que cela soit la passion amoureuse ou l’amour qui s’illusionne (j’ai cherché dans différents dictionnaires).
– Quand illusoire devient la passion et que point la jalousie, je vais en chercher d’autres et faire au mieux pour que cela arrache les trippes comme vous dîtes à juste titre 😉
3. La virgule dans « , c’est faire fausse route » permet de mieux rythmer la phrase. Le sens voulu est bien celui-là. Effectivement, Mulholland Drive est le titre du film et une route de Los Angeles qui joue un rôle majeur, donc je veux conserver ce mot. J’avais pensé d’abord à « utiliser », puis à « se servir de » et finalement j’ai bien envie de choisir « recourir », mais le nombre de caractères qui restera à ma disposition influencera mon choix.
Merci beaucoup pour cette réponse.
Bonjour, veso.
Ouvrir la boîte de Pandore, c’est déclencher imprudemment une série d’événements nocifs inarrêtables ou presque (Wiktionnaire).
Le mot clef est peut-être le plus important, car dans l’intrigue du film cette clef joue un rôle fondamental. Vous pouvez chercher sur le web les images correspondantes à « Mulholland Drive clef bleue », vous y verrez également la boîte dont il est question.
Je vous redirige vers le 3. de ma réponse précédente, mais plutôt que « ouvrant » je vais peut-être choisir « pour ouvrir ». Le nombre de caractères va jouer un grand rôle.
Merci.
Bonsoir, j’hésite pour le moment sur ces 4 versions :
1- Quand illusoire devient la passion amoureuse et que point la jalousie, utiliser la clef ouvrant la boîte de Pandore est faire fausse route.
2- Quand la passion amoureuse illusionne et que point la jalousie, utiliser la clef ouvrant la boîte de Pandore, c’est faire fausse route.
3- Quand la passion amoureuse devient illusoire et éveille la jalousie, utiliser la clef ouvrant la boîte de Pandore est faire fausse route.
4- Quand la passion amoureuse devient illusoire et éveille la jalousie, utiliser la clef ouvrant la boîte de Pandore, c’est faire fausse route.
Qu’en pensez-vous ?
Je pensais bêtement que l’indicatif présent de poindre était poind, mais non, c’est point comme vous l’écrivez. J’étais trop concentré à éviter « le soleil pointe » au lieu de « le soleil point ». Sur les bons mots et styles à utiliser, je ne sais pas. J’aime bien disséquer les phrases, mais quand je tente la littérature, je passe du mécanique à l’amphigourique sans trouver le juste milieu. Donc je ne donne pas d’avis. Il faudrait demander à ma mère.
David91, j’ai aussi cru, mais en vérifiant, c’était bien « point ». Je comprends pour l’avis, merci quand même.