La syntaxe de cette phrase est-elle correcte ?
– L’ombre d’une main gantée plane parmi les classes huppées de la société.
Le contexte est un film très méconnu The unsuspected (1947) de Michael Curtiz. La main gantée est celle d’un tueur qui œuvre parmi les classes huppées. L’ombre étant très utilisée dans la mise en scène, j’ai choisi cette métaphore comme une menace qui plane au-dessus de ces classes huppées.
Bref, j’hésite surtout sur la syntaxe de « les classes huppées de la société ». J’ai appris récemment qu’il fallait éviter d’insérer un adjectif entre un substantif et un complément du nom, mais l’antéposé de préférence ou le mettre à la fin.
En revanche, je ne crois pas qu’on puisse parler « des classes de la société », mais « des classes sociales ». Je me vois également mal écrire « les huppées classes de la société » ou même « les classes sociales huppées ».
Sans dénaturer l’expression de départ « les classes huppées de la société », selon vous quelle est la meilleure formulation si celle-là n’était pas correcte ?
Petite question bonus, j’ai également écrit dans une autre partie « le masque de l’insoupçonné tombe » (la traduction de The unsuspected). Cependant, peut-on utiliser « un insoupçonné » comme un substantif ? Le dictionnaire de l’Académie française n’étant plus consultable, j’ai un doute.
L’ombre d’une main gantée plane parmi les classes huppées de la société.
L’ombre d’une main gantée : j’ai une réflexion, une ombre étant par définition une forme peu définie, il est difficile de voir si elle est gantée.
Les classes huppées de la société ou les classes sociales huppées : ces deux formulations me paraissent correctes, je ne comprends pas votre réticence pour la seconde.
Insoupçonné : c’est un adjectif,
Le CNRTL cite un emploi substantif masculin singulier à valeur de neutre. « Il me révèle toujours du neuf, de l’insoupçonné, du jamais vu ! » (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1373).
Bonsoir Juliano, aucun problème pour moi quant à la syntaxe ni à la signification de cette phrase, parfaitement correcte et précisément évocatrice. Peut-être vous posez-vous un peu trop de questions par rapport à de supposées règles qui régiraient la position des adjectifs, substantifs et compléments. Gardez à l’esprit que ces « règles » sont principalement dictées par l’usage et non l’inverse.
Votre question bonus nous ramène à une discussion que nous avons eue récemment sur la (supposée) substantivation de certains adjectifs. Sans vouloir entamer un nouveau débat (car il commence à se faire tard), je dirais juste que pour moi la formulation « le » + participe passé à la voix passive (comme « Les Damnés », « L’Incompris » — et donc « L’Insoupçonné ») sont d’emblée correctes sans nécessiter que le participe passé y soit attesté comme substantif (« le » ayant alors une fonction pronominale au sens de « celui qui est », et le participe passé gardant sa fonction d’adjectif).
Juliano a écrit :
« J’ai pu vérifier sur le dictionnaire de l’Académie française, « insoupçonné » n’est pas mentionné comme un possible substantif. »
Oui. Pour enrichir ton info, je signale que le Trésor de la langue française a enregistré :
« Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Il me révèle toujours du neuf, de l’insoupçonné, du jamais vu! (MARTIN DU G., Notes Gide, 1951, p. 1373). »
(TLFi, s.v. Insoupçonné , -ée, adj.)
Le troisième plus grand dictionnaire de langue générale actuel vient prêter main forte au GR :
© 2017 Dictionnaires Le Robert – Le Grand Robert de la langue française »
(C’est moi qui ai graissé.)
Cela dit, on note qu’insoupçonné est retenu avec une valeur de neutre ; de plus, il est de ton droit, bien évidemment, de donner la préférence au Dictionnaire de l’Académie française.
Par ailleurs, je te signale aussi que le terme officiel pour l’anglicisme « bug » est bogue :
« bogue, n.m.
Journal officiel du 22/09/2000
Domaine : INFORMATIQUE
Définition : Défaut de conception ou de réalisation se manifestant par des anomalies de fonctionnement.
Voir aussi : débogage, déboguer, débogueur
Équivalent étranger : « bug » (en) »
Source : France Terme
J., néologue, ancien expert auprès de l’ex-Commission de terminologie et de néologie
Cordialement
Bonsoir, joelle.
Je sais que la main est gantée, car on la voit dans le film, ainsi que son ombre (de mémoire). Bien évidemment en voyant seulement une ombre, on aurait du mal à deviner que cette main est gantée, mais comme c’est parfaitement visible pour le spectateur, je ne vois pas de problème de donner une précision supplémentaire.
Je ne sais pas, c’est vrai qu’en y réfléchissant, il est tout à fait possible d’avoir deux adjectifs antéposés ou postposés, donc oui l’usage me semble correcte.
J’ai pu vérifié sur plusieurs dictionnaires, et comme vous, j’ai vu cela sur le CNRTL et j’ai aussi vu que Le Parisien (sensAgent) en parlait comme nominal.
http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/insoup%C3%A7onn%C3%A9/fr-fr/
Je vérifie habituellement sur le dictionnaire de l’Académie française, mais hélas, il semble en panne. Je ne comprends pas d’ailleurs que certains dictionnaires ne citent pas les différences d’emploi. Par exemple, « insociable » est décrit comme un adjectif sur presque tous les dicos, mais l’Académie française fait bien mention d’une utilisation en tant que substantif, bien que très rare. Par conséquent, pensez-vous que « le masque de l’insoupçonné tombe » est incorrecte ?
Non, je pense que ce n’est pas correct.
D’accord, je vais attendre le retour du dictionnaire de l’Académie française avant de confirmer, mais c’est fort possible.
Bonjour,
Je trouve la phrase non seulement correcte mais harmonieuse et équilibrée.
Par contre (je péfère « par contre » et j’y tiens, bien que les puristes recommandent » en revanche « . Rien ne peut remplacer » par contre »), je me demande si on peut faire précéder » méconnu » de » très » pour dire très méconnu.
Je ne vois, quant à moi, aucune différence entre » classes sociales » et « classes de la société »
Cela pour donner mon avis sur les questions posées.
Maintenant, un petit hors sujet à l’adresse de tout le monde pour dire ce qui me tient à coeur depuis quelques semaines. Il est absolument nécessaire de bien connaître les règles de grammaire, mais on ne maîtrise jamais une langue en scrutant à la loupe les « curiosités » de la grammaire ou en appliquant mécaniquement ses règles. Ce serait trop facile, cela pourrait même faire écrire des monstruosités. Il ne sert à rien, et c’est perdre son temps, que de s’interroger sur une virgule ou un S controversés, quand on est encore incapable de comprendre ou d’écrire correctement une phrase ou un petit paragraphe.
Seule la lecture, beaucoup de lecture…
Bonsoir, Brad.
J’imagine qu’il faut prendre la première partie de votre réponse comme un compliment, mais la dernière comme une petit pique ?
Je ne vois pas de problème avec « très méconnu ». Il est vrai que si je suivais un site à la lettre, il me serait conseillé d’écrire « les huppées classes de la société » ce qui ne passe pas du tout à l’oreille ». J’imagine que « classes » pouvant aussi être adjectif, il y a un problème du fait de l’inversion.
Pour la lecture, j’imagine bien que les écrivains se posent justement beaucoup de questions. Tout comme les sociétés d’éditions qui doivent quand même plus que relire le contenu avant qu’un livre soit édité.
Les règles de grammaire ne sont pas caprices de grammairiens. Les règles sont utiles, nécessaires et permettent de bien écrire, encore faut-il les interpréter correctement et savoir où, quand et comment les appliquer.
Il m’étonnerait donc que la grammaire vous ait conseillé d’écrire » les huppés classes de la société « , sauf si vous avez consulté un manuel de mandarin.
Oui, les écrivains s’interrogent, mais ils ont beaucoup lu et beaucoup écrit. Ils ne sont pas devenus écrivains en tourmentant à tort et à travers les mouches grammaticales.
Nous ne devons pas prendre prétexte de règles, au demeurant mal comprises, pour écrire des aberrations ou pour poser de fausses questions. Du moins, cela ne devrait pas dévenir une marotte, un jeu, ou une façon de se faire passer pour un érudit ou pour trouver des colles à coller à ses amis.
Ce que vous semblez ignorer, c’est qu’on ne construit pas une phrase en utilisant une règle ; ce ne sont sont les règles qui ont fait la langue, la langue n’est pas issue, pas déduite des règles. C’est le contraire, c’est la langue qui a donné naissance aux règles. On écrit une phrase et on la confronte aux règles, on ne prend pas une règle de grammaire pour écrire une phrase.
Je préfère gagner du temps et ne pas répondre. Allez donc vous énerver ailleurs, moi, je suis calme.
Bonsoir, ChristianF.
Oui, les virgules et surtout les adjectifs sont mes hantises du moment 😀 J’ai repassé bon nombre de mes critiques écrites par le passé, je m’interroge sur une vingtaine, la plupart quant au placement de l’adjectif par rapport au nom, avec ou sans complément. Je préfère partager mes doutes sur le site, même si ça devient vite chronophage. J’enchaine tellement les critiques cette année que c’est compliqué de suivre le rythme que je m’impose. C’est aussi dû au fait que j’ai écrit longuement sans trop me poser de questions et que je corrige les anciennes. Merci pour le compliment sur cette phrase, j’essaie souvent de retranscrire l’ambiance d’un film par ces quelques mots. Je maintiens le cap cette année, mais je devrais nettement ralentir en 2019.
Pour la question bonus, je trouve votre réflexion très intéressante. J’espère que le dictionnaire de l’Académie française en parlera même comme d’un substantif. Je m’en sers beaucoup, le bug m’embête. D’ailleurs, je vais revoir le film cette semaine et je me demande de plus en plus si je n’ai pas repris le terme « l’insoupçonné » dans les sous-titres du film. The unsuspected étant également le titre.
Merci et bonne nuit 😉
Joelle, Christian.
J’ai pu vérifier sur le dictionnaire de l’Académie française, « insoupçonné » n’est pas mentionné comme un possible substantif.
Je vais donc modifier en disant : « le masque de l’individu insoupçonnable. «
Avec ma limite de caractères, j’ai choisi de supprimer « de la société » devant le groupe « les classes huppées », qui se suffit à lui-même.
Merci à vous.
Bonsoir, Prince.
J’ai vu l’emploi comme substantif sur l’un des deux dictionnaires, mais effectivement je les utilise peu. C’est aussi une question d’habitude, je privilégie celui de l’Académie française, je remercie d’ailleurs Christian de me l’avoir fait découvrir 😉 (« il éclôt » toujours signalé comme une faute ici, mais modifié dans la 9e édition). J’aime beaucoup utilisé le wiktionnaire, très bien présenté, très complet. Il offre en plus la nuance des mots avec majuscule ou minuscule. Comme vous l’avez souligné, la valeur de neutre ne correspond pas à mon cas, vu que je parle d’une personne. Merci, pour la précision sur « bogue », même si l’anglicisme est très présent dans le langage informatique.
Cordialement.