Jamais ne s’est/s’est-elle
Bonjour,
J’hésite entre deux tournures qui toutes deux me semblent correctes :
-jamais sa créativité ne s’est-elle autant exprimée que dans ce projet ;
-jamais sa créativité ne s’est autant exprimée que dans ce projet
(la seconde me paraissant moins juste que la première, à l’oreille, mais tout autant syntaxiquement car il est correct de dire : sa créativité ne s’est jamais autant exprimée que dans ce projet).
Aussi, j’en profite pour ajouter une question d’ordre plus générale : étant un grand lecteur, je retiens de nombreuses tournures grammaticales faiblement usitées, mais qui s’imposent intuitivement quand j’écris et dont je doute au moment de la relecture. Avez-vous des suggestions pour éviter ces frayeurs et ces interrogations de dernière minute ? Existe-t-il un ouvrage où ces dites tournures sont recensées ? Ou dois-je faire confiance à ma mémoire au risque de blesser certains regards ?
Merci d’avance, je compte sur vos éclaircissements.
Anaximandre
Bonsoir,
Oui, on le peut. Cela fait un peu plus « riche » et cultivé.
À la 3e personne R3 , la consonne ordinairement muette reparaît sous la forme de [t] lorsque le pronom commence par une voyelle : Que savait-il ? [savɛtil]Que voient-ils ? [vwatil]Que prend-on ? [pRɑ̃tɔ̃]Que sait-elle ? [setɛl]
Compte tenu du périmètre de ta demande, il te faut une grammaire complète. Je te cite les deux meilleures sur le marché à mon avis : celle ci-dessus et La Grammaire méthodique du français, par Riegel, Pellat et Rioul, PUF.
La première tournure semble incorrecte… si vous avez quelque explication, je suis preneur.
Je vous ai expliquée pourquoi elle est correcte.
Merci bien. Ceci dit, je ne suis pas sûr de comprendre votre explication. Elle me semble davantage répondre à une question de prononciation qu’à une question de syntaxe, et traiter d’un autre sujet que celui que j’ai exposé (à moins que ?).
Et merci mille fois pour les deux références.
Je ne dirais ni n’écrirais : jamais sa créativité ne s’est-elle autant exprimée que dans ce projet.
L’inversion du sujet est assez discutable avec l’adverbe « jamais ». Elle peut être acceptée uniquement avec le nom. La reprise pronominale est exclue. Voir l’extrait ci-dessous :
—–
Constructions méconnues du français – 9. L’inversion du sujet – Presses de l’Université de Montréal
• avec des adverbes de temps ou de lieu, un syntagme prépositionnel (SP) circonstanciel ou objet indirect ou un adjectif attribut en début de phrase
24Ici, seule l’inversion nominale (17b-e) est possible, les inversions pronominale (17a) et complexe (17f) sont exclues :
17 |
a. |
* Bientôt arrivèrent-ils. |
b. |
Bientôt arrivèrent les premiers invités. |
|
c. |
Sur l’autre rive débutent les beaux quartiers. |
|
d. |
Au fond de la bouteille s’est formé un léger dépôt. |
|
e. |
Grande fut notre déception. |
|
f. |
* Bientôt les premiers invités arrivèrent-ils. |
Liste des expressions pouvant entrainer une inversion : 1º Placés en tête de proposition, certains adverbes ou certaines locutions adverbiales … entraînent – dans la langue soutenue – une inversion du sujet :
ainsi – à peine – à plus forte raison – au mieux – au moins, à tout le moins, du moins, tout au/du moins – au plus, tout au plus – aussi – aussi bien – de même – difficilement – encore – en vain – mieux – peut-être – quand bien même – rarement – sans doute – sitôt, tout juste
—–
Merci pour cette réponse. Elle clarifie certaines intuitions dont je ne connaissais pas les règles exactes. Ceci dit, quelques doutes persistent ; je serai heureux si pouvez les dissiper.
Pour ce qui est de l’inversion du sujet après un adverbe ou une locution adverbiale : avec tous les adverbes et locutions adverbiales licites que vous avez cités, il me semble cette fois-ci que la reprise pronominale s’impose systématiquement, comme dans l’exemple Sans doute Pierre était-il ravi de partir en vacances. Par ailleurs, y a-t-il une explication sémantique à ce groupe restreint, ou s’est-il formé seulement par l’usage ?
Pour ce qui est de l’adverbe jamais en particulier : selon votre explication, la phrase Jamais ne me suis-je autant amusé. (ou encore Je suis heureux d’être parti avec lui, jamais ne me suis-je autant amusé.) n’est pas correcte. Pouvez-vous me le confirmer ? Lisant des romans du XVIIIe siècle ces temps-ci, j’ai l’impression de rencontrer souvent de telles tournures. Celle-ci me paraît plus naturelle que Jamais je ne me suis autant amusé. et ne traduit pas le même implicite que celle-là : Je ne me suis jamais autant amusé. (Naturelle à l’écrit s’entend.)
Merci encore.
Sans doute Pierre était-il ravi de partir en vacances/ Sans doute Pierre était ravi de partir en vacances. : les deux formulations sont correctes.
L’inversion n’est pas obligatoire.
Est-ce l’usage et rien que l’usage qui permet l’inversion du sujet après certains adverbes ? Je ne suis pas sûre. Il y a peut-être dans cette inversion, une couleur interrogative. Tous ces adverbe implique qu’on pense au contraire de ce que la phrase énonce.
Et justement, est-ce le cas pour « jamais » ? Je pense que cela se discute et dépend essentiellement du contexte.
Jamais ne s’était-elle autant amusée, par exemple, me semble artificiel/ L’inversion est-elle incorrecte pour autant ? Je ne le dirai pas. Le contexte peut trancher…