‘Il y a que’ + action achevée, c’est possible ?
Bonjour,
La phrase ci-dessous est-elle correcte ?
« Il y a 3 semaines que nous avons célébré son anniversaire. »
Je me demande s’il est possible d’associer une action achevée avec « il y a que ».
Cela me parait correct, mais je lis que « il y a que » a le sens de « depuis »…
Merci d’avance pour votre éclairage.
Bonsoir,
L’expression Il y a marque à rebours un repère temporel par la durée écoulée depuis ce repère : « Il y a trois semaines, nous avons célébré son anniversaire. » Le verbe de la 2e proposition est normalement conjugué au passé.
La construction Il y a … que, équivalente à depuis, marque la période écoulée depuis une certaine durée : « Il y a trois semaines que nous continuons à manger les restes de son gâteau. » « Il y a deux ans que nous attendons. » Le verbe de la subordonnée est habituellement conjugué au présent.
Vous pouvez néanmoins faire référence à une action achevée s’il s’agit de mettre en valeur la durée écoulée : « Il y a trois semaines que nous avons célébré son anniversaire. Il ne nous a toujours pas dit s’il avait réussi à échanger ses cadeaux. » équivalente à « Depuis trois semaines que nous avons célébré son anniversaire, il ne nous a toujours pas dit s’il avait réussi à échanger ses cadeaux.«
Merci pour cette réponse complète et très claire.
Vous dites : « Cela me parait correct, mais je lis que « il y a que » a le sens de « depuis »… ». Oui, c’est un peu plus compliqué que ça, parfois il y a équivalence entre il y a que et depuis, et parfois non, parfois l’un et ou l’autre fonctionne avec le présent et/ou le pc, parfois non. Je vous donne une série d’exemples qui illustrent les différents cas de figure (j’ai rajouté la forme il y a (sans que), ça aide à analyser), et je vous laisse en tirer les conclusions :
Habiter + présent
Il y a dix ans / 2013 / Noël / le 25 décembre que j’habite à Paris.
Il y a dix ans, j’habite à Paris.
J’habite à Paris depuis dix ans / 2013 / Noël / le 25 décembre.
Habiter + PC
Il y a dix ans que j’ai habité à Paris.
Il y a dix ans, j’ai habité à Paris.
J’ai habité à Paris depuis dix ans.
Quitter + présent
Il y a dix ans que je quitte Paris.
?Il y a dix ans, je quitte Paris.
Je quitte Paris depuis dix ans.
Quitter + PC
Il y a dix ans / 2013 / Noël / le 25 décembre que j’ai quitté Paris.
Il y a dix ans, j’ai quitté Paris.
J’ai quitté Paris depuis dix ans / 2013 / Noël / le 25 décembre.
Venir + présent
Il y a dix ans / 2013 / Noël / le 25 décembre que je viens à Paris.
Il y a dix ans, je viens à Paris.*
Je viens à Paris depuis dix ans / 2013 / Noël / le 25 décembre.
Venir + PC
Il y a dix ans que je suis venu à Paris.
Il y a dix ans, je suis venu à Paris.
Je suis venu à Paris depuis dix ans.
Si vous n’arrivez pas à débrouiller cet écheveau, je vous donnerai la solution (en tout cas des pistes).
*Pourrait fonctionner avec une suite, où le présent aurait valeur narrative : Il y a dix ans, je viens en toute urgence à Paris pour célébrer son anniversaire, que j’avais complètement oublié, goujat oublieux que je suis !
Bonjour,
Merci pour votre aide.
Pour moi, il fallait avant tout une notion de continuité entre le passé et le présent pour pouvoir utiliser « il y a … que ».
Exemples : « Il y a dix ans que j’ai mon permis. » et « Il y a dix ans que je travaille ici. »
Qu’est-ce qui fait, selon vous, que « il y a que » et « depuis » ne sont pas toujours équivalents ?
Serait-ce lié à la durée de l’action du verbe ? Il me semble que dans vos exemples « venir » et « quitter » sont des actions brèves par rapport à « habiter » qui implique une durée plus longue. Je me trompe ?
Bonjour (ou soir),
(C’est très consistant, c’est pour ça que je n’avais pas développé d’emblée).
Il faut effectivement regarder du côté de l’aspect du verbe (ce qui n’est pas une question de durée), c’est ce qui permet d’expliquer pourquoi dans certains cas depuis accepte le PC, alors qu’en principe c’est le présent qui est son temps « normal ». Contrairement à il y a … que dont les temps « normaux » sont ceux du passé.
En effet, depuis situe dans le passé un procès qui est toujours vrai au moment de l’énonciation (il est donc logique que le temps par défaut associé à cette préposition soit le présent). Autrement dit, depuis construit obligatoirement un intervalle de temps, ce qui n’est pas le cas de il y a qui ne fait que situer dans le passé. Dès lors, il est logique que le temps associé à cette locution soit obligatoirement un temps du passé – sauf peut-être, comme on l’a vu un présent de narration – et que l’on ne puisse donc avoir par exemple Il y a dix ans Paul habite à Paris. En revanche on voit que la présence de que permet cet énoncé : Il y a dix ans que Paul habite à Paris : la fonction de que est de relier cet évènement localisé dans le passé par il y a au moment présent = ce qui s’est produit dans le passé est toujours vrai dans le présent / a toujours une incidence dans le présent (le cas échéant). Avec il y a, le passé et le présent sont indépendants. C’est subtil, mais des énoncés comme ceux qui suivent manifestent cette propriété.
Il y a dix ans, Paul a quitté Paris / Paul a quitté Paris il y a dix ans, mais il est revenu il y a deux ans.
Il y a dix ans que Paul a quitté Paris, mais il est revenu il y a deux ans.
Ce dernier énoncé n’est pas possible, parce que la présence de que implique que le « quittage » de Paul est toujours d’actualité : Il y a dix ans que Paul a quitté Paris = Paul n’est pas revenu à Paris vs Il y a dix ans Paul a quitté Paris = on ne peut rien conclure sur le lieu d’habitation de Paul au moment présent.
– Et donc, si en principe c’est le PC (ou autres temps du passé) qui convient avec il y a … que, si le procès est toujours en cours au moment de l’énonciation, alors le présent est possible et dans ce cas, il y a … que = depuis, à condition d’avoir un verbe imperfectif : Il y a dix ans que Paul habite à Paris = Paul habite à Paris depuis dix ans, les verbes perfectifs supportant mal l’étirement du temps (Il quitte Paris depuis trois jours, Il sort depuis une heure, etc.) .
– Et donc bis, si en principe c’est le présent qui convient avec depuis, si le verbe est perfectif + résultatif, alors le PC devient possible avec depuis (le présent n’est d’ailleurs plus possible). C’est l’exemple avec quitter : le départ est bien situé dans le passé, il est achevé, mais son résultat (Paul est absent de Paris) est toujours vrai au moment présent. Dans ce cas, il y a … que = depuis.
(Avec venir, on a un perfectif, non résultatif, et itératif (avec le verbe au présent), je vous laisse avec ça, ça économisera quelques lignes !).
– Et donc conclusif, pour en revenir à votre phrase et en terminer, célébrer n’étant pas un verbe perfectif, quand il y a … que est suivi d’un PC pour signifier que l’évènement est achevé, il n’équivaut pas à depuis (l’énoncé avec depuis est d’ailleurs agrammatical) : Il y a trois semaines que nous avons célébré son anniversaire ≠ Nous avons célébré son anniversaire depuis trois semaines. Il y aurait équivalence si le procès était toujours en cours (longue célébration, mais pourquoi se priver de faire la fête !), donc avec il y a …que suivi d’un présent : Il y a trois semaines que nous célébrons son anniversaire = Nous célébrons son anniversaire depuis trois semaines.
Ah et oui ! un dernier truc, il y a …que n’accepte que des compléments de durée, par conséquent il ne peut jamais y avoir équivalence de depuis + complément ponctuel avec il y a … que (même si les temps et aspects verbaux sont compatibles).
Bref, vous le voyez, dire que il y a … que et depuis sont synonymes est très très réducteur, faux en fait !
Bonjour Marcel1,
Merci beaucoup pour votre réponse très utile et toutes mes excuses pour le temps de réaction. J’ai été très occupé depuis la publication mon message…
Tout cela est fort complexe et subtil. Je vous suis reconnaissant d’avoir si généreusement éclairé ma lanterne.
il y a / cela fait 3 semaines que nous avons célébré son anniversaire.