Il risque/Il a des chances
Bonjour,
Je viens de lire sur un site ceci :
« On ne dit pas il risque de gagner, mais il a des chances de gagner« .
Je suis d’accord sur le principe, cependant j’ai tout de même le sentiment (peut-être à tort) que tout dépend de ce que l’on cherche à exprimer.
En effet, si le fait qu’il puisse gagner est une réelle crainte, pourquoi ne pourrions-nous pas l’appuyer un peu plus en utilisant « risquer » dans une phrase ?
Exemples :
– Il s’est tellement entrainé qu’il a des chances de gagner.
– Il s’est tant entraîné qu’il a toutes les chances de gagner.
(Je vois ici un sentiment ni marqué positif, ni marqué négatif)
– Si tu ne t’entraînes pas plus sérieusement, il a des chances de gagner.
(je vois ici l’expression d’un avis, d’une possibilité qui, même si elle n’est pas encore advenue, est presque de l’ordre de l’évidence)
– Si tu ne t’entraînes pas plus sérieusement, il risque de gagner.
(j’y vois ici une crainte/une mise en garde exprimée de manière plus directe, plus appuyée)
Pouvez-vous me donner votre sentiment s’il vous plaît ?
Merci d’avance
Cocojade
Bonjour Cocojade,
Pourquoi lisez-vous de tels sites ? Votre analyse personnelle est tellement plus pertinente.
Bonsoir Bruno,
Ravie de votre retour 🙂
Pourquoi je lis de tels sites?…Je ne les lis pas de manière volontaire. Certains sujets et/ou posts me sont notifiés, c’est tout.
Parfois je les trouve cohérents et parfois, ils m’interpellent, car je ne suis pas en harmonie avec eux.
N’étant cependant pas une « pro » de la langue française, quand je m’interroge, j’ai envie de savoir si c’est à raison ou à tort (pour mon petit ordinateur personnel, là-haut dans ma tête 😉 ).
J’ai parfois des cheminements « cohérents ».
J’ai également des cheminements qui, « au regard de la bonne pratique de la langue française » ne le sont pas.
Et… j’aime savoir ce qu’il en est pour autrui.
En ce sens, rien de mieux que de demander pour entendre les divers versants, même (et/ou surtout) s’ils divergent.
Cela me permet et de me remémorer des règles (oubliées), et en l’absence de celles-ci, de me forger ma propre opinion.
Toujours est-il que je vous remercie d’avoir trouvé mon analyse personnelle pertinente.
Elle ne l’est pas toujours certes, mais je suis ravie (et fière) d’être perpétuellement en questionnement sur ce qui est dit « être la norme » et qui, à mes yeux, est illogique.
Je vous souhaite une bonne fin de soirée Bruno…
Merci Cocojade,
En effet, il peut être utile de rappeler que l’emploi de risquer de est fréquemment malvenu. L’affadissement du sens de cette expression n’est cependant pas nouveau comme le relève le CNRTL. mais l’exemple de grands auteurs (Camus) ne justifie pas que vous soyez obligée de les imiter.
Dans l’absolu, vous commettez avec votre exemple un oxymore que le contexte rend néanmoins parfaitement pertinent.
Bonne semaine à vous.
@Bruno L’exemple camusien (que je ne connaissais pas ) est des plus malencontreux. Il cautionne une dérive qui n’a quasiment jamais la connotation d’un oxymore mais celle d’un oubli du sens des mots qui frappe hélas tant de termes du vocabulaire. Ainsi va la langue…
PS Je vois que la tournure « être en risque de » se retrouve dans les médias. Même constat de dérive de l’enjeu vers la personne concernée.
Il faut garder un minimum de cohérence avec l’origine des mots et ne pas les entrainer dans des dérives de sens.
Un risque est étymologiquement hérité du vocabulaire (Renaissance) de la marine avec, grosso modo, le sens de rocher sur lequel on peut fracasser un bateau et perdre sa cargaison. L’idée d’incertitude est venue par la suite, en restant secondaire. Il est de toute façon vain de cajoler des emplois où quelqu’un prend un risque prétendument positif.
Une chance (du latin cadere, tomber) est de la famille de choir, échoir, accident, coincidence, occasion et de bien d’autres. C’est la notion d’aléa et de probabilité qui domine. Il n’y a aucune connotation positive ou négative. Si quelqu’un a des chances de réussir une entreprise, il en a aussi, en proportion inverse, de la rater.
Inutile donc d’opposer les deux idées qui relèvent de domaines différents.
Je ne cherche pas à « opposer » Chambaron.
Je cherche à exprimer « une nuance ».
Celle-ci me semble évidente, mais peut-être n’ai-je pas tous les versants.
Pourriez-vous vous essayer à développer dans ce sens… ?
Sincèrement, je ne vois pas quoi ajouter. Il ne s’agit pas là de nuancer mais d’employer correctement.
Pour me reformuler : le risque est le contenu de ce qui est en jeu (dix ans de réclusion, sa propre vie, son boulot), la chance est la probabilité de réalisation de cet évènement (peu de chances, plus de chances, neuf chances sur dix, etc.).
Bonjour Chambaron et Bruno 🙂
Je suis en accord avec vous Chambaron sur le fait de veiller à ne pas faire « dériver » le sens des mots et de se remémorer (ou d’apprendre) leurs origines pour mieux les percevoir. En ce sens, je vous remercie pour vos explications qui m’ont été enrichissantes.
Comme vous l’aviez souligné, aussi étonnant que cela m’est apparu, le mot « chance » n’a, ni connotation positive, ni connotation négative.
La définition 1 que nous donne l’Académie française le confirme.
« 1. Effet heureux ou malheureux que peut avoir une action, un évènement »
Il a des chances de gagner comme il a des chances de perdre, pourraient donc a priori s’entendre.
…. et pourtant il semblerait que le dernier exemple soit considéré être une faute de style, cette dernière expression pouvant paraître « méliorative » (comme quoi…)
Suite au message de Bruno, j’ai été relire la définition « d’oxymore ».
Académie française : Figure par laquelle on allie de façon inattendue deux termes qui s’excluent ordinairement.
L’Académie française ne précise absolument pas que les termes se doivent obligatoirement d’être de sens contraires.
Les exemples donnés de-ci de-delà : obscure clarté, silence assourdissant, douce violence, etc.
De fait, l’on constate que ces mots sont alliés de manière inattendue, puisque ordinairement, ils s’excluent. (ce qui fait par ailleurs toute la beauté des oxymores)
Si l’on part du principe, qu’il n’est pas attendu de rassembler « risque et chance », n’est-ce pas parce qu’ordinairement ces termes s’excluent ?’
(Je ne parle pas là des origines de ces deux mots, mais bien du sentiment opposé que ces mots dégagent)
Personnellement, je préfère avoir la chance de plutôt que de risquer de. Les deux sensations ou imaginaires que ces expressions m’induisent/m’évoquent me sont réellement contraires. D’un côté, j’ai un ressenti plutôt positif et de l’autre une sensation plutôt négative.
En essayant de visualiser un autre versant, j’ai cheminé sur la phrase suivante :
« En t’entraînant deux fois plus, que risques-tu à part gagner la compétition ? »
» En t’entraînant deux fois plus, que risques-tu à part te donner la chance de gagner la compétition ? »
« En t’entraînant deux fois plus, tu risques seulement de te donner la chance de gagner la compétition »
» En t’entraînant deux fois plus, tu prends uniquement le risque de gagner la compétition »
« En t’entrainant deux fois plus, tu risques seulement d’avoir la chance de gagner la compétition »
Et sur celle-ci (qui ramène à celle qui est l’objet de mon post)
Si tu ne t’entraînes pas plus sérieusement, tu prends le risque qu’il gagne la compétition. (ce que tu redoutes.)
Si tu ne t’entraînes pas plus sérieusement, il risque de gagner.
Risque appuie ici la notion de crainte.
Je n’ai pas envie de dire que son concurrent « a des chances de gagner » car moi, je vois cela comme un risque. Je me positionne auprès de mon ami, de son côté et je souhaite lui exprimer le risque (pour lui), que son concurrent puisse gagner.
Non pas que je veuille avoir raison, mais en l’absence d’éléments m’amenant à revoir mon opinion « il risque de gagner » me semble effectivement pouvoir être considéré oxymore, et même si tel n’est pas le cas pour tous, je ne vois pas ce qui pourrait laisser à penser que cette expression puisse être incorrecte.
(petite réflexion personnelle en passant, « des chances de gagner » ne serait-il pas redondant ?… voire pléonasme ?)
Le « débat » reste bien sûr ouvert 😉
Bonne journée à tous !