Il me faudra me lancer dans une entreprise comme je n’en ai encore jamais connu (e) ?
Bonjour les experts,
Jamais simple avec « en ».
Dans ce cas précis, j’aurais tendance à ne pas accorder. En effet, on ne peut pas vraiment enlever le « en » de la phrase sans la rendre boiteuse : « une entreprise comme je n’ai encore jamais connu », ce serait boiteux, non ?
Qu’en pensez-vous ?
Merci de vos lumières
Comme vous le savez peut-être, les académiciens ont décidé (il y a longtemps) qu’il n’y aurait pas d’accord du participe passé après en., même si celui-ci est C.O.D.
Ne me demandez pas pourquoi, je n’ai jamais pu en trouver la raison. En fait, il n’y en a pas, c’est un pur résultat de l’arbitraire de cette Académie qui n’a eu de cesse de compliquer l’accord contre nature du participe passé après l’auxiliaire avoir.
Vous pouvez donc soit ne pas accorder pour vous sentir conforme à la règle en vigueur, soit ne pas accorder par conviction de l’inutilité de l’accord. Voilà une position nuancée qui ravira tout le monde…
Merci mille fois
Excellent ! Clair et opérationnel…
Pas vraiment.
Pascal,
Le Bon usage actuel, § 946 :
Ses ordres, s’il en a donnés , ne me sont pas parvenus (Corresp., t. II, p. 380). , — Un homme capable de découvrir en douze ans autant de choses et de si utiles que Suzanne en a découvertes en douze mois serait un mortel divin (Livre de mon ami, p. 211). , — J’ai déchiré de mes brouillons bien plus de feuillets que je n’en ai gardés (Génie du Rhin, Préf.). , — Il quitte, sans plus de formes qu’il n’en a suivies pour y entrer, cette armée […] (Mes songes que voici, p. 94). , — La peur a détruit plus de choses en ce monde que la joie n’en a créées (Rond-point des Champs-Élysées, p. 28). , — Ma mère ? mais jusqu’alors je n’en avais point eue (Étienne, p. 63). , — Des connaissances, des conseils, mes trois fils en ont reçus (Musique consolatrice, p. 87). , — Une joie discrète, mais telle qu’il n’en avait jamais montrée en ma présence (Malicroix, p. 152). , — Une immense muraille telle que les hommes n’en ont jamais construite (Années faciles, 9 déc. 1934). , — Une remonte comme on n’en avait jamais vue (Deux cavaliers de l’orage, p. 38). , — Sur les tombes des chefs, ils dressaient des statues en bois… Vous en avez vues au musée de Kaboul (Jeu du roi, p. 112). , — Il vous vaudra plus de surprises, […] , plus de bonheur aussi que je ne vous en ai jamais donnés (Hist. du Juif errant, p. 616). , Etc.
De même, lorsqu’il y a un adverbe de degré : On saurait […] combien de gens il a convertis, combien il en a consolés (Historiettes et fantaisies, p. 136). , — M. Spronck pourra répondre qu’en fait de questions difficiles, il en a déjà trop touchées dans son livre (Essais sur la litt. contemp., p. 230). , — Ce sont vos lettres qui m’ont grisée ! Ah ! songez / Combien depuis un mois vous m’en avez écrites (Cyr., IV, 8). , — C’était là une de ces constructions psychologiques comme j’en ai tant bâties (Sens de la mort, p. 220). , — Ce n’est qu’un crachat de plus sur la face ruisselante d’une société soi-disant chrétienne, qui en a déjà tant reçus (Désespéré, p. 271). , — Des gens comme nous en avons tant connus (Souvenirs, p. 101). , — Un de ces documents confirmatifs, comme les derniers temps en ont tant produits (Bismarck et la Fr., p. 136). , — C’est une de ces explications politiques, telles que Corneille en a tant écrites (Plaisir à Corneille, p. 222). , — Combien n’en avait-il pas connus , lui, Péguy, qui, grâce au bergsonisme, avaient cheminé vers la foi ! (Notre ami Psichari, p. 188.) , — On condamne des hérétiques plus qu’on n’en a jamais condamnés (Superbe, p. 83). , Etc. »
Arrêté ministériel du 28 décembre 1976 (en vigueur) : applicable aux examens et concours organisés par l’Edducation : singulier et pluriel du PP admis dans les mêmes circonstances. Riegel, Pellat et Rioul (La grammaire méthodique du français, 5e édition, 2014) considèrent qu’il faut étendre ses prescriptions en dehors de l’Education à l’antécédent comptable pluriel.
Merci pour toutes ces précisions, Prince.
Bonjour politburo,
Merci de votre contribution pour éclairer ma question.
Ce « test » (supprimer le « en ») est tiré du Projet Voltaire himself et traité dans le module « Excellence » dudit Projet. Commenté par Bruno Dewaele, référent du site et champion du monde d’orthographe, comme vous le savez : https://www.projet-voltaire.fr/regles-orthographe/des-erreurs-j-en-ai-fait-ou-des-erreurs-j-en-ai-faites/
Merci Pascal de m’avoir répondu.
L’article sous votre lien n’aborde étonnamment pas la notion de complément d’objet direct antéposé au participe passé utilisé avec l’auxiliaire avoir. Or c’est la première chose qui importe ici : le mot « en » est-il ou non le COD du participe passé ?
Leur astuce pour identifier un COD n’a aucun sens.
Elle suppose qu’il n’y a que le COD qu’on ne peut pas retirer d’une phrase sans la rendre boiteuse. Choisissons par exemple un verbe qui a obligatoirement un COD et un COI introduit par « de », un verbe qui n’a de sens qu’avec son complément en « de » :
— J’ai privé mes filles de sortie.
— Je les en ai privées.
Peut-on supprimer le « en » ? Non.
Le pronom « en » est-il pour autant COD ? Non.
Alors il faut continuer à accorder avec le COD ? Oui.
Malgré la présence d’un complément « en » qu’on ne peut pas retirer ? Oui, car ce n’est pas parce qu’on ne peut pas retirer le complément « en » qu’il devient magiquement COD.
Pour savoir si un mot (ici le pronom « en ») est COD d’un verbe, il y a différents moyens, mais le test de savoir si on peut le retirer est totalement inopérant.
Et dans l’autre sens, un « en » COD peut très bien disparaître, avec une simple suppression du COD. « J’en ai mangé », avec suppression du COD, devient « j’ai mangé », qui n’est certainement pas une phrase boiteuse.
Retenez donc que vous devez identifier le COD, s’il y en a, mais par d’autres moyens que celui donné sous votre lien, et qu’un COD pronominalisé en « en » n’emporte généralement pas l’accord du participe passé à suivre, parce qu’il est réputé partitif neutre. C’est probablement la règle appliquée par Projet Voltaire : jamais aucun accord du participe passé avec le COD « en ».
Mais retenez aussi si vous le souhaitez qu’un pronom « en » peut très bien ne pas être partitif, et pourrait donc légitimement imposer son genre et son nombre au participe passé dont il est COD antéposé, comme cela est pratiqué occasionnellement, et de plus en plus reconnu.