Il est procédé à
Bonjour,
La formule « Il est procédé à la lecture du procès-verbal » est-elle correcte ?
Nous utilisons parfois cette tournure dans nos comptes rendus, mais je suis très surpris qu’un verbe transitif indirect puisse être utilisé de cette manière. Pour moi, ce serait comme dire : « Il est contribué à la croissance de l’entreprise ».
Merci d’avance !
La question est intéressante. Votre raisonnement est exact et mettre au passif un verbe d’action intransitif comme procéder peut sembler étrange de nos jours.
Historiquement, il s’agit de ce que l’on peut classer dans les archaïsmes. En moyen français (fin du Moyen Âge), le forme était courante* mais elle aurait ensuite dû disparaitre selon les règles académiques. Elle s’est néanmoins maintenue par la langue juridique (très conservatrice de formes anciennes) et a même connu un regain de vitalité à la période révolutionnaire. Elle a été « sanctifiée » par le Code civil (1804) et a perduré jusqu’à nous. C’est donc l’ancienneté qui lui donne sa légitimité.
Il est à noter que de nombreux verbes de ce type ont muté en devenant pronominaux et impersonnels, formes dites « pronominaux autonomes » (non réfléchis) : agir donnait il est agi puis a produit il s’agit.
*Exemples :
» …et quant à la provision des prisonniers seroit procedé de fait contre le duc en metant et tenant ses terres tenues soubz le Roy en la main du Roy. » (1400-1410).
« Mais, ce jour, ne fu aucunement procedé oultre en ladicte besoingne, pour ce que ceulz qui avoient esté appellez attendirent et demourerent trop tard à venir. » (1417-1420).
Merci pour vos réponses extrêmement précises, et qui se complètent bien – raisons historiques et linguistiques – je suis ravi !
La forme est à la fois passive et impersonnelle.
Et c’est une forme qui est toujours vivante.
Voir cet article : passif-impersonnel-passif-et-impersonnel.pdf
dont voici un extrait :
—
AI : actif impersonnel
PP : passif personnel
PI : passif impersonnel
[…] du point de vue du lexique verbal, on observe une distribution complémentaire des classes verbales sur les trois diathèses marquées, à moins de
modifications auxiliaires (telle la suppression de l’objet des verbes transitifs à l’AI) ; en tout cas, le PI est généralement incompatible avec les classes de
verbes caractéristiques des deux autres diathèses : (6) Verbes intransitifs (typiques de l’AI) :
*il a été allé au stade (7) Verbes transitifs directs (typiques du PP) : *il a été acheté la viande
En revanche, les transitifs indirects, incompatibles avec l’AI et le PP sont centraux pour le PI
(8) Il est remédié à la double imposition des revenus par l’imputation prévue en droit commun
(9) Il est insisté sur la particularité des enseignements publics en France (compte rendu)
Les transitifs directs peuvent cependant se trouver au PI, soit lorsque le verbe a un sémantisme relativement faible (10), soit à la suite de la suppression du prime actant (sujet de l’actif) (11) :
(10) Il est prévu des contrôles des épandages par les services de police de l’eau au moins cinq fois par an (Manuel technique)
(11) Il a été cassé des biscuits pour remplir le fond du moule (par le pâtissier)
[…]
Extrait pertinent (sauf que le lien ne fonctionne pas) mais purement descriptif du phénomène. Dire que la forme est « toujours vivante » est sans doute un peu exagéré. Je dirais qu’elle survit dans des formules ampoulées et archaïsantes du domaine administratif ou juridique.
Dans la pratique, ces passifs sont remplacés par d’autres tournures : Il est remédié à la double imposition … se dit On remédie à la double imposition,… ou par le passif habituel :Il est prévu des contrôles des épandages se dira Des contrôles des épandages sont prévus…
Je ne suis pas sûre que le propos soit uniquement descriptif. On en déduit par exemple aisément les implications stylistiques des emplois des différentes formes.
Ou alors je comprends mal ce que vous voulez dire. Une approche descriptive me convient mieux qu’une approche normative.
Peut-être suggérez-vous qu’il n’y a pas d’étude diachronique de la formulation.. ?
Il n’y a en effet pas que le descriptif ou le normatif, deux repères commodes mais sommaires. Il y a aussi l’histoire (le diachronique que vous évoquez) et la sociolinguistique par exemple.