Formation de nouveaux mots avec anti- ou non-
Bonsoir, suite à différentes discussions récentes portant sur les préfixe anti- et non-, il m’est venu une question à propos de laquelle je souhaiterais avoir des éclaircissements. Un contributeur faisait observer que les rectifications orthographiques de 1990 qui recommandent notamment que le préfixe anti soit soudé (sans trait d’union) au nom qu’il précède n’autorisaient pas pour autant la formation de « nouveaux mots » en accolant anti à n’importe quoi. Qu’en est-il exactement ? Puis-je légitimement me déclarer antichiens ou antichats, antiviande ou antipoisson, antifer ou antibois ? Même question pour non- : peut-on impunément l’accoler au nom (ou à l’adjectif) que l’on veut et parler par exemple de non-professionnalisme, de non-constitutionnalité, de non-phosphorescence, etc., ou faut-il s’en tenir aux seuls non-xxxxxxxx figurant déjà dans les dictionnaires usuels ? Merci de vos avis…
Cette méthode du préfixe accolé simplement à une racine reste une grande pourvoyeuse de néologismes et l’on ne peut pas trouver grand-chose à y redire sur le principe . À ce jour, par exemple, le CNRTL compte environ 400 mots (dits vedettes, ensuite déclinables) commençant par anti. Il existe par ailleurs des dizaines de préfixes similaires, courants ou plus techniques.
Pour être recevable et simple, l’utilisation d’un préfixe n’en pose pas moins des problèmes d’application :
1. Il faut éviter les confusions de graphies et de sens : anti- (contre) n’est pas ante- (avant) ni anto- (à la place). Aussi ancien soit-il, le mot antidater est une mauvaise déformation de antedater.
2. Il faut qu’il reste prononçable et conforme à certaines pratiques de base (rapport entre deux voyelles consécutives et usage ciblé du trait d’union notamment).
3. Il faut qu’il évite les confusions sémantiques : antichiens signifie-t-il « qui n’aime pas les chiens » (ce serait plutôt caniphobe), « qui a une idéologie orientée contre la race canine » (modèle anticommuniste), « qui s’oppose à la consommation de la chair de toutou » (modèle antiviande), qui éloigne les chiens (collier antipuces) ou permet de lutter contre eux (antichar) ?
4. Ne pas entrer un conflit avec un mot déjà implanté désignant la même réalité.
Moyennant quoi, chacun est libre de se fabriquer son lexique s’il a la politesse de prévenir son lecteur de ses créations avec une bonne paire de guillemets et encore mieux en définissant le terme en cas de risque de confusion (parenthèses, note de bas de page).
Mon avis propre est qu’il s’agit là d’une méthode assez rudimentaire dont on a vite fait d’abuser et qui ne saurait remplacer des tournures bien construites et des phrases claires à partir de mots précis. Malgré les apparences, cette manière de faire traduit de nos jours un manque de vocabulaire et entraine un appauvrissement de la langue.
J’ai eu une expérience dans ce domaine. J’ai proposé lors d’une question sur cette plateforme « non-versé » pour remplacer le mot « novice », « profane » et j’ai dû y renoncer, car il n’existe pas. Je me suis rangée, mais suivrai avec intérêt la question.
Le i s’efface parfois devant le a du mot préfixé, comme dans antalgique, antarctique et les mots de la famille d’antagonisme d’après le Littré. De même, il disparaît parfois devant le o comme dans antonyme, antonymie, antonomase, etc.
Au sens d’opposition il peut se transformer en anté, comme dans antéchrist.
Trait d’union après anti–
Déjà en 1872 chez Littré et en 1885 chez Larousse, anti– était systématiquement soudé aux noms communs dont il est préfixe. La règle communément admise depuis au moins le XXe siècle est que les mots commençant par anti– ne prennent pas de trait d’union sauf dans les cas suivants :
• devant un nom propre (géogr. : Anti-Atlas, le massif marocain ; Anti-Liban, massif de l’Asie occidentale ; patronyme : les activistes anti-Poutine, anti-Le Pen) ;
• devant un nom composé (anti-sous-marin) ;
• quand le deuxième élément est un sigle ou un symbole (anti-CGT) ;
• quand anti– est le préfixe d’une locution, d’une dénomination de plusieurs mots (des militants anti-mariage pour tous, des traitements anti-gaz sarin, des bons plans anti-vacances chères) ;
• en principe, quand le deuxième élément commence par un i (anti-inflammatoire ; quoique des dictionnaires récents comme Hachette 2014 soudent systématiquement, même devant i et écrivent antiinflammatoire conformément à la réforme de 1990).
Il est fréquent que des mots non encore lexicalisés soient écrits avec un trait d’union. Le trait souligne alors le caractère néologique ou de circonstance du mot forgé. Des éditeurs ou grammairiens recommandent le procédé, d’autres s’y opposent.
Non peut être utilisé pour faire porter la négation sur un adjectif ou un nom : il a la même valeur que ne… pas employé avec un verbe.
Les candidats qui ne sont pas élus. Les candidats non élus.
Quand non précède un nom, il est suivi d’un trait d’union ; quand il précède un adjectif, il n’y a pas de trait d’union.
La non-conformité du produit aux normes en vigueur est condamnée.
Les produits non conformes seront retirés de la vente.
Lorsque le terme formé avec non peut être à la fois nom et adjectif, on peut employer ou non le trait d’union.
Les non-violents ont manifesté hier dans les rues de la capitale.
ou les non violents ont manifesté… (non-violent est un nom ou un adjectif : une politique non violente).
Juste une petite remarque concernant antonomase : j’ai l’impression qu’il s’agit là du seul mot référencé à ce jour utilisant la racine anto (à la place de). Il n’y a pas d’dée d’opposition.
Pour antonyme, il y a eu conflit entre anti et onoma au profit de du o de ce dernier.
Merci.
Jean Bordes, j’aurais donc pu proposer « non versé » en la matière ?
Assurément, car « non » précède un adjectif.
Jean B, je n’avais pas vu votre commentaire. Je vous remercie.
Je vous remercie tous les deux, Jean B et Kerglof de vos explications. Il m’arrive parfois d’avoir recours à plusieurs explications afin d’assimiler quelque chose. C’est fait avec la composition des mots avec et sans trait d’union.
En conclusion, je remercie ChristianF pour avoir posé la question, Falia qui l’avait posée avant, Chambaron, vous, Jean B, et Kerglof. Je n’oublie pas non plus Evinrude et Czardas qui m’avaient aussi donné leur avis précédemment. C’est tout un édifice !
Effectivement, Kerglof, vous auriez pu vous insscrire. Il paraît qu’il n’est jamais trop tard. Quant à la politique laitière, il y a bien des choses à dire !