Féminin de prédécesseur ?
Quel est le féminin de prédécesseur ? Existe-t-il ?
Bonjour,
Si l’on s’en tient à l’avis de l’Académie française, la « mode » de la féminisation à outrance est à éviter. Je vous invite à lire ce billet qui expliquera bien mieux que moi ce que pense l’Académie.
Voici d’ailleurs la définition de prédécesseur dans leur dictionnaire (dernière édition) :
« (1)PRÉDÉCESSEUR n. m. XIIIe siècle. Emprunté du latin praedecessor, de même sens, composé de prae, « devant, avant », et decessor, « magistrat qui sort de charge », lui-même dérivé de decedere, « s’en aller, renoncer ; mourir ».
Celui, celle qui a précédé quelqu’un dans un emploi, une charge, une dignité, etc. Prédécesseur immédiat. Les méthodes du nouveau directeur tranchent avec celles de son prédécesseur. Elle a été son prédécesseur à ce poste. Marcher sur les traces de ses prédécesseurs. Au pluriel. Ceux qui ont vécu avant la génération présente, aïeux. Nos prédécesseurs nous ont laissé leur exemple à imiter. »
L’on constate que l’on parle bien de celui ou celle. En France, donc, il serait préférable de conserver le genre masculin.
Toutefois, il n’est pas inutile de noter, comme le précise Antidote HD, que certaines instances encouragent désormais la féminisation. C’est le cas par exemple de l’Office québécois de la langue française, qui, je cite, « préconise la féminisation des titres, des noms de professions et autres appellations de fonctions lorsqu’il est question d’une femme ». Il est précisé que c’est également le cas en Suisse et en Belgique.
Voici enfin ce que les créateurs d’Antidote ajoutent à la fin de leur note :
« Si vous écrivez elle est un ingénieur compétent, Antidote corrigera donc en remplaçant par elle est une ingénieure compétente. Libre à vous de refuser cette correction si vous tenez à écrire elle est un ingénieur compétent, mais c’est en connaissance de cause que vous le ferez. Vous saurez qu’un féminin existe pour le mot que vous employez. »
Antidote HD, à prédécesseur, propose donc le féminin prédécesseure.
Rien d’étonnant : Anti-dot lutte contre la discrimination dans le mariage. [;-)
Non, il n’y a pas de forme féminine courante reconnue.
Le CNRTL cite bien un hapax de Benjamin Constant : Répondra-t-elle comme sa prédécessrice? , mais s’empresse de préciser qu’il est exceptionnel.
Tous les mots ne connaissent pas une forme marquée, dite couramment « féminin ». À l’occasion des monceaux d’échanges lors de la question de la féminisation des titres à l’Assemblée, il a été opportunément rappelé par l’Académie que les mots n’ont pas originellement de genre. Comme pour les chaussures jadis, il n’y a ni pied droit, ni pied gauche : c’est le marcheur qui les forme et leur remplacement n’en est que facilité. Voilà un bon gisement d’économies !
C’est l’usage seul qui a conféré à la poignée de porte ou au bouton de culotte leur « sexe », si peu représentatif de quoi que ce soit. Pour les personnes, cela peut paraître moins arbitraire, mais les exemples pullulent de genres « contre nature ». Il apparaît bien vain de vouloir à toute force former des « féminins » sur des racines bien racornies. L’emploi de l’article féminin suffit très souvent à exprimer élégamment la distinction, et personne ne s’émouvait il y a peu d’entendre « une auteur » ou « une médecin ». Alors écrire « mon (voire ma) prédécesseur » dans le poste, Mme X… » me semble tout à fait convenir.
Même destin pour successeur, précurseur et d’autres à (re)découvrir…
Bonjour,
Qu’on le veuille ou non et que cela nous plaise ou pas (à titre très personnel, je préfère suivre les recommandations de l’Académie et ne me verrais pas écrire prédécesseure…), il n’en reste pas moins que certaines instances comme l’OQLF, d’un point de vue officiel si je puis dire, recommandent la féminisation. Je citerais pour cela un article de la BDL à propos de la féminisation (qui, dans un lien qu’elle contient, dresse une liste de mots faisant leur féminin en −eure et dans laquelle apparaît justement prédécesseure). J’encourage généralement à suivre les directives et recommandations de l’Académie, surtout lorsque le public visé est « français de France ». Pour les questions de langue (langue qui ne sera jamais figée, pour le meilleur et parfois le pire), je pense qu’il n’est pas inutile de préciser, autant que faire se peut, les différents points de vue adoptés par des instances comme l’Académie, bien évidemment, mais aussi l’OQLF. Tout comme l’anglais britannique diffère quelque peu de l’anglais états-unien, il en va de même pour le français « de France » et le français québécois. Or, sur Internet, si l’on tient compte du fait que l’on ne demande pas l’origine culturelle ou géographique de nos interlocuteurs (sauf rares exceptions), proposer différentes sources reconnues (ici ou ailleurs) me semble encore être la meilleure des choses, c’est là du moins mon humble avis. 🙂 L’on s’étonnerait, en France, de lire « Arrêt » sur un panneau « Stop ». Sauf erreur de ma part, c’est pourtant bien le cas au Québec (mais il faut alors prendre en compte l’histoire du pays).Une seule et même langue, un socle de règles communes, mais de petites variantes (justifiées ou non, que l’on aime ou pas) qui font qu’une « erreur » chez nous pourra ne pas en être une chez nos amis Québécois (et sans doute ailleurs dans la francophonie). Mais encore une fois, personnellement, dans un écrit destiné au public français « de France », voir prédécesseure me dérangerait.
Je souscris des deux mains !
Le Québec mène un beau combat pour le français, mais nous devons conserver la hiérarchie langue mère/régionalismes, à peine de nous retrouver dans la situation de l’anglais qui n’est plus parlé que dans les environs d’Oxford : pour le reste du monde c’est globish et compagnie (j’ai fait ma carrière en milieu international)!
Comme vient de le montrer le sommet de la Francophonie, notre langue croît rapidement dans d’autres pays : nous devons incarner, de France, la référence contre (aux deux sens du terme) laquelle se développent les pratiques locales. J’ai exercé douze ans en Suisse profonde, successivement germanophone et francophone : le français et l’allemand y subissent maints outrages, car le sabir anglo-saxon s’immisce insidieusement dans les fissures de la tradition structurellement polyglotte de ce beau pays. Malgré le pittoresque, le résultat est souvent affligeant.
D’accord pour citer les variantes exotiques, mais pas pour les mettre sur un pied d’équivalence. Je soutiens totalement l’OQLF dans sa démarche, mais nous ne saurions la reprendre telle quelle à notre compte, quel que soit le public.
Merci de votre remarque pertinente en tout cas, qui nous permet de sortir quelques instants des sentiers trop balisés…
Sauf que prédécesseur – dans son sens contemporain- n’est ni un titre, ni un nom de profession ni une appellation de fonctions, contrairement à ingénieure, professeure ou maire (pour laquelle on emploiera l’article la).
Et donc, que préconisez-vous ?
La personne qui m’a précédée.
Mais d’autres noms qui ne sont pas des noms de métier ou de fonction sont masculins (sauf depuis une certaine intervention linguistique qui fait des ravages…) tels que vainqueur, défenseur, successeur, précurseur, etc.