faut-il écrire:
‘je ne dis pas qu’il faille / faut abandonner les recherches »
C’est la rencontre du verbe « dire » (A), du verbe « falloir » (B), et d’un infinitif (C), qui pose un problème.
A) Avec le verbe « dire », il faut dissocier ses différents sens.
1. Sens : énoncer une vérité extérieure à sa volonté ou à son appréciation subjective = toujours l’indicatif, forme affirmative ou négative.
— Je dis qu’il pleut. Je ne dis pas qu’il pleut. La « règle » qui voudrait « je ne dis pas qu’il pleuve » est une grosse bêtise.
— La loi ne dit pas que l’antisionisme est interdit, elle dit que l’antisémitisme est interdit.
— Je ne dis pas qu’il faut arrêter les recherches, je dis qu’il faut les concentrer dans cette zone.
2. Sens : préconiser, demander, vouloir, ordonner = toujours le subjonctif, forme affirmative ou négative.
— Le juge ne dit pas qu’on la pende, il dit qu’elle aille vivre ailleurs.
— Je ne dis pas qu’il faille arrêter les recherches, mais au contraire, je dis qu’on les poursuive.
Le verbe « dire » pour exprimer un ordre à la forme affirmative est relativement rare, mais elle commande l’usage.
3. Sens intermédiaire, comme penser = indicatif à la forme affirmative, subjonctif à la forme négative.
— Je pense qu’il est prêt. Je dis qu’il est prêt.
— Je ne pense pas qu’il soit prêt. Je ne dis pas qu’il soit prêt.
Dans ce cas, à la forme négative, on entend parfois l’indicatif (je ne dis pas qu’il est prêt), mais ce n’est pas recommandé. C’est défendable quand on a une bonne raison, en particulier pour bien dissocier le verbe penser de la réalité objective qu’on considère (il est prêt ou il n’est pas prêt, on ne devrait pas avoir besoin de subjonctif). Mais pour exprimer cela, la bonne formulation est : « je pense qu’il n’est pas prêt », qui lève toute ambiguïté sur le fait que la négation porte sur « être prêt » ou sur « je pense ». C’est par convention qu’on estime qu’à la forme négative, la négation sur le verbe « penser » porte en fait une subjectivité sur le fait d’être plus ou moins prêt. Donc la norme est le subjonctif, et on n’y déroge que par exception volontaire.
B) En ajoutant le verbe falloir
Dans le sens A2, peut-être celui que vous souhaitez puisque vous posez la question, il reste possible de ne pas utiliser directement le subjonctif, en faisant intervenir un verbe impersonnel, comme « falloir ».
— Le juge dit qu’on la pende.
— La juge dit qu’il faut qu’on la pende. L’ordre est délégué au verbe falloir, et ce n’est pas celui-ci mais le suivant qui doit être au subjonctif. Le subjonctif est nécessaire, mais sur l’action, pas sur le verbe falloir. On n’écrit pas : le juge dit qu’il faille qu’on la pende. Ni même à la forme négative : le juge ne dit pas qu’il faille qu’on la pende.
Donc globalement, vous avez raison de poser la question, le verbe « falloir » supporte mal le subjonctif, à cause de son sens absolu : « il faut ou il ne faut pas ».
Les « je veux qu’il faille », « je ne veux pas qu’il faille » ne se conçoivent que dans des propositions imbriquées (je ne dis pas qu’il faille en arriver là pour obtenir gain de cause, je ne ne dis pas qu’il faille dans de telles conditions agir ainsi) où l’absolu de « falloir » est relativisé par un objectif ou une hypothèse.
On écrit donc « je ne dis pas qu’il faut que tu ailles », sans subjonctif à « falloir », mais avec un subjonctif à « aller ».
C’est une excellente idée que de ne pas mettre « falloir » au subjonctif.
C) Avec un infinitif derrière falloir
Dans votre exemple, le verbe suivant « falloir » est à l’infinitif, mais conjuguons-le pour bien voir les choses.
— Je ne dis pas qu’il faut qu’il vienne. Je ne dis pas qu’il faille qu’il vienne.
On voit bien ici que le subjonctif est porté par le verbe d’action et non par le verbe conjugué impersonnellement « falloir ».
Si vous vous décidez maintenant de mettre un infinitif à la place d’un verbe conjugué au subjonctif derrière « falloir », le subjonctif deviendra certes invisible. Faut-il pour autant déplacer ce subjonctif vers le seul verbe conjugué pour qu’il reste visible ? La réponse est non. L’infinitif absorbe tous les modes, tous les temps. On n’a pas à déplacer le subjonctif vers le verbe le plus proche, le sens subjonctif est contenu dans l’infinitif.
D) Conclusion
* Si vous récusez simplement le fait que vous dites qu’il faut arrêter les recherches, écrivez :
— Je ne dis pas qu’il faut abandonner les recherches. Indicatif obligatoire.
* Si vous êtes le décideur, et que vous n’utilisez pas le verbe « falloir », utilisez le subjonctif :
— Je ne dis pas que vous deviez abandonner les recherches.
* Si vous êtes le décideur, et que vous utilisez le verbe « falloir » suivi d’un verbe conjugué, utilisez indicatif + subjonctif :
— Je ne dis pas que qu’il faut que vous abandonniez les recherches.
* Si vous êtes le décideur, et que vous utilisez le verbe « falloir » suivi d’un verbe infinitif, utilisez indicatif + infinitif (assumant le subjonctif) :
— Je ne dis pas que qu’il faut abandonner les recherches. Le subjonctif est caché dans l’infinitif.
Numeric, pouvez-vous citez vos sources, SVP ?
Bonsoir Mimidu.
Ne pas dire que + indicatif ou subjonctif ?
« Le subjonctif est de règle.
Je ne vous dis pas qu’il soit facile de travailler avec monsieur N…, ni que je m’attende à une amélioration de nos rapports. »
Source : Jacques CELLARD, Le subjonctif : Comment l’écrire ? Quand l’employer ? Duculot, p. 65, n° 78.
==> Je ne dis pas qu’il faille abandonner les recherches.