faits et gestes
Bonjour,
Cette apostrophe m’a surpris :
« Est-il une personne, une seule, qui ne hausserait les épaules en soupirant face à ce raseur, venu pourtant lui apprendre que geste, dans l’expression les faits et gestes de quelqu’un, est un nom féminin ? »
Car l’Académie propose le masculin.
https://books.google.fr/books?id=OQ8JAAAAQAAJ&pg=PA835&lpg=PA835&dq=faits+et+gestes+académie+française&source=bl&ots=0f_LhyInGv&sig=hGeLiqQfyw3RdVcP2E36hkV4eqA&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi0jZimrazPAhWGiRoKHbCyDmsQ6AEINDAE#v=onepage&
On en découvre tous les jours !
Dans cette expression, c’est en effet le nom féminin « la geste » qui est employé. Je connaissais cette utilisation pour la « chanson de geste » ou la Geste de Charlemagne, mais n’imaginais pas qu’elle entrait dans les « faits et gestes ».
C’est Littré 1872-1879 qui enregistre le premier officiellement cette acception et ce genre, en mentionnant l’origine provençale et non latine comme le masculin. Académie 1932 (8e édition) reprend la distinction : Fam. et en plaisantant, Les faits et gestes d’une personne, Ses actions, sa conduite. Il n’a rien oublié des faits et gestes de son héros. On sait vos faits et gestes.
L’expression a perdu son côté plaisant, d’où la confusion contemporaine bien compréhensible… Cela n’ayant aucune conséquence grammaticale, la question se pose de toute façon bien rarement.
En termes clairs, quel est le genre de geste dans cette locution ?
Selon Académie 1935, une geste est « L’ensemble des faits héroïques d’un preux ou d’une famille de preux. »
De nos jours, lesdits faits et gestes désignent prosaïquement les agissements de monsieur-tout-le-monde…
Bonjour,
Le lien que vous nous donnez czardas, mène tout droit à l’édition de 1835 (6e édition)… Et monsieur Littré a dû faire des recherches avant d’affirmer l’origine du mot. Il est assez fiable ce me semble. D’ailleurs, l’Académie s’est rangée à ses raisons !
Le CNRTL classe bien l’expression avec le substantif féminin mais remarque : « Les dictionnaires font de gestes, dans la locution : les faits et gestes de quelqu’un, un mot féminin pluriel. Le point est à souligner car geste mot masculin conviendrait, quant au sens, tout aussi bien à l’expression » (Dupré1972).
Personnellement, j’aime bien l’idée qu’il soit féminin et rapproche mes faits et gestes de l’épopée ! Mais, comme le dit clairement Chambaron, cela n’a que de peu de conséquences, l’expression est tellement figée qu’on est rarement tenté d’y accoler un adjectif !
En revanche, la pluriel est plus gênant : la geste est déjà un collectif et le pluriel est perturbant. Cela s’est sans doute produit sous l’effet du pluriel de « faits » et dans la confusion avec le geste mouvement.
Cette expression n’est pas récente, j’en veux pour preuve cette lettre de Madame de Sévigné écrite à sa fille le premier mai 1676.
Les faits et gestes qu’évoque Madame de Sévigné sont bien le reflet du comportement et des agissements de la Brinvilliers. Je n’y vois aucune relation avec des actes héroïques. Rien d’épique non plus.
Certes czardas, mais il est possible que madame de Sévigné emploie cette expression comme nous le faisons aujourd’hui, sans savoir d’où elle vient.
Seul ce pluriel, en effet, laisse la place au doute.
Le Ngram associé à l’expression est évocateur :
— Il y a effectivement des attestations sur le XVIIe siècle : la liste des ouvrages peut-être obtenue par la sélection des périodes en bas à gauche du diagramme ;
— Les deux plus anciennes datent de 1558 ;
— Elles sont toutes à utilisation hagiographique ;
— Le texte de madame de Sévigné n’y figure pas mais, érudite, elle devait connaître cette expression et la détourne déjà ;
— Longue période sans usage jusqu’au XIXe siècle ;
— Reconnaissance de la tournure historique par les dictionnaires ;
— Banalisation et usage moderne au XXe siècle.
P.S. Pour le sourire, je suis tombé sur ce drôle d’objet écrit de 1846 ; on comprend mieux comment l’expression a pu passer dans le langage « courant »…
😀
GESTE. n.f. XIe siècle. Emprunté du latin gesta, « hauts faits, exploits », puis, en latin médiéval, « récit, histoire », participe passé neutre pluriel de gerere, pris au sens de « faire, mener ».
HIST. LITTÉRAIRE. Au Moyen Âge, l’ensemble des faits héroïques d’un preux ou d’une lignée de preux ; le récit de ces exploits. La geste de Charlemagne. La geste de Guillaume d’Orange. Chanson de geste, poème épique relatant ces exploits. Expr. Les faits et gestes de quelqu’un, l’ensemble de sa conduite, le détail de ses actions. Il n’a rien oublié des faits et gestes de son héros. On sait vos faits et gestes.
(Dictionnaire de l’Académie).
Les chansons de geste sont des poèmes narratif chantés
qui traitent de haut fait du passé. Le mot geste est issu du participe passé
au neutre pluriel du verbe « Gerere » qui signifie « faire ». Ainsi, le terme « Gesta »
signifie « Les choses faites », d’ou « Les exploits»
La plus ancienne chanson de geste est « La chanson de Roland ».