Est-ce que le verbe « se réinventer » existe?
Bonjour,
Je me questionnais concernant la forme pronominale du verbe « réinventer », que je ne trouve nulle part dans les dictionnaires en ligne. Cette forme est-elle donc correcte?
Merci @joelle. Je fais référence à cette phrase « La langue française se réinvente sans cesse, pour peu qu’on lui en donne le temps ».
Il est évident que « se réinventer » existe puisqu’on l’entend ici ou là. Qu’il ne soit pas dans les dictionnaires ne signifie pas qu’il n’existe pas. Seulement qu’il n’est pas (encore) reconnu ou admis.
Il n’est pas le seul, bien d’autres mots ne se trouvent pas dans les dictionnaires ou pas dans la majorité d’entre eux : candidater – dangerosité – covoiturer par exemple.
Concernant « se réinventer », reste d’abord à savoir ce qu’il signifie.
C’est manifestement un verbe qui change de sens lorsqu’il est pronominal. « Réinventer » (qqc), c’est « inventer » à nouveau (qqc), « Se réinventer » signifie à peu près : changer totalement sa façon d’être au monde.
Ensuite, il faut se demander s’il n’existe pas un autre verbe ayant déjà ce sens. « Se renouveler » a un sens qui se rapproche mais ne signifie pas exactement la même chose.
Petite remarque personnelle : il y a un effet de mode à employer ce terme qui est sans doute une hyperbole plutôt que chargé d’un véritable sens (?)
—> c’est pourquoi je ne l’emploierais pas, en tous cas pas innocemment, et je préfèrerais une expression plus proche du fait. Il y en a beaucoup : se renouveler, évoluer, se métamorphoser, changer, réviser ses certitudes, revoir sa conception de la vie, trouver d’autres ressources en soi, se remettre en question, poser de nouvelles bases, etc. Autant de nuances laminées par le très à la mode « se réinventer » (et à oublier les nuances, on pense mal).
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Je rebondis sur la réflexion de Joelle.
Peut-on inventer quelqu’un ? Et par conséquent, réinventer quelqu’un ?
J’ai l’impression qu’on invente quelque chose (objet ou idée) pas quelqu’un.
Léonard de Vinci a inventé l’hélicoptère.
Il a aussi inventé la Joconde ????
Non, il a plutôt créé la Joconde.
Victor Hugo a inventé un nouveau personnage : Quasimodo.
Victor Hugo a inventé Quasimodo ???
Non, il a plutôt imaginé Quasimodo.
La télé a inventé Nabilla. ????
Non, la télé a découvert Nabilla.
Donc.
Elle s’invente (= elle invente elle-même). Je n’ai jamais lu ni entendu un tel énoncé.
Pierre, je l’ai quasiment inventé. Sens figuré (dans cet énoncé, je traite Pierre comme un objet.)
On peut appliquer le même raisonnement pour « réinventer » et « se réinventer ».
« Ma chérie, je vais te réinventer » n’a pas beaucoup de sens.
Par contre, « ma chérie, je vais te métamorphoser ».
Je vais me réinventer (je vais réinventer moi-même) n’a guère de sens.
Les verbes proposés par Tara me semblent plus appropriés.
En conclusion : je ne veux pas paraître trop snob, mais « réinventer quelqu’un » ou « se réinventer » ressemblent un peu à de la novlangue de télé-réalité.
Je suis bien d’accord avec vous !!
Votre phrase : « La langue française se réinvente sans cesse, pour peu qu’on lui en donne le temps ».
Non, la tournure n’est pas appropriée.
Wiktionnaire est loin d’être un référent sérieux et sur lequel on puisse s’appuyer, puisque justement on y trouve tout et n’importe quoi !
En revanche, chez tous les référents dignes de ce nom, la forme pronominale de ce verbe n’est même pas évoquée.
La raison me paraît évidente : ça ne veut rien dire du tout !
En effet, on ne peut pas se « recréer » soi-même, ça n’a pas de sens.
Cette tournure est souvent employée (à tort !) dans le sens de « se renouveler » : changer quelque chose dans sa nature, son comportement intellectuel, moral.
Pour ce qui est de la langue française, ce verbe est encore plus inapproprié : ce n’est pas elle qui se renouvelle, mais les francophones, ceux qui l’emploient, et qui sont parfois bien plus influents que les règles de grammaire et les grammairiens eux-mêmes, hélas !
C’est ainsi que des tournures qui étaient il y a quelques années considérées comme des barbarismes se retrouvent aujourd’hui « acceptables » puis « acceptées » dans les ouvrages de référence.
Mon conseil : ne l’employez pas, et préférez « se renouveler / évoluer / progresser » par exemple.
Je suis globalement d’accord avec vous Cathy.
Merci beaucoup Tara, venant de vous cela me flatte.
« Inventer » est un verbe perfectif.
Une fois qu’un objet, une idée, une langue… est inventé, l’action est définitivement terminée. Et, elle ne pourra jamais se reproduire.
On peut ensuite améliorer, faire évoluer, renouveler l’invention de départ (on améliore la machine à peur, on renouvelle le mythe de Don Juan…)
On peut aussi redécouvrir une invention oubliée.
« Réinventer » existe dans le Robert :
https://dictionnaire.lerobert.com/
« réinventer
DÉFINITIONS
réinventer verbe transitif
CONJUGAISON
ACTIF
INDICATIF
PRÉSENT
je réinvente
tu réinventes
il réinvente / elle réinvente
nous réinventons
vous réinventez
ils réinventent / elles réinventent
IMPARFAIT
je réinventais »
Etc.
Vous n’avez toujours pas compris la question, une fois de plus : nous parlons ici de la forme PRONOMINALE !!!
Vous êtes décidément indécrottable……………………
Selon la 9e édition du dictionnaire de l’Académie réinventer = renouveler une chose en profondeur, lui donner une envergure nouvelle.
Renouveler existant à la forme pronominale, c’est assez naturellement que les usagers font de même avec réinventer.
On obtient donc se réinventer qui est un intensif de se renouveler.
Les dictionnaires qui ont toujours un temps de retard sur l’usage n’ont pas encore entériné cette forme, ça ne saurait à mon avis tarder. D’ailleurs Robert en ligne le fait indirectement en donnant plusieurs fois la forme pronominale dans les exemples qu’il propose à l’entrée réinventer :
Nous sommes allés à leur rencontre, pour savoir comment ils se réinventent en période de crise.
[…]
Mais avant de se réinventer, la créatrice sarthoise doit d’abord s’adapter.
[…]
Face aux évolutions du secteur, les banques traditionnelles doivent se réinventer.
Seuls les verbes qui n’existent qu’à la forme pronominale, ou ayant un sens différent à la forme pronominale, ont une entrée spécifique dans le dictionnaire.
Mais les verbes transitifs peuvent se construire pronominalement, sans autorisation explicite du dictionnaire.
a) « se regarder » n’est pas dans le dictionnaire, mais on dit « il se regarde dans le miroir ».
b) « se boire » n’est pas dans le dictionnaire, mais on dit : « le thé se boit chaud ».
c) « se casser » n’est pas dans le dictionnaire, mais on dit : « la branche se casse ».
Ce sont trois utilisations différentes de la forme pronominale.
a) La construction pronominale de sens réfléchi est difficile à concevoir ici, parce qu’il faudrait une démarche de la part de la langue, presque une intention, mais une langue est-elle capable d’une telle démarche ?
— Le peuple réinvente sa langue à chaque génération, correct
— La langue réinvente elle-même à chaque génération, la langue se réinvente à chaque génération, plutôt non
C’est simplement un problème de sens qui empêche ici la construction pronominale « se réinventer » dans un sens réfléchi (mais ce serait parfaitement possible, dans la limite du sens, si le sujet était une personne ou un organisme).
b) La construction pronominale de sens passif est correcte :
— On boit le thé chaud / le thé se boit chaud / le thé est bu chaud (par les amateurs)
— On réinvente la langue en permanence / la langue se réinvente en permanence / la langue est en permanence réinventée (par le peuple)
Mais votre phrase complète (« … si on lui laisse de le temps de le faire ») suggère qu’on souhaite que le sujet soit l’agent du verbe, ce qui n’est pas le cas ici car l’agent, exprimé ou non, est extérieur. Donc on ne peut pas ici utiliser la construction pronominale « se réinventer » dans un sens passif.
Arrivé ici, on peut penser que la seule solution pour utiliser « se réinventer » serait qu’il existe un sens spécifique, qui rendrait le verbe obligatoirement pronominal dans ce sens (pronominal autonome, pronominal subjectif), et alors pour le confirmer on souhaiterait que ce soit précisé dans un dictionnaire, et ce n’est pas le cas.
Mais il existe une forme pronominale qui, bien que d’apparence passive, n’a pas d’agent extérieur, même pas sous-entendu, même pas un « on ». Reprenons les trois constructions :
a) la vitre se casse = la vitre casse elle-même ? non
b) la vitre se casse avec un marteau = on casse la vitre avec un marteau ? oui
c) la vitre se casse sous l’effet du vent = on casse la vitre sous l’effet du vent ? non
C’est cette dernière construction (c) qui est utilisée dans « la langue se réinvente », une construction ni réflexive (a) ni passive (b), pas forcément évidente à analyser, mais en fait très fréquente. Certains grammairiens appellent cela une construction anticausative, mais on peut aussi en faire un sous-groupe des constructions pronominales subjectives.
c) Vous avez donc affaire dans votre phrase à une construction pronominale anticausative.
C’est une construction fréquente pour exprimer un changement d’état, sans que ce soit le sujet qui agisse, et sans non plus qu’il y ait un agent extérieur. Il n’est nul besoin qu’un sens spécifique soit recensé pour qu’un verbe de transformation puisse se construire pronominalement. On peut mettre la chose transformée en sujet de la phrase, comme si elle était le sujet du verbe d’état « devenir » :
— La ville s’embourgeoise, la ville se transforme toute seule, la ville se reconstruit sur elle-même, la branche se casse sans raison, la salle se remplit doucement, la langue se réinvente en permanence.
Peut-être êtes-vous tenté d’accorder un statut spécifique à « s’embourgeoiser » ou « se reconstruire », que vous n’accordez pas à « se prolétariser » ou « se réinventer », selon qu’ils sont ou non dans le dictionnaire ? Quand bien même ! La construction est la même (la ville s’est prolétarisée au début du siècle, la ville s’est reconstruite sur elle-même au début du siècle, cette langue s’est réinventée au début du siècle), et elle est grammaticalement valide. Il n’est nul besoin d’un sens spécifique lexicalisé pour utiliser cette construction pronominale anticausative.
Les formes pronominales se trouvent bien sûr dans les dictionnaires, la valeur sémantique y est même éventuellement indiquée. Je ne prends qu’un seul des trois cas cités – (se) boire – et un seul dictionnaire – Le Tlfi (mais on pourra facilement vérifier que ce traitement n’est pas réservé à ce seul verbe par ce seul dictionnaire) :
− [Avec un suj. désignant une boisson] Emploi pronom. à valeur passive. Se boire.
Ce n’est pas le cas pour réinventer dont la forme pronominale ne se trouve pas dans les dictionnaires « de référence » facilement accessibles en ligne (Tlif, Académie, Larousse, Robert, Usito).
Dans le TLFi, même à l’entrée « déguster », il n’y a pas « se déguster », donc le bourgogne ne se déguste pas avec du caviar… c’est absurde. Vous appliquez la méthode Prince, aller chercher dans les dictionnaires et sur Google pour savoir si tel verbe peut s’utiliser de telle ou telle manière. Il faut (surtout lui mais un peu vous aussi) apprendre à faire la différence entre un dictionnaire et une grammaire. Vous devez bien comprendre que les verbes transitifs peuvent avoir une construction pronominale passive. Pourquoi tant qu’à faire ne pas chercher dans le dictionnaire si tel ou tel verbe peut s’utiliser au futur ? ou au féminin ? Comprenez qu’il ne faut pas chercher sur internet ou dans les dictionnaires si quelqu’un a pris la peine de faire un exemple explicite de chaque utilisation possible d’un mot.
Vous dites « Vous devez bien comprendre que les verbes transitifs peuvent avoir une construction pronominale passive. »
Tous les verbes transitifs, vraiment ?
Concerner est transitif, peut-il pour autant accepter une construction pronominale passive ?, j’en doute. Même remarque pour comporter, avoir, etc.
phil-en-trope
Bonjour,
Cette forme est clairement usitée, sa correction s’évalue selon le degré de purisme de chacun.
L’employer ou pas dépend donc 1) de votre de degré de purisme, 2) du degré de purisme supposé ou avéré de vos lecteurs / évaluateurs.
(Et ainsi que je l’ai indiqué dans ma réponse infra, cette forme pronominale est indirectement donnée par le Robert en ligne.)
Octobre2017, ne tenez pas compte du commentaire ci-dessus, qui s’accorde un statut particulier et prétend faire l’arbitre entre les quinze réponses que vous avez reçues à l’heure où j’écris. Si vous voulez connaître la réponse de phil-en-trope, allez lire la quatorzième réponse, il y développe son approche de votre question.