Dilemme ou alternative ?
Bonjour,
Ces deux mots qui comportent un sens commun : choix entre deux possibilités prêtent à confusion et sont souvent employés à tort.
Louis Piéchaud, auteur de « Questions de langage » résume ainsi la différence de sens actuelle : « l’alternative, c’est le choix ; ledilemme, c’est l’impasse ».
Que pensez-vous alors de cette phrase, proposée dans les annales de la certification voltaire :
« Leur entreprise vacillant, ils sont confrontés à ce dilemme : persévérer ou renoncer.» ?
La formule de L. Pléchaud est plaisante, mais peu pédagogique en soi.
Je dirais :
– L’alternative est un choix entre deux options.
– Le dilemme est un choix entre deux options menant également à une même issue (terme de Logique). » Que je le tue ou que je l’épargne, sa gloire est certaine. »
Par ailleurs :
– Le choix cornélien suppose deux options incompatibles , en y ajoutant la connotation d’inéluctabilité et de de souffrance morale.
– N’oublions pas le simple « choix », éventuellement assorti d’un adjectif, qui répond à la majorité des besoins : choix difficile, choix critique, etc. De surcroît, il peut s’appliquer à plus de deux objets…
La jolie formule de Louis Piéchaud est peut-être incomplète, mais elle est tellement éloquente !
Littéralement, un dilemme présente au choix deux propositions dont l’une est nécessairement vraie si l’autre est fausse et qui ont une même conclusion. C’est le seul sens admis par l’Académie française. « Dans cette affaire, soit il est incompétent, soit il est malhonnête, dans les deux cas il doit être licencié ».
« De tous les deux côtés on me donne un mari encor tout teint du sang que j’ ai le plus chéri. » (Chimène, Le Cid, Corneille).
Le Larousse donne cette définition : « En logique, alternative entre deux propositions sémantiquement ou formellement incompatibles. »
Dans son sens courant un dilemme est une obligation de choisir entre deux partis possibles, comportant tous deux des inconvénients : «S’il ne m’ obéit point, quel comble à mon ennui ! /Et s’il peut m’ obéir, que dira-t-on de lui ? » (Chimène, Le Cid, Corneille).
Le dilemme le plus célèbre est le fameux « choix cornélien » : choisir entre l’amour et l’honneur dans Le Cid. Un autre dilemme célèbre est celui que l’on nomme « Le choix de Sophie », roman de William Styron. Le jour où elle est arrivée à Auschwitz, un médecin sadique lui a fait choisir entre ses deux enfants celui qui serait tué immédiatement par gazage et celui qui pourrait continuer à vivre dans le camp. Dans les deux cas (Le Cid et Le choix de Sophie), il y a bien deux choix possibles, mais y a-t-il vraiment deux « solutions » ? Il s’agit plutôt d’un destin inéluctable. C’est une « impasse », au sens que lui donne Louis Piéchaud.
Les deux résolutions ont une même conclusion : Chimène ne survivra pas à son « choix ». Et son amour, et son honneur ne le lui permettront pas ; Sophie sera toujours en deuil et toujours elle subira une terrible culpabilité. Ces deux exemples conviennent à la définition du dilemme.
Si vous me permettez cette recommandation, ne pas l’employer dans le sens de « choix difficile ».
L’alternative est un « choix nécessaire entre deux propositions, deux attitudes dont l’une exclut l’autre : Il se trouvait devant l’alternative de se cacher ou de s’exiler » (Académie française).
« Il n’avait qu’une alternative, se soumettre ou se démettre. » « Fuir ou se rendre, telle était l’alternative dans ce combat inégal. » On est obligé de choisir, c’est une situation sans issue favorable, c’est inexorable, on ressent une immédiateté, c’est aussi une impasse en quelque sorte, car peut on appeler cela un choix ?
Toutefois, à la différence du dilemme, il y a bien deux « solutions », même si elles présentent toutes deux des inconvénients et si l’issue est tragique dans les deux cas. On se rapproche du sens courant du nom « dilemme » à tel point que certains dictionnaires donnent, à tort, les deux mots « dilemme » et « alternative » comme synonymes.
(Bien sûr, les idées qui précèdent ne valent pas pour les alternatives du genre « sortir le chien ou regarder la télévision » ).
Une alternative, c’est deux possibilités, deux options, deux résultats, un dilemme n’offre qu’une même conclusion.
« Leur entreprise vacillant, ils sont confrontés à ce dilemme : persévérer ou renoncer. »
Cette phrase pourrait répondre partiellement à la définition du mot « dilemme » :
– dans le sens que lui donne l’Académie française : « deux propositions dont l’une est nécessairement vraie si l’autre est fausse. »
– dans le sens du Larousse : « deux propositions sémantiquement ou formellement incompatibles. »
S’ils persévèrent, ils peuvent finir par réussir, s’ils renoncent c’est un échec.
Cependant, les deux propositions n’ont pas « une même conclusion ». Ce n’est donc pas un dilemme au sens strict.
En revanche, la phrase répond à la définition du mot « alternative », toujours selon l’Académie française : « choix nécessaire entre deux propositions, deux attitudes dont l’une exclut l’autre. »
Deux possibilités, deux résultats différents : c’est une alternative, incontestablement.
Toutefois, on peut aussi penser que bien qu’« ‘ils persévèrent », ils peuvent également échouer. Le résultat sera donc identique dans les deux cas. C’est alors un peu nébuleux, d’autant que vraisemblablement, s’ils persévèrent, ils n’ont pas la volonté d’échouer, même si c’est une éventualité.
Pour ma part, je considère qu’il s’agit plutôt d’une alternative. Mais l’analyse prouve à quel point la différence entre les deux termes peut être ténue (merci, Chambaron… 😉 ).
(Je vous prie de m’excuser pour ma prolixité).