Conditionnel : futur du passé
Bonsoir,
On sait que le temps qui indique le futur dans une narration au passé simple est le conditionnel. Mais une interrogation d’un tiers me laisse un doute désagréable…
Dans l’exemple suivant, l’utilisation du conditionnel vous paraît-elle correcte ?
Je compris qu’une dispute violente opposait mes colocataires. Jacques fit sa valise et quitta la maison.
Un jour, moi aussi, je partirais. Je prendrais mon destin en mains.
– Jacques a bien raison, m’exclamai-je.
Merci d’avance pour votre aide,
Bonsoir Flo,
Il ne s’agit pas du conditionnel, comme vous l’indiquez d’ailleurs dans le titre, mais du futur du passé qui exprime un fait futur par rapport à un moment du passé . Effectivement la forme du futur du passé se confond avec le conditionnel, sans avoir le sens du mode conditionnel.
Elle déclare qu’elle viendra
Mais : elle déclara qu’elle viendrait.
Dans votre phrase, les verbes concernés sont ceux d’une proposition qui rapporte les pensées d’une personne.
Ces pensées expriment une action future par rapport au moment où elles sont rapportées, c’est à dire dans le passé.
C’est comme si l’on écrivait : « je me disait alors que, moi aussi, un jour, je partirais… »
Si la narration avait été au présent : « Jacques fait sa valise et quitte la maison.
Un jour, moi aussi, je partirai. Je prendrai mon destin en mains. »
Ou encore avec une incise comme dans la phrase suivante : « – Un jour, moi aussi, je partirai. Je prendrai mon destin en mains, me suis-je dit. »
Le futur du passé me semble donc approprié.
Cordialement.
@PhL
J’ignorais cette appellation de « futur du passé ». En fait il s’agit bien du conditionnel, mais contraint dans son utilisation par la concordance des temps. J’ai trouvé l’exemple suivant assez amusant : « Mon père disait que je mourrais un jour sur l’échafaud. Maman protestait pour la forme : Ne voyons pas tout en noir, il sera peut-être gracié. » Fernand TRIGNOL.
Merci pour votre réponse.
Cet emploi du futur du passé vous paraît donc correct, n’est-ce pas ?
Je suis désolée, je n’avais pas pu lire la fin de votre message. Ma dernière question est donc inutile puisque la réponse se trouve dans votre message.
Merci d’avoir confirmé ce que je pensais.
Cordialement,
En complément des règles rappelées ci-dessus, on pourrait éventuellement tenter ici une ouverture. Mon propos n’est cependant pas ici d’établir une quelconque règle ni d’examiner au fond les questions de concordance des temps.
Pour faciliter l’analyse et l’écoute, il peut s’avérer utile de conjuguer les choses à une autre personne. L’oreille peut ainsi parfois venir confirmer ou infirmer telle ou telle hypothèse. Ce n’est pas formel, je vous l’accorde, mais l’intérêt d’un examen « à l’oreille » n’est pas pour autant à négliger.
Je présente ici des exemples afin d’illustrer simplement le propos, sans tenter de théoriser les choses ni viser une quelconque exhaustivité, et encore moins une quelconque vérité.
Par exemple, dans un discours au présent avec une pensée tournée vers l’avenir :
1) « Il se dit alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il partira, qu’il prendra son destin en main. »
Il s’agit là d’une certitude absolue. L’homme est certain de partir un jour.
2) « Il se dit alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il pourrait partir, qu’il pourrait prendre son destin en main. »
Il s’agit là d’une éventualité absolue et non d’une certitude.
3) « Il se dit alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il partirait volontiers, qu’il prendrait alors son destin en main. »
Il s’agirait là plutôt d’une aspiration, d’un désir avéré de réalisation.
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Et, dans un discours au passé avec une pensée tournée vers l’avenir :
4) « Nous nous disions alors, en entendant ces mots, qu’un jour nous aussi, nous partirions, que nous prendrions notre destin en main. »
Il s’agit là d’une quasi-certitude.
5) « Nous nous disions alors, en entendant ces mots, qu’un jour nous aussi, nous pourrions partir, que nous pourrions prendre notre destin en main. »
Il s’agit là d’une possibilité.
6) « Nous nous disions alors, en entendant ces mots, qu’un jour nous aussi, nous partirions volontiers, que nous prendrions alors notre destin en main. »
Il s’agirait là plutôt d’un désir avéré de réalisation.
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Par exemple, dans un discours au présent avec une pensée tournée vers le passé :
1) « Il se dit alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il dut (/ a dû) partir, qu’il dut (/ a dû) prendre son destin en main. »
Il s’agit là d’une certitude absolue. L’homme affirme qu’il a dû partir un jour.
2) « Il se dit alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il aurait dû partir, qu’il aurait dû prendre son destin en main. »
Il s’agit là d’un regret absolu.
3) « Il se dit alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il serait volontiers parti, qu’il aurait alors pu prendre son destin en main. »
Il s’agirait là plutôt d’un désir passé qui n’a pu s’accomplir.
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Par exemple, dans un discours au passé avec une pensée tournée vers le passé :
1) « Il songea alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il partit (/ est parti), qu’il prit (/ a pris) son destin en main. »
Il s’agit là d’une réalité passée.
2) « Il se disait alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il était parti, qu’il avait pris son destin en main. »
Il s’agit là d’une réalité passée.
3) « Il songea alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il aurait dû partir, qu’il aurait dû prendre son destin en main. »
Il s’agit là d’un regret absolu.
4) « Il songea alors, en entendant ces mots, qu’un jour, lui aussi, il serait volontiers parti, qu’il aurait alors pu prendre son destin en main. »
Il s’agirait là plutôt d’un désir passé qui n’a pu s’accomplir.
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Le sujet est, certes, loin d’être clos, et on pourrait encore amplement décliner et affiner les choses à travers différentes formes du passé et du futur, et avec différentes intentions.
Un débat sur la concordance des temps serait bien sûr ici à engager de façon approfondie, mais cela dépasserait le strict cadre de la présente question.