Concordance des temps dans une proposition interposée

Répondu

Bonjour,

J’ai un doute sur la phrase suivante : « Il a ajouté que la prochaine fois que j’aurai mal au doigt, je ferais mieux d’utiliser des gouttes ophtalmiques plutôt que de la pommade. »

A l’origine, j’avais mis le conditionnel présent sur le verbe AVOIR, mais un correcteur a changé pour le futur. Je comprends que la concordance se fait en réalité avec le verbe suivant « Il a ajouté que […] je ferais mieux […] » mais la proposition « interposée » me gêne au futur. Cette gêne est accentuée lorsqu’on remplace par un verbe et une personne dont la forme différencie bien le futur du conditionnel à l’oral, comme dans :

Il a ajouté que la prochaine fois que nous irons à Paris, nous devrions lui rendre visite.
Il a ajouté que la prochaine fois que nous irions à Paris, nous devrions lui rendre visite.

Qu’en pensez-vous ? Merci !

Tingo Débutant Demandé le 13 septembre 2022 dans Conjugaison

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6 réponse(s)
 

Bonsoir,
Selon les règles de concordance des temps, quand le verbe principal est au passé, le verbe de la subordonnée se met au futur du passé ou au futur antérieur du passé, si le fait est postérieur. (Le Petit Grevisse)
En revanche si on avait employé le discours rapporté direct, le verbe aurait été au futur : Il a ajouté :  » la prochaine fois que j’aurai mal au doigt, je ferais mieux d’utiliser des gouttes ophtalmiques plutôt que de la pommade. »

PhL Grand maître Répondu le 13 septembre 2022
Meilleure réponse

Merci encore, Prince, de m’avoir orientée vers la Grammaire Méthodique du Français, où j’ai trouvé le passage suivant (dans la section sur le discours indirect) : « Un futur peut être conservé s’il marque aussi l’avenir par rapport au moment où le discours est rapporté: J’ai dit que je viendrai demain. L’action de venir est postérieure à la fois au moment où le discours est prononcé et à celui où il est rapporté. » (page 1014 de la 4e édition)
Merci aussi aux autres !! 🙂

Tingo Débutant Répondu le 14 septembre 2022

Parfaitement clair et synthétique, c’est bien de le formuler ainsi.

le 14 septembre 2022.

Le correcteur a  raison : il faut le futur simple.

Prince (archive) Débutant Répondu le 13 septembre 2022

Monsieur ,l’Administrateur, je vous prie de supprimer l’empechement temporaire de mon ordinateur. Merci.

le 13 septembre 2022.

Merci beaucoup, Prince. Sauriez-vous dans quelle grammaire je peux trouver cette réponse ? (C’est pour mes étudiants)

Tingo Débutant Répondu le 13 septembre 2022

Dans la Grammaire méthodique du français, PUF. Mzrtin, Rioul.Riegel.

Prince (archive) Débutant Répondu le 13 septembre 2022

a) Concordance des temps et passé composé.

Le passé composé appartient d’abord à un système présent. On l’utilise cependant de plus en plus, à mesure qu’on abandonne le passé simple, dans un système passé.
La concordance des temps est normalement limitée aux récits au passé, avec des temps relatifs entre eux. Elle n’a aucune utilité dans un récit au présent. C’est selon le type de récit qu’on choisit si on applique ou non une concordance des temps :
— Système présent, déictique : Il m’a dit hier lundi qu’il viendra demain.
— Système passé, anaphorique : Il m’a dit ce lundi-là qu’il viendrait le surlendemain.

Appliqué à votre exemple, le « on m’a dit que » ne nous transpose donc pas forcément dans un système passé.
— La prochaine fois que j’aurai mal, je devrai prendre des gouttes. Je sors de chez le médecin, et c’est ce qu’il m’a dit.
— Je sors de chez le médecin, il m’a dit que la prochaine fois que j’aurai mal, je devrai prendre des gouttes.
On voit qu’en contexte présent, il n’y a aucune raison d’appliquer une concordance des temps artificielle contrairement à un récit au passé simple :
— Le médecin m’expliqua ce jour-là que la prochaine fois que j’aurais mal, je devrais prendre des gouttes.
Voici la variante passé composé :
— Le médecin m’a expliqué ce jour-là que la prochaine fois que j’aurais mal, je devrais prendre des gouttes.
Si votre récit est daté d’aujourd’hui, s’il s’inscrit dans un système présent, si votre futur est objectivement un futur dans le présent, vous n’avez aucune raison d’appliquer la concordance des temps consistant à utiliser un conditionnel présent pour exprimer le futur dans le passé. Ajouter provisoirement un adverbe de temps permet de décider. Si vous pouvez ajouter « ce matin » en début de phrase, n’appliquez pas de concordance des temps. Si vous pouvez ajouter « ce jour-là », appliquez la concordance des temps.

b) Subordonnée circonstancielle de temps et proposition à suivre.

On utilise a priori ici le même temps dans les deux propositions :
— quand j’ai mal je prends des gouttes
— quand j’avais mal je prenais des gouttes
— quand j’aurai mal je prendrai des gouttes
— il explique que quand j’aurai mal je devrai prendre des gouttes
— il expliqua que quand j’aurais mal je devrais prendre des gouttes
Vous ne devez donc pas parler d’un verbe interposé, comme s’il avait un statut particulier.
On peut même sans problème les décorréler :
— il explique que parfois j’aurai mal et que je devrai prendre des gouttes
— il expliqua que parfois j’aurais mal et que je devrais prendre des gouttes
Votre idée d’évacuer du raisonnement un des verbes n’est donc pas utile, car les deux verbes doivent recevoir la même approche. Si concordance il doit y avoir, c’est sur les deux verbes, et sinon sur aucun.

c) La particularité du dernier verbe.

Votre « je ferais mieux de » est au présent, il signifie « il faut que je », « il faudrait que je », « il m’est conseillé de », « il est préférable de »… Alors certes, il est au conditionnel, mais c’est juste un mode, c’est juste la façon de construire « je ferais mieux », comme on dit « j’aimerais » sans aucune connotation de condition. On utilise ce mode dans le système présent, il en fait partie, il n’y a aucune réticence à avoir.

c1) Si vous adoptez le système présent, c’est donc le correcteur qui a raison :
— Il m’a affirmé ce matin qu’il passera demain et qu’il aimerait que je sois là.
— Il a ajouté que la prochaine fois que j’aurai mal au doigt, je ferais mieux d’utiliser des gouttes ophtalmiques plutôt que de la pommade.
L’un des deux verbes est certes au conditionnel parce qu’il se conjugue ainsi, mais ça ne change évidemment rien quand on n’applique aucune concordance des temps.

c2) Dans le système passé, donc avec concordance, il faut admettre qu’il n’existe pas de transposition dans le passé du conditionnel présent modal. J’ajoute qu’il ne faut surtout pas croire que le conditionnel passé est la solution, car il traduit une antériorité dans le présent et non une postériorité dans le passé.
— Il m’informe qu’il voudrait venir
— Il m’informa qu’il ???
Ici à la limite, on peut écrire
— Il m’informa qu’il voulait venir
car c’est le futur dans le passé de
— Il m’informe qu’il veut venir
Mais quand au présent seule la conjugaison au conditionnel est valide
— Il m’informe qu’il aimerait venir
il n’y a pas de solution
— Il m’informa qu’il ???
Il y a des subordonnées au présent qui ne sont pas transposables au passé. Il faut réécrire, ou du moins changer le verbe qui n’existe qu’au conditionnel présent et le remplacer par un verbe qui est transposable au passé.
— Il a ajouté (il ajouta ce jour-là) que la prochaine fois que j’aurais (transposition de « j’aurai ») mal au doigt, il serait préférable (transposition de « il est préférable ») d’utiliser des gouttes ophtalmiques plutôt que de la pommade.

d) Finalement.

Donc dans l’ordre, voyez si vous êtes dans un récit au présent ou au passé, en examinant les phrases précédentes. Si le récit est au présent, malgré le passé composé, vous ne devez appliquer aucune concordance des temps, la phrase proposée par votre correcteur est logique. Si le récit est au passé, vous devez modifier votre phrase car si « j’aurai » se transpose facilement en « j’aurais », l’expression « je ferais mieux de » n’est pas transposable.
Ce qui est amusant, ou perturbant, c’est que dans le premier cas, c’est le deuxième verbe qu’on met au conditionnel présent (valeur d’atténuation peut-être) et que dans le deuxième cas, c’est le premier verbe qu’on met au conditionnel présent (valeur de futur dans le passé).

MorganaFata Amateur éclairé Répondu le 13 septembre 2022

Il n’y a aucune raison de vous enlever un point. Ce que vous exposez est tout à fait juste. On peut seulement vous reprocher d’avoir fait trop long (pas assez synthétique peut-être).
Vous êtes la seule à avoir rappelé ce fait principal : ne pas confondre mode conditionnel et futur du passé qui ont la même forme mais pas du tout le même rôle.

le 14 septembre 2022.

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