Concordance des temps dans cette phrase
Bonjour. Je souhaiterais savoir quel est le temps le plus adéquat dans cette partie de la phrase. J’hésite entre le futur et le conditionnel.
Je me suis dit que plus tard je ne pourrai plus m’en occuper, donc il fallait que je le fasse tout de suite.
Merci de votre aide !
Bonjour,
Disons qu’en mettant le conditionnel, on est sûr de ne pas se tromper. Cependant, dans la mesure où l’évènement « ne pas pouvoir s’en occuper » n’a pas encore eu lieu, et que le verbe de la principale exprime une affirmation, on peut faire une entorse à la concordance stricte (grammaticale) et faire une concordance avec le sens.
Dauzat, par exemple :
Quand la principale est au passé, la concordance de forme réclamerait le passé en subordonnée, mais la langue a trouvé un procédé particulier pour l’expression du futur […] Après les verbes exprimant non plus une croyance, une espérance, mais une affirmation, un énoncé, on peut employer le présent (proscrit à tort par la Grammaire de l’Académie) et le futur. On dispose donc de quatre tours, exprimant les nuances entre le dubitatif « il m’a écrit qu’il viendrait demain », la probabilité « … qu’il venait demain » et la certitude « …qu’il vient [qu’il viendra] demain » (1). […] Le futur est encore plus nécessaire pour situer dans l’avenir, par rapport à celui qui parle. « J’ai appris qu’il va venir à Paris et qu’il y séjournera quelque temps » (affirmation opposée à la double formule dubitative : « qu’il allait venir et qu’il y séjournerait ».)
(Les mises en valeur sont de moi.)
Il faut le conditionnel en tant que futur du passé : pouvoir / je me suis dit.
Je me suis dit : repère passé, donc ce qui est après est au conditionnel (futur du passé).
Mettre la phrase avec le pronom personnel : nous et normalement ça doit sonner…
Je déconseille formellement ce futur.
C’est une vision très puristique (et à mon sens appauvrie de la langue), mais c’est votre droit.
Bonjour,
Oui, le futur a été admis par Albert Dauzat en 1947! Et il n’est pas le seul à admettre cet emploi du futur : cf. par ex. Maurice Grevisse (lui-même) dans Le Français correct.
Grammaire raisonnée de la Langue française, d’Albert Dauzat, (IAC, 1947) :
« Quand la principale est au passé, la concordance de forme réclamerait le passé en subordonnée, mais la langue a trouvé un procédé particulier pour l’expression du futur et a réagi pour l’expression du présent. […]
Après les verbes exprimant non plus une croyance, une espérance, mais une affirmation, un énoncé, on peut employer le présent (proscrit à tort par la Grammaire de l’Académie) et le futur. On dispose donc de quatre tours, exprimant les nuances entre le dubitatif « il m’a écrit qu’il viendrait demain », la probabilité « … qu’il venait demain » et la certitude « …qu’il vient [qu’il viendra] demain » (1). L’emploi du présent en subordonnée permet en outre de préciser les faits présents par rapport à celui qui parle : « il m’a écrit qu’il était capitaine » ne précise pas si le correspondant est toujours capitaine à l’heure présente, tandis que « il m’a écrit qu’il est capitaine » l’affirme sans doute possible. Le futur est encore plus nécessaire pour situer dans l’avenir, par rapport à celui qui parle. « J’ai appris qu’il va venir à Paris et qu’il y séjournera quelque temps » (affirmation opposée à la double formule dubitative : « qu’il allait venir et qu’il y séjournerait ».) Enfin pour exprimer une idée générale, située hors temps, le présent est plus indiqué, plus net que l’imparfait : « On a toujours pensé que la colère est [était] mauvaise conseillère ». Réaction de la logique contre les servitudes grammaticales. — Psychologiquement, l’imparfait et le conditionnel, comme dans le style indirect, relatent la pensée d’autrui, tandis qu’avec le présent et le futur de l’indicatif apparaît l’opinion de celui qui parle ou écrit.
(1) Le présent est encore plus affirmatif que le futur ; celui-ci est employé pour insister sur l’élément temporel »
Ajout :
Le grand grammairien Brunot « a écrit, dans une formule percutante : « Ce n’est pas le temps principal qui amène le temps de la subordonnée, c’est le sens. Le chapitre de la concordance des temps se résume en une ligne : Il n’y en a pas. » (Pensée, p. 782.) Il ne s’agit pas, en effet, de quelque chose de mécanique : voir par ex. § […] » DIXIT LE BON USAGE ACTUEL.
Sans faire mienne cette boutade de Brunot (« Il n’y en a pas »), il convient, de nos jours, de ne pas faire une application systématiquement mécanique des règles de concordance (on dit aussi « de correspondance ») des temps.