concordance de temps
Bonjour,
Encore une question (une demande de confirmation plutôt) de concordance des temps (oui, j’ai un peu de mal avec ça…), dans un texte au passé :
« J’aurais aimé qu’elle dise ce qu’elle pensait. »
La phrase est-elle correcte ? J’hésitais avec « ce qu’elle pense », mais en remplaçant par « savoir » (=> « ce qu’elle savait »), « pensait » me paraît correct.
Merci 🙂
Bonjour BBFolk, au présent vous écririez « j’aimerais qu’elle me dise ce qu’elle pense », les verbes aimer et penser sont tous les deux au présent (conditionnel pour le premier, indicatif pour le second) car ils concernent des événements (aimer et penser) simultanés. Si vous transposez cette phrase au passé, les événements restant bien entendu simultanés, il faut donc, pour la bonne concordance des temps, que les verbes soient tous deux transposés au passé : « j’aurais aimé qu’elle me dise ce qu’elle pensait » (et non « ce qu’elle pense » qui introduirait une distorsion inappropriée).
Bonjour BBFolk,
Quand il vous semble qu’il y a un problème dans une phrase, c’est certainement qu’il y en a un, souvent une confrontation entre le sens et la syntaxe, et un simple changement d’accord ou de conjugaison ne le résoudra qu’en apparence.
D’une part, le fait de ne pas avoir appliqué la concordance des temps à « dire » crée une apparence formelle de présent. Mais le sens est bien le passé. Malgré votre passage au présent le temps d’un verbe pour éviter le subjonctif imparfait, vous devez revenir immédiatement à la concordance pour les verbes à l’indicatif qui suivent : j’aurais aimé qu’elle dise où elle allait et ce qu’elle pensait vraiment. C’est simple quand le verbe à suivre est totalement indépendant de « dire ».
D’autre part, vous estimez peut-être que « dire ce qu’on pense » est une locution signifiant « être sincère », et que si concordance il doit y avoir, ce devrait être entre « dire » et « penser ».
Car si dans le sens concret, on peut dissocier les temps :
* j’aimerais qu’elle dise ce qu’elle pense = j’aimerais qu’elle s’exprime maintenant pour nous donner son opinion,
* j’aurais aimé qu’elle dise ce qu’elle pensait = j’aurais aimé qu’elle s’exprime à ce moment-là pour nous donner son opinion ;
dans le sens abstrait de « être sincère », c’est plus délicat :
* j’aimerais qu’elle dise ce qu’elle pense = j’aimerais qu’elle soit plus sincère, qu’elle fasse partie de ces femmes qui disent ce qu’elles pensent ;
* j’aurais aimé qu’elle dise ce qu’elle pensait… On vient ici par la concordance des temps d’exploser la locution que vous souhaitiez utiliser au passé. Il y a une difficulté réelle à séparer les temps de l’expression « dire ce qu’on pense », en conjuguant le premier verbe au subjonctif présent et le second à l’indicatif imparfait.
Le problème est donc d’en même temps :
– choisir de ne pas appliquer la concordance des temps au subjonctif de « dire » (« qu’elle dise » au présent plutôt que « qu’elle dît » à l’imparfait) ;
– poursuivre avec un verbe que vous estimez devoir conjuguer au même temps que « dire » : (dire-ce-qu’on-pense ; elle dit-ce-qu’elle-pense ; elle disait-ce-qu’elle-pensait).
Au passé, la syntaxe ne nous offre pas la possibilité d’emporter le verbe penser avec le verbe dire (que vous écrivez par choix esthétique au présent mais qui se situe dans le passé). On se retrouve donc obligatoirement avec des verbes indépendants l’un de l’autre, séparés par leurs temps, le premier au présent et le second au passé, et on quitte la notion de sincérité (dire ce qu’on pense) qui nécessite des temps identiques aux deux verbes.
Étant entendu que vous refusez le subjonctif imparfait,
* conjuguez « penser » au présent, vous aurez une faute de syntaxe,
* conjuguez « penser » à l’imparfait, vous aurez perdu le sens « dire-ce-qu’on-pense » que vous cherchiez.
Voilà ce qui arrive quand on refuse la concordance des temps au subjonctif, et là je suis heureuse de pouvoir placer, avec une bienveillante ironie : Circumretit enim vis atque injuria quemque, atque, unde exorta est, ad eum plerumque revertit.
Très bien vu Juliette. Il y avait quelque chose qui me gênait dans ce refus du présent pour « penser ».
On a là un cas assez rare (ou très rare, je ne sais) où l’abandon subjonctif imparfait montre pose un réel problème de sens.
Si l’auteur veut utiliser l’expression « dire ce qu’on pense », au sens approximatif de « être franc », alors je lui conseille, faute de mieux, « j’aurais aimé qu’elle dise ce qu’elle pense », en veillant à ce que le contexte en éclaire le sens.